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Modèle d’efficience

Dans le document Dépistage néonatal MSUD - Avis (Page 73-80)

8. ASPECTS ORGANISATIONNEL ET ÉCONOMIQUE

8.3. Modèle d’efficience

L’INESSS a réalisé une analyse coût-efficacité pour disposer d’une estimation applicable au Québec afin évaluer l’ajout de la leucinose à la plateforme de dépistage néonatal sanguin par MS/MS en comparaison avec le repérage d’après les signes cliniques. Cette analyse a été réalisée selon la perspective du système public de santé et de services sociaux, avec un horizon temporel à vie, des cycles annuels de modélisation et un taux d’actualisation de 1,5 %. Pour comparer le dépistage néonatal de la leucinose (DN) au repérage clinique (RC), la somme des coûts actualisés et la somme des années de vie gagnées actualisées ont été calculées pour chaque stratégie. La différence de coûts actualisée sera mise en relation avec la différence d’efficacité mesurée en années de vie et présentée sous forme de ratio coût-efficacité incrémental (RCEI). La figure 2 montre la façon dont le RCEI est calculé.

Figure 2 Équation du ratio coût-efficacité incrémental

𝑅𝐶𝐸𝐼 = 𝐶𝑜û𝑡𝑠_DN − 𝐶𝑜û𝑡𝑠_𝑅𝐶

𝐴nnées de vie_DN − Années de vie_RC = Δ𝐶𝑜û𝑡𝑠 ΔAnnées de vie

Sigles : DN : dépistage néonatal sanguin de la MSUD; RC : repérage clinique de la MSUD; Δ : différence.

Le modèle

Le modèle appliqué pour évaluer l’efficience est un modèle de survie partitionné semi-markovien. Ce choix de modélisation est basé principalement sur trois raisons : 1) ce modèle est validé par une agence d’évaluation des technologies de la santé reconnue (NICE)30, 2) ce modèle est adaptable à divers types de pathologies31, et 3) ce modèle est

30 National Institute for Health and Care Excellence (NICE). Partitioned survival analysis TSD, disponible à : http://nicedsu.org.uk/technical-support-documents/partitioned-survival-analysis-tsd/.

31 York Health Economics Consortium (YHEC). Partitioned survival model [site Web], disponible à : https://yhec.co.uk/glossary/partitioned-survival-model/.

compatible avec les données disponibles. En effet, l’utilisation de ce modèle à trois états de santé est cohérente avec l’évolution clinique de la leucinose où l’accumulation de métabolites toxiques se produit graduellement jusqu’à un point de non-retour à partir duquel des complications irréversibles surviennent. Lorsque cet état se manifeste, la survie est compromise. Le modèle englobe trois états : mort, MSUD sans progression et MSUD postprogression. MSUD sans progression représente l’état de santé avant l’atteinte du point de non-retour et MSUD postprogression l’état où la survie est diminuée.

La figure 3 illustre les différents états ainsi que les transitions possibles entre ceux-ci.

Dans le cadre du dépistage néonatal de la leucinose, les patients sont suivis, qu’ils soient à l’état MSUD sans progression ou à l’état MSUD postprogression. Dans un contexte de repérage d’après les signes cliniques, seuls les patients atteints de la leucinose qui ont démontré une progression de leur maladie seront suivis par le réseau de la santé et des services sociaux (RSSS). Les cas modélisés migrent, au cours de leur première année de vie, de l’état sans progression à celui postprogression.

Figure 3 États modélisés et transitions

Intrants cliniques et économiques

Les intrants cliniques et économiques employés sont détaillés à l’annexe E.

Le modèle d’efficience inclut les différents tests liés au dépistage tels que le test de première intention, la reprise du test, le test de deuxième intention et les tests de confirmation diagnostique. Les faux positifs et les faux négatifs ainsi que le dépistage familial en cascade suivant un résultat positif sont également inclus dans le modèle.

