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Modèle d’évolution du système de transfert des systèmes de volcans de boue

5 Modèles de mise en place des systèmes de volcan de boue

5.1 Modèle d’évolution du système de transfert des systèmes de volcans de boue

Cette sous-partie sur les systèmes de transfert permet de définir un système avec différentes sources de fluides, un autre avec source de boue moins profonde (la chambre primaire), un système de transfert plus ou moins complexe avec différentes zones de stockage (chambres secondaires et intrusions) ainsi qu’une évolution de surface dépendante de la chambre superficielle.

Cette seconde sous-section s’intéresse à la migration de la boue grâce au système de transfert qui inclut les processus entre la source et la surface. Nous décrivons ce système de transfert grâce à l’exemple simple de la Structure 1. Nous appliquons ensuite ce système à un cas plus complexe constitué de plusieurs systèmes imbriqués situé dans le delta du Niger.

Nos observations sur ce système permettent de mettre en lumière que du matériel argileux a été remobilisé depuis une « chambre de boue » localisée à faible profondeur (entre 1000 et 1500 m) pour être transféré vers la surface.

5.1.1 Processus de remobilisation

Dans le BSC, de nombreuses formations géologiques sont connues pour être des sources de fluides en surpressions notamment dues à la génération de gaz méthane (Fowler et al., 2000 ; Javanshir et al., 2015). Ces formations se trouvent à des profondeurs bien supérieures à celle de la chambre de boue décrite ici. La formation du Maykop constituée d’argiles et riche en matière organique, est située à une profondeur de 8 km sous la Structure 1 (Fowler et al., 2000) alors que la chambre de boue de la Structure 1 se trouve à une profondeur de l’ordre de 1500 m, au sommet de la formation des Productive Series.

Le sommet des Productive Series est connu pour jouer le rôle de piège stratigraphique dans tout le BSC, certainement dû aux caractéristiques lithologiques du Triplet et des argiles marines qui le recouvrent. Dans la zone de la Structure 1, les Productive Series sont constituées de dépôts fluvio-deltaïques (Abdullayev et al.,2012 ; Javanshir et al., 2015), empilements de grès et argile incluant des corps sableux avec de bonnes propriétés réservoirs (porosité, perméabilité, continuité verticale et latérale), surtout dans les Productive Series moyennes qui montrent une très bonne continuité latérale (Javanshir et al., 2015). Les hydrocarbures ont migré depuis des formations profondes en surpressions de fluides telle que la formation du Maykop et se sont ensuite accumulés au sommet des Productive Series, juste sous le Triplet. C’est sous ce Triplet que le matériel a dû être soumis à la plus forte surpression de fluides, induisant une baisse de sa résistance au cisaillement et sa fluidisation. Il existe deux procédés permettant de faire chuter la résistance au cisaillement d’un matériau : la fluidisation et la liquéfaction. La liquéfaction a lieu dans des séries déjà saturées en fluides (Maltman & Bolton, 2003) et ne nécessite pas l’apport de fluides additionnels (par exemple en gaz) dans le système, mais induit un réarrangement des particules (comme les sables mouvants pouvant être initiés par un tremblement de terre). La liquéfaction peut affecter des séries entières (Owen, 1987). Au contraire la fluidisation est plus locale, affecte des couches fines de sables ou à plus petite échelle des couches fines d’argiles et de silts (Lowe, 1975 ; Obermeier, 1996) et est déclenchée par l’apport de fluides dans un volume du système.

Le développement du MV4 proche de la crête de l’anticlinal suggère que le gaz a joué un rôle dans la mise en place de ce système de volcan de boue. La liquéfaction d’un réservoir sableux se traduit en général par un gonflement de ces séries et par la déformation de la couche (souvent argileuse) située au-dessus (Obermeier, 1996).En suivant ce raisonnement nous faisons l’hypothèse que les surpressions résultant de l’apport de gaz dans la partie supérieure des Productive Series permettent le gonflement de ces réservoirs et une déformation des formations argileuses sus-jacentes. Dans le cas de la Structure 1, ce fluide serait du méthane formé dans la formation du Maykop et entrant dans la « chambre de boue ». Le scénario de mise en place de cette chambre est un volume de sédiment à faible profondeur (1500 m) qui est remobilisé après l’apport d’une quantité importante de méthane et qui est fluidisé puis remobilisé vers la surface.

5.1.2 Profondeur de mise en place

Le volcan de boue MV4 de la Structure 1 a été décrit comme un « paleo build-up

cone » par Fowler et al. (2000), comme un objet construit par du matériel extrudé.

Toutefois, d’autres auteurs renseignent des intrusions de boue sous les volcans de boue (e.g. Deville, 2009). Les objets décrits comme intrusions montrent des morphologies qui correspondent à celle de l’intervalle 4 du MV4. Nous discutons ici la profondeur de mise en place de ce matériel (sous le fond de mer de l’époque), la possibilité que le MV4 soit un volcan de boue ou une intrusion. Le sommet de l’intervalle 4 est marqué par des dépressions sub-circulaires (Figure 4-10) qui ont la morphologie d’un cratère ou d’une caldera. La présence d’un patch de forte résistivité au centre de cette morphologie est d’ailleurs

interprétée comme une accumulation de sédiments au centre de cette dépression au fond de mer de l’époque.

