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Menaces affectant le fonctionnement des marchés financiers

I. Les menaces suscitées par les dark pools

2. Menaces affectant le fonctionnement des marchés financiers

Par menaces structurelles on entend celles qui vont affecter le fonctionnement des marchés financiers. Cette menace résulte directement de l’addition du développement des dark pools et de la fragmentation des marchés financiers. Afin de présenter les menaces affectant le fonctionnement des marchés financiers, il convient au préalable de rappeler les enjeux du passage d’un marché organisé autour du principe monopolistique { un marché organisé autour du principe de la libre concurrence entre les lieux d’exécution des ordres.

2.1 Du principe monopolistique à la mise en concurrence des lieux d’exécution des ordres

Une conception traditionnelle des marchés veut qu’ils soient d’autant plus liquides que les ordres sont dirigés vers un lieu de confrontation unique, offrant ainsi aux ordres le maximum de chances de trouver une contrepartie. La liquidité du marché est directement fonction du nombre de participants présents sur le marché. Anticipant la liquidité du marché, les participants vont converger vers cette plateforme unique créant ainsi un cercle vertueux, la liquidité appelant la liquidité. Dans cette conception les marchés sont perçus comme des monopoles naturels. Cette analyse du marché conduit à une conception monopolistique des marchés financiers,

notamment en œuvre en France jusqu’{ l’adoption de la directive MIF. De plus, le principe monopolistique était vu comme apportant un certain nombre de bénéfices, dont notamment ;

- La concentration des ordres sur une seule plateforme permet de diminuer les coûts fixes associés { l’infrastructure de marché permettant ainsi la réalisation d’économies d’échelle ;

- L’accès { l’information se fait par un point d’entrée unique et par conséquent permet de réduire les coûts de recherche d’informations.

Cependant le monopole de marché présente également des inconvénients. Il n’incite ni { réduire les coûts de négociation, ni à innover pour tenir compte des préférences des investisseurs.

Au niveau européen, la fragmentation des marchés financiers a été voulue et organisée par la directive MIF dans la mesure où elle était le pendant inévitable à la mise en concurrence des lieux d’exécution des ordres. La mise en concurrence des lieux d’exécution des ordres incite au développement de tarifs concurrentiels, favorise les innovations financières, permet une meilleure prise en charge des besoins des investisseurs dans la mesure où elle incite à une plus grande différenciation des services proposés par les lieux ou mécanismes d’exécution des ordres. Enfin la multiplication des lieux d’exécution des ordres peut être vue comme une conséquence naturelle au fort développement des marchés financiers constaté ces dernières années qui rend plus difficile une centralisation de l’ensemble des capitaux sur une plateforme unique.

Les avantages résultant de la mise en concurrence des lieux d’exécution des ordres doivent néanmoins être nuancés par les inconvénients inhérents à la fragmentation des marchés. La multiplication des lieux d’exécution des ordres induit des coûts de duplication des infrastructures de négociation et de consolidation de l’information de marché. Elle peut nuire au processus de découverte des prix et accroît le risque de sélection adverse. Les avantages résultant d’un environnement concurrentiel nécessitent de neutraliser ces effets pervers. La neutralité est subordonnée au respect de certaines conditions :

- Entrée libre des offreurs de liquidité sur les différents marchés conduisant à une consolidation du marché.

- Un libre accès des investisseurs aux différents carnets d’ordres, - Une transparence pré et post négociation accrue.

- Une volatilité des investisseurs

Le principe de transparence posé par la directive MIF constitue la condition sine qua non permettant de tirer avantage de la mise en concurrence des lieux et mécanisme d’exécution des ordres, et de suite de la fragmentation du marché, tout en neutralisant les effets négatifs.

2.2 L’absence de contribution des dark pools au processus de découverte des prix

En supprimant le principe de concentration des ordres, le nouveau cadre réglementaire a permis la multiplication de plateformes alternatives dédiées pour tout ou partie aux liquidités opaques.

Certains de ces dark pools, les crossing networks, vont bénéficier de cette ouverture tout en ne s’inscrivant dans aucune catégorie prévue par la directive. De même en prévoyant un cadre pan-européen, la directive MIF a favorisé l’émergence de dark pools stricto sensu tirant profit d’un système harmonisé de dérogations au principe de transparence.

La neutralisation des effets pervers de la fragmentation des marchés résulte d’une transparence accrue. Dès lors que les dark pools détériorent la transparence des marchés, ils sont susceptibles de produire un travail de sape dans les fondements même de cet édifice.

En ne dévoilant pas leurs intentions, les investisseurs opérant sur les dark pools ne vont pas participer au processus de formation des prix résultant de la confrontation de l’offre et de la demande. Ils vont ainsi priver les plateformes de référence de liquidités susceptibles de participer à ce processus.

Le cours ne sera plus représentatif de la totalité des intentions. D’une part, le contenu informationnel de leurs ordres ne sera pas transmis au marché, empêchant ainsi les agents de réviser leurs anticipations concernant la valeur intrinsèque des actifs, d’autre part il existera un décalage entre le cours affiché et le cours réel qui résulterait de la confrontation de la totalité des intentions.

Les dark pools constituent également un risque au regard de la profondeur consolidée des titres négociés. La profondeur consolidée correspond { l’ensemble des contreparties disponibles sur le marché. Elle dépend de l’accessibilité des investisseurs { l’ensemble des offres et des demandes latentes d’un titre. Dès lors que les demandes latentes ne sont pas exprimées sur les dark pools, la profondeur consolidée du titre en sera automatiquement réduite.

Dans la mesure où les transactions ne participant pas au processus de formation des prix sont limitées, la différence entre cours affiché et cours réel est négligeable. Mais le volume toujours croissant des transactions captées par les dark pools ne fait que légitimer la crainte que le cours affiché ne soit pas représentatif du cours réel. Cet élément conjugué avec la difficulté d’évaluer les volumes traités sur les dark pools est de nature à affecter la confiance que les investisseurs

ont dans le marché. Or plus que dans n’importe qu’elle autre domaine, la confiance joue un rôle de première importance dans la viabilité des marchés financiers.