L’analyse tient compte de trois types de complications de la leucinose : les

hospitalisations (nombre de jours), les complications neurocomportementales (TDAH, dépression, anxiété) et les complications cognitives (déficience intellectuelle). Aucune preuve directe de l’efficacité du dépistage pour réduire l’occurrence et la gravité de la déficience intellectuelle n’a pu être trouvée dans la littérature. Toutefois, le dépistage néonatal permettrait de réduire le nombre de jours où la concentration de la leucine plasmatique se trouve à des niveaux toxiques. Or, celle-ci serait corrélée avec la sévérité

soit la corrélation négative significative entre le quotient intellectuel des patients et l’âge au diagnostic, ont donc été employées pour modéliser les complications cognitives [Couce et al., 2015; Hoffmann et al., 2006; Hilliges et al., 1993; Kaplan et al., 1991;

Snyderman, 1988]. Des preuves de l’efficacité du dépistage néonatal pour réduire la durée des hospitalisations sont aussi disponibles [Couce et al., 2015; Morton et al., 2002]. Aucune différence statistiquement significative n’a cependant été trouvée concernant les complications neurocomportementales entre les groupes de patients repérés d’après leurs signes cliniques et ceux chez qui la leucinose a été dépistée à la naissance. De plus, aucune étude n’a démontré que le dépistage néonatal préviendrait les décès, les retards globaux de développement et la récurrence des épisodes de décompensation métabolique. À défaut de preuves relatives à l’efficacité, la même courbe de survie sans progression a servi pour la modélisation dans le contexte du dépistage néonatal et du repérage clinique.

Selon les seuils de détection employés dans les différents programmes de dépistage, la forme classique est la forme majoritairement détectée par le dépistage MS/MS [Puckett et al., 2010; Oglesbee et al., 2008; Bhattacharya et al., 2006]. Conséquemment, seule la forme classique a été modélisée, et la forme intermédiaire a été exclue. Il est à noter que, selon les experts consultés, 85 % des patients au Québec sont atteints de la forme classique. La répartition des cas symptomatiques et asymptomatiques a pu être calculée sur la base de 32 cas repérés dans la littérature. L’incidence cumulative en fonction de l’âge est présentée au tableau 13 [Castells et al., 2019; Zeynalzadeh et al., 2018; Gupta et al., 2015; Tal et al., 2015; Heldt et al., 2005]. Comme le résultat du dépistage est généralement disponible entre le 10e et le 13e jour de vie au Québec, entre 18,8 % et 9,4 % des cas de leucinose classique seront asymptomatiques au moment de l’obtention des résultats du dépistage. Dans la modélisation, seulement les nouveau-nés atteints de la leucinose pour lesquels les résultats du dépistage néonatal sont obtenus en temps opportun ont été considérés. Il est possible que, pour certains nouveau-nés qui

présentent des symptômes avant l’obtention du résultat du dépistage, celui-ci permette tout de même d’accélérer le diagnostic. Étant donné le manque de données à cet égard, un tel avantage n’a pas pu être modélisé.

Tableau 13 Incidence cumulative des cas symptomatiques et asymptomatiques de la leucinose classique chez 32 patients

Jour Symptomatique (n, %) Asymptomatique (n, %)

1 0 0 % 32 100 %

2 2 6,3 % 30 93,8 %

3 3 9,4 % 29 90,6 %

4 4 12,5 % 28 87,5 %

5 9 28,1 % 23 71,9 %

6 10 31,3 % 22 68,8 %

7 18 56,3 % 14 43,8 %

Jour Symptomatique (n, %) Asymptomatique (n, %)

8 20 62,5 % 12 37,5 %

9 22 68,8 % 10 31,3 %

10 26 81,2 % 6 18,8 %

11 27 84,4 % 5 15,6 %

12 28 87,5 % 4 12,5 %

13 29 90,6 % 3 9,4 %

14 31 96,9 % 1 3,1 %

15 32 100 % 0 0 %

Abréviation : n : nombre d’individus.

