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investisseurs supportent seuls le risque de contrepartie. L’absence d’un cadre réglementaire spécifique permet ainsi aux crossing networks de réaliser des économies substantielles et est susceptible de leur conférer un avantage concurrentiel par rapport aux marchés organisés et aux internalisateurs systématiques.

Les crossing networks fonctionnent sur la base d’un prix importé issu des spreads formés sur les marchés organisés. L’absence de réglementation spécifique leur offre une latitude plus large dans le choix du cours importé. Ainsi, à la différence des internalisateurs systématiques qui doivent exécuter les ordres { un cours proche de celui des carnets d’ordres lit, les crossing networks sont libres d’exécuter les transactions en milieu de fourchette81 ce qui assure une exécution optimale.

De plus, les crossing networks ne supporteront pas les trading fees, et pourront donc faire bénéficier { leur client une baisse des coûts d’exécution.

Ainsi, très rapidement le gris a-t-il succédé au noir, s’inscrivant dans une tendance mue par des acteurs plus agressifs. Si le noir était la promesse d’une étanchéité totale et d’une certaine solitude, le gris est devenu celle d’une recherche plus active de liquidités, d’une certaine agressivité. A la différence des dark pools « black », les ordres intégrant les gray pools ne sont pas simplement croisés avec les ordres contenus dans le carnet d’ordres « dark » ou simplement redirigés vers ce carnet du fait d’algorithmes. Les gray pools vont s’adapter aux besoins des investisseurs qui, adoptant une stratégie plus agressive et à court terme, acceptent de révéler certaines informations avec l’objectif de trouver immédiatement des liquidités. Le scénario adopté par les gray pools repose essentiellement sur l’utilisation des IOI84, permettant une transparence pré-négociation uniquement au profit de quelques intervenants et non pas de l’ensemble du marché. Des IOI sont transmis du pool vers des contreparties potentielles, le plus souvent à travers une plateforme totalement informatisée. Ces plateformes vont exclusivement traiter les IOI par des algorithmes sophistiqués écartant de ce fait tout intervention humaine – ce qui limite dans une certaine mesure la fuite d’informations – et donner une réponse immédiate.

L’utilisation des IOI ne fait pas l’unanimité parmi les dark pools. Dan Mathison du Credit Suisse fait remarquer que l’objectif d’un dark pool est de négocier sans fuite d’informations alors qu’un IOI constitue par essence une fuite85. Certains investisseurs avancent la crainte de ne pas connaître la nature de l’information révélée ou encore celle d’utiliser les IOI dans le cadre du gaming86. D’ou l’importance d’encadrer l’utilisation des IOI. Ainsi, certains gray pools sont réticents à envoyer des IOI vers les courtiers de crainte que ceux-ci exploitent ces informations à leur détriment. Afin d’encadrer cette fuite d’informations la plupart des gray pools n’envoient les IOI qu’avec l’accord préalable de leur client. Si certains dark pools se sont ouvertement qualifiés de gray pools – Lighthouse de JPMorgan et ATS6 de Morgan Stanley - la ligne de marcation entre gray pool et « black pool » n’est pas évidente { tracer la plupart des dark pools offrant un dégradé du noir vers le gris. A titre d’exemple près d’un tiers des dark pools américain utilise les IOI.

3.2 Business model

Suite { l’accroissement de leur nombre, les dark pools ont dû faire face { la nécessité de se différencier en satisfaisant les besoins spécifiques de certaines catégories d’investisseurs.

L’adoption d’un business model spécifique permet { un dark pool d’apporter des opportunités { une catégorie d’investisseurs. La spécialisation du business model constitue donc un élément

84 Les IOIs (indications of interest) sont des messages que les membres des dark pools peuvent adresser à un groupe choisi d’autres membres pour exprimer un intérêt { négocier sur certaines quantités.

85 ”It's Gray Out There : Dark pools turn to automated IOIs, raising concerns about leakage”, Nina Mehta ,Traders Magazine, June 2008.