Localisation de la chambre de boue

La position du système de volcan de MV4 est particulière car légèrement décalée par rapport à la crête de la structure, là où devrait avoir lieu la plus forte surpression de fluide. La chambre de boue n’est pas localisée non plus sur l’apex de la structure mais légèrement décalée vers le SW. La migration de fluides à l’échelle du bassin pourrait être une solution à ce problème. Le BSC est soumis à des migrations de fluides importantes entre le centre du bassin, soumis à de fortes surpressions de fluides, et les marges du BSC où les surpressions de fluides sont moins importantes (Javanshir et al., 2015), en particulier vers la marge NW de la Structure 1. Ici, le MV4 se développe sur le flanc sud de la structure anticlinale. Des restaurations de coupes sismiques (non illustrées ici) permettent de voir que même à l’époque de mise en place du MV4, il n’était pas localisé en crête de structure. Un autre paramètre influençant la localisation de la remobilisation pourrait correspondre à la mise en place d’un chemin de migration des fluides.

Les failles d’extrados, chemin de migration

Dans un système constitué d’une couche inférieure ayant une faible résistance au cisaillement (une couche d’évaporites ou de roches poreuses en surpression de fluides) située sous une couche plus résistante, la faible résistance de la couche inférieure ne suffit pas à induire une migration du matériel en surpression vers la surface. Cette couche plus faible a besoin d’un chemin de migration pour traverser sa couverture (Vendeville & Jackson, 1992). Dans l’exemple du MV4 de la Structure 1, le facteur déclencheur de la migration a pu être l’apparition de failles d’extrados en crête d’anticlinal. Des failles d’extrados affectent l’épaisseur entre la surface et le Triplet, soit le sommet des Productive Series (Figure 4-5). Elles sont décalées par rapport à la position de la chambre de boue. Les failles RF5 sont des failles d’extrados visibles sur time slice (Figure 4-2), ces failles changent de direction sur la crête de l’anticlinal : elles sont orientées NW-SE dans la partie NW et NE-SW au SE de la structure anticlinale. Ces deux familles de failles se recoupent quasiment là où est situé le MV4. Sur coupe sismique, on observe que le sommet de l’intervalle 3 s’épaissit au-dessus de la chambre de boue effondrée, mais également au- dessus des autres failles d’extrados, ce qui indique que certaines de ces failles d’extrados étaient déjà présentes au-dessus de la chambre de boue avant son apparition, soit avant la fluidisation du sédiment. Ces failles d’extrados situées au-dessus de la chambre de boue ont servis de chemin de migration au matériel remobilisé pour migrer vers la surface, elles ont ensuite également été remobilisées lors de l’effondrement de la couverture dans la chambre de boue.

Cinétique de fluidisation et de migration

Plusieurs réflexions sont visibles en sismique dans l’intervalle 4, indiquant la présence de plusieurs contrastes d’impédance dans le matériel extrudé en surface. Dans le cas d’une extrusion monophasée, qu’il s’agisse d’une éruption violente ou d’une extrusion calme et

continue, le matériel formant la chambre de boue correspond à du matériel homogénéisé, mélangé et déposé sous la forme d’une masse de matériel homogène. Au contraire, on observe un empilement d’onlaps le long de la bordure de la chambre (Figure 4-8). Ces réflecteurs indiquent des contrastes d’impédances donc plutôt une extrusion polyphasée. Il faut noter que, comparées à la sédimentation environnante, les séries extrusives se sont déposées dans un délai très court car l’ensemble de l’intervalle 4 se biseaute pour atteindre l’épaisseur d’une phase sismique en dehors de la structure.

Pour créer ces extrusions, deux processus sont nécessaires : la fluidisation d’un volume de sédiment et la formation d’un chemin de migration au-travers de la couverture. Au moins un de ces deux processus se fait de façon discontinue pour avoir une remontée de matériel en surface par épisodes. Cela mène à deux possibilités : soit le volume entier de la chambre s’est fluidisé et n’a pu être extrudé que de façon épisodique, soit un petit volume de sédiment est fluidisé et extrudé menant à des extrusions successives de petits volumes de boue. Nous favorisons cette deuxième hypothèse selon laquelle le matériel est progressivement fluidisé et extrudé, permettant l’extrusion épisodique de volumes successifs en surface lorsque la résistance mécanique de ces corps diminue assez. Nous ne pouvons pas savoir aujourd’hui si la fluidisation se débute par la base ou par le toit de la chambre de boue.