Résultats

Le tableau 14 présente les coûts associés au dépistage néonatal et au repérage clinique de la leucinose sur un horizon temporel à vie et selon la perspective du système public de santé et de services sociaux. Ces résultats correspondent au dépistage d’une année permettant de repérer 0,57 cas de leucinose par an dont 0,08 cas asymptomatique au moment où les résultats seraient disponibles. Un cas entier atteint de leucinose asymptomatique serait donc repéré en temps opportun tous les 12,5 ans. Ces valeurs ont été calculées à partir de la proportion de cas asymptomatiques au moment de l’obtention des résultats du dépistage et des données de prévalence publiées par Moorthie et ses collaborateurs [2014].

Tableau 14 Coûts annuels estimés pour le dépistage néonatal et le repérage clinique par secteur d’activité

Description Dépistage néonatal Repérage clinique Différence

Dépistage 160 136 $ - $ 160 136 $

RSSS 14 444 $ 24 586 $ - 10 142 $

RAMQ 7 597 $ 8 218 $ - 621 $

PAQTMMH 56 921 $ 51 696 $ 5 225 $

Hébergement 8 143 $ 66 504 $ - 58 361 $

Soins palliatifs 1 415 $ 1 529 $ - 114 $

Total 248 657 $ 152 532 $ 96 125 $

Les coûts additionnels générés par le dépistage sont supérieurs aux économies générées principalement par la diminution de la sévérité de la déficience intellectuelle et le recours à l’hébergement. Sur le plan de l’efficacité, le dépistage néonatal de la leucinose est associé annuellement à 3,22 années de vie gagnées actualisées contre 2,97 pour le repérage clinique, soit une différence de 0,25 année de vie gagnées actualisée.

En considérant les coûts incrémentaux de 96 125 $ et les gains en efficacité différentiels de 0,25 année de vie gagnée actualisée, le RCEI est évalué à 380 309 $ par année de vie gagnée. Le dépistage néonatal de la leucinose est associé à une augmentation des coûts et une augmentation de l’efficacité par rapport au repérage clinique de cette EIM.

L’effet le plus important sur les coûts se situe sur le plan de l’hébergement parce que la prise en charge précoce des cas de leucinose semble entraîner une diminution de la proportion des cas atteints d’une déficience intellectuelle de modérée et sévère qui ont recours à ces services.

Analyses de sensibilité

Une analyse de sensibilité déterministe univariée a suggéré que l’horizon temporel est un des paramètres qui influent fortement sur les résultats concernant l’efficience. La figure 4 illustre le fait que le RCEI décroît à mesure que l’horizon temporel considéré s’allonge, sans toutefois franchir la barre du RCEI nul. Pour un horizon temporel de 41 à 42 années, le RCEI passe sous la barre des 1 M $ par année de vie gagnée.

Figure 4 RCEI en fonction de l’horizon temporel

Cette analyse de l’efficience contient beaucoup d’incertitude étant donné la rareté des données relatives à certains intrants dans un contexte de maladie rare [Harari, 2016].

Pour mesurer le niveau de robustesse des résultats, une analyse probabiliste du modèle d’efficience a été réalisée par simulation de Monte-Carlo dans laquelle les paramètres varient simultanément selon leur fonction de distribution. Les paramètres pris en considération ainsi que leur distribution sont présentés en annexe E, tableau E 9. Dans 80 % de ces simulations basées sur un horizon temporel à vie, l’estimation du RCEI est comprise entre 165 000 $ et 1 005 000 $ par année de vie gagnée. Le résultat de ces 10 000 simulations est présenté dans la figure 5 sous la forme d’un nuage de points.

0 $ 500 000 $ 1 000 000 $ 1 500 000 $ 2 000 000 $ 2 500 000 $ 3 000 000 $ 3 500 000 $ 4 000 000 $ 4 500 000 $ 5 000 000 $

10 20 30 40 50 60 70 80 90 100

RCEI

Horizon temporel

La majorité des points est contenue dans le 1er quadrant où le différentiel de coûts est positif et le différentiel d’efficacité est lui aussi positif. En d’autres mots, les coûts sont élevés pour obtenir des avantages. Selon les intervalles de confiance à 80 %, le

différentiel d’efficacité varie de 0,11 à 0,31 année de vie gagnée et le différentiel de coûts de 42 000 $ à 142 000 $.