86 Voir infra

permettant de se démarquer des dark pools concurrents mais aura pour effet de restreindre leur activité. Les possibilités sont innombrables, et dresser une liste des business models possibles relèverait de la gageure. Pour autant en plus des éléments de différenciation précisés plus haut (structure, niveau d’opacité, dérogations utilisées, clients cibles…) le business model pourra intégrer les éléments suivants :

 Service total ou partiel ;

 Taux d’exécution spécifique ;

 Services après négociation ;

 Gestion d’ensemble de l’ordre ou seule exécution de l’ordre ;

 Mise à la disposition du client d’outils algorithmiques ;

 Politique tarifaire classique ou avec remises.

Concernant la politique tarifaire, un dark pool peut soit adopter une structure classique ou une structure de remises (« rebate structure »). Dans le cadre d’une structure classique, le dark pool supportera et répercutera sur le client des frais lors de chaque transaction peu importe que le client soit un fournisseur ou un consommateur de liquidités. Ces frais sont le plus souvent relativement faibles. En plus de ces frais peuvent s’ajouter des frais annuels d’accès ou de connexion au dark pool. Dans le cadre d’une politique tarifaire de remises, le dark pool accordera des « remises » en cas d’apport de liquidités mais facturera plus lourdement les investisseurs prenant des liquidités. Le dark pool BATS a adopté ce modèle tarifaire en accordant une remise de 0,1 bp87 aux investisseurs apportant des liquidités alors que ceux prenant des liquidités supportent 0,25 bps. Cependant en cas de déséquilibre, le dark pool peut inverser le mécanisme de façon ponctuelle afin de rééquilibrer les liquidités qu’il détient. La politique tarifaire devra permettre au dark pool d’être économiquement viable tout en bénéficiant d’un avantage concurrentiel par rapport aux autres plateformes et mécanismes. Il est également possible pour un dark pool de combiner ces deux modèles.

Les hedge funds se dirigeront probablement vers les dark pools proposant les services les plus sophistiqués afin de pouvoir contrôler d’une manière active voire agressive le traitement de l’ordre. Les HFT vont probablement favoriser les dark pools permettant un accès algorithmique et des rabais attractifs en cas d’apport de liquidités. Les fonds de pension ou d’investissement adoptant une stratégie passive se contenteront d’un dark pool proposant des services plus

« basiques ». En tout état de cause, les éléments déterminants du business model résulteront des

87 Le « base point » ou point de base correspond { un centième d’un pourcent.

principaux avantages offerts par les dark pools : confidentialité, absence de fuite d’informations, réduction des coûts et augmentation des profits.

3.3 Business model hybride

Si la forte hétérogénéité des dark pools constitue un premier facteur de complexité, celle-ci peut être accrue par le fait d’opérer des combinaisons entre les différents dark pools. Il est possible d’illustrer ce propos en prenant d’une part l’exemple des bourses traditionnelles et d’autre part celui des banques d’investissement.

Un marché réglementé est susceptible d’accueillir des liquidités opaques par de multiples canaux. Tout d’abord il peut utiliser des liquidités opaques par le biais des iceberg orders mais également en développant son propre MTF lequel pourra utiliser des iceberg order dans le cadre d’une plateforme lit ou utiliser les exemptions à la transparence pré-négociation et constituer à la fois des plateformes lit et dark interagissant entre elles. Enfin le marché réglementé peut devenir partenaire dans un dark pool résultant d’un consortium proposant un business model dark spécifique.

Une banque d’affaires peut utiliser des liquidités opaques par le biais d’un dark pools stricto sensu dont elle est le propriétaire ou dont elle a la qualité de partenaire. La banque d’affaires peut également gérer son propre crossing network lui permettant de croiser des flux d’ordres externes – ceux de ses clients – avec les flux internes résultant de ses activités propriétaires.

Enfin elle peut avoir la qualité d’internalisateur systématique.

Ces combinaisons multiples donnent lieu à des relations complexes entre les différents dark pools lato sensu. Ainsi une banque d’affaires peut-elle d’une part avoir intérêt { développer son crossing network mais a également intérêt au développement de son dark pool stricto sensu résultant d’un consortium avec une bourse traditionnelle et des banques concurrentes. Ces dernières auront donc { la fois la qualité de rivales et de partenaires. L’entreprise d’investissement sera alors confrontée { une alternative : soit diriger ses liquidités opaques vers son crossing network, soit les diriger vers son dark pool - indépendant ou résultant d’un consortium. La seule spécialisation des dark pools ne suffit pas à régler ces difficultés d’arbitrage.