5.1.3 Apports multiples de fluides et provenances différenciées

Les analyses isotopiques des eaux révèlent plusieurs signatures de différentes sources pour les eaux constituant la boue des édifices analysés. La présence d’eau de formation indique qu’une partie de l’eau provient d’une profondeur à laquelle les argiles ont commencé à libérer une partie de leur eau de constitution, une source à une profondeur comprise entre 3 km et 10 km (entre 60°C et 180°C, considérant le gradient géothermique du BSC de 18°C/km). La présence d’eau météorique indique qu’une partie de l’eau provient de la surface, certainement arrivée en contact avec la boue par infiltration.

Les analyses isotopiques faites sur le gaz permettent de qualifier le gaz expulsé des volcans comme étant du méthane thermogénique (ayant subi quelques modifications au cours de la migration). La source du gaz est assez profonde pour atteindre la fenêtre à gaz (entre 120° C et 180°C soit entre 6 et 10 km dans le BSC). Dans certains cas, notamment le Durovdag, cette signature peut être discutée car elle se trouve proche de la zone biogénique.

D’après ces analyses de l’eau et du gaz constituant la boue des volcans, nous pouvons affirmer que la boue arrivant en surface est constituée de gaz et d’eau provenant de sources différentes. Il est nécessaire d’avoir une source de gaz profonde située entre 6 et 10 km pour atteindre la fenêtre à gaz et créer du gaz thermogénique. L’eau de formation renseigne une seconde source de déstabilisation des smectites à des profondeurs comprises entre 3 et 10 km. Enfin, une troisième signature indique une source d’eau située très proche de la surface pour avoir la signature d’une eau météorique dans la boue.

Les smectites sont des minéraux de surface. Les illites sont les minéraux de profondeur et les interstratifiés se trouvent dans la colonne entre la zone de stabilité des smectites et la profondeur d’apparition des illites. La minéralogie des argiles renseigne donc sur la profondeur de la source des sédiments. La présence d’une quantité plus importante de smectite peut indiquer une source de boue à profondeur plus faible que pour une boue plus riche en illite.

Les édifices Yeux Bleus, Pointe 4 et Durovdag montrent des concentrations en smectite de l’ordre de 70%, les sources de boue de ces systèmes se trouvent à des profondeurs plus faibles que les sources de boue des édifices Pirkulu, Dashgil et AA qui montrent des concentrations en smectite de l’ordre de 20%. La forte concentration en illite de ces édifices ne renseigne toutefois pas une source à la profondeur de formation de l’illite (180°C, environ 10 km dans le BSC) car ces illites peuvent être détritiques. La présence de chlorite en plus grande quantité dans ces boues indique également une source plus profonde. Les proportions de minéraux argileux sont directement comparées car les proportions d’argiles sont équivalentes dans les différents échantillons (environ 5%) (Figure 4-61). Les analyses isotopiques comparées aux analyses de minéralogie des argiles nous ont montré des différences de profondeurs de la source de boue entre certains édifices.

Il est intéressant de noter que les édifices AA et Yeux Bleus sont situés à 3 km l’un de l’autre et montrent pourtant des concentrations en smectite très différentes, donc des profondeurs de source de boue différentes.

5.1.4 Le modèle de mise en place d’un système de volcan de boue

Un modèle simple de mise en place d’un système de volcan de boue peut-être défini en se basant sur les résultats observés en sismique ainsi que sur les signatures isotopiques des fluides et des sédiments présentés dans la section précédente.

Le système de volcan de boue du MV4 de la Structure 1 permet d’illustrer de façon simplifiée un système de volcan composé de quatre parties :

 Une source de fluides (eau et gaz) en profondeur correspondant à une zone en surpression de fluide.

 Une chambre de boue où les fluides remobilisent les sédiments pour former de la boue : la chambre primaire.

 Le système de transfert de cette boue vers la surface.

 Le volcan de boue en surface.

Les fluides proviennent d’une source en surpression de fluide en profondeur, marquée par la présence d’eau de formation et de gaz thermogénique. Lors de leur migration vers le surface, ces fluides sont piégés sous un niveau imperméable, dans le cas dela Structure 1, le Triplet composé d’évaporites à environ 1,5 km de profondeur. Là, les fluides vont fluidiser le sédiment encaissant et former la boue, créant la chambre primaire (Figure 5-1), la zone de formation du matériel argileux. De cette chambre primaire sera

évacué le matériel argileux une fois les surpressions à cette profondeur suffisantes pour permettre sa remontée. La couverture de cette chambre primaire va ainsi s’effondrer dans l’espace de la chambre et le matériel extrudé se dépose de façon contemporaine à l’effondrement de la couverture, en surface pour former le volcan de boue.

Figure 5-1: Modèle de mise en place d’un système de volcan de boue. A : Restauration des horizons de l’intervalle 3 effondré pour imager la chambre primaire, la zone de fluidisation du sédiment d’où est extrudé le matériel argileux formant le volcan de boue. B : Représentation de la ligne sismique (Figure 4-5). La représentation que l’on fait de la chambre primaire correspond au volume total de matériel qui a été extrudé pour permettre l’effondrement de la couverture. Nous discuterons l’aspect monophasé versus polyphasé de l’extrusion et le gonflement maximale de la