Figure 5 Résultats de l’analyse de sensibilité probabiliste

À partir de ces 10 000 points, une courbe d’acceptabilité a pu être tracée, et celle-ci est présentée à la figure 6. Selon ces analyses de sensibilité, la probabilité que le ratio soit inférieur à 200 000 $ par année de vie gagnée, par exemple, serait de 14 %.

Figure 6 Courbe d’acceptabilité - 800 000 $ - 600 000 $ - 400 000 $ - 200 000 $ 200 000 $ 400 000 $ 600 000 $ 800 000 $

- 2,0Δcoûts - 1,5 - 1,0 - 0,5 - 0,5 1,0 1,5 2,0

Δannée de vie

0 % 10 % 20 % 30 % 40 % 50 % 60 % 70 % 80 % 90 % 100 %

0 $ 50 000 $ 100 000 $ 150 000 $ 200 000 $

Probabilité d'efficience

Seuil de coût-efficacité ($ par année de vie gagnée)

Limites et discussion du modèle d’efficience

L’analyse de l’efficience comporte plusieurs limites. D’abord, le dépistage néonatal sanguin de la leucinose permettrait une diminution de la gravité de la déficience

intellectuelle, ce qui se traduit non seulement par une meilleure espérance de vie, mais aussi par une meilleure qualité de vie. Or, la pondération des années de vie gagnées par la qualité de vie chez les enfants est déconseillée et elle n’a pas été considérée [Ungar, 2011; Sung et al., 2010; Griebsch et al., 2005]. La différence en années de vie

pondérées par la qualité de vie serait plus importante que la différence mesurée en années de vie gagnées et, par conséquent, une telle analyse pourrait être en faveur du dépistage sanguin néonatal par rapport au repérage clinique de la leucinose.

Les résultats présentés englobent les coûts générés pour le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS). Cependant, les dépenses d’autres ministères, comme le ministère de l’Éducation, sont aussi susceptibles d’être tributaires du nombre de

personnes atteintes d’une déficience intellectuelle. De plus, si l’analyse avait été réalisée selon une perspective sociétale, la perte de revenu des parents et de l’enfant qui

présente des complications liées à la leucinose aurait aussi pour effet d’augmenter le différentiel de coût, ce qui pourrait faire pencher la balance en faveur du dépistage néonatal sanguin de la leucinose. D’un autre côté, le dépistage néonatal occasionne également des coûts pour les familles qui ont reçu un résultat faux positif, lesquels n’ont pas été pris en considération dans l’analyse.

L’analyse de l’efficience tient compte du fait que, si on se fie aux séries de cas

recensées, seulement 9,4 % à 18,8 % des patients atteints d’une leucinose classique seraient asymptomatiques au moment de l’obtention des résultats du dépistage. Dans l’éventualité où les processus en place seraient revus et si une réduction des délais d’obtention des résultats était possible, il pourrait être intéressant de reprendre cette analyse de l’efficience. En effet, un délai plus court améliorerait la proportion de cas de leucinose dépistés en temps opportun et le différentiel d’efficacité en faveur du dépistage néonatal sanguin. Cette amélioration du processus pourrait aussi influer sur le temps opportun et l’efficience du dépistage d’autres EIMs.

Une approche conservatrice a été privilégiée tout au long de la modélisation. Il y a notamment eu la décision de ne pas modéliser les complications pour lesquelles aucune étude n’avait rapporté de résultats de l’efficacité statistiquement significatifs, dans le but d’éviter l’introduction d’un biais favorable au dépistage. Ce même principe de prudence a guidé le choix des intrants lors de la modélisation des hospitalisations.

Dans l’interprétation des résultats, il importe de garder à l’esprit qu’un haut niveau d’incertitude est inévitable en ce qui a trait aux intrants cliniques dans un contexte de maladies rares. Le modèle d’efficience présenté représente néanmoins une estimation du coût par année de vie gagné adaptée au contexte québécois et reposant sur les meilleures données disponibles. Certains paramètres ont été validés par des experts consultés et d’autres paramètres ont été estimés directement à partir de la revue de la littérature.

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