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Application du modèle de système de volcan de boue : le Nigéria

5 Modèles de mise en place des systèmes de volcan de boue

5.3 Application du modèle de système de volcan de boue : le Nigéria

Les parties précédentes ont permis la reconnaissance de l’évolution de surface d’édifices à structure de mud pie, ainsi que la description d’un modèle de système de volcan de boue « simple », constitué d’une chambre de boue, de sa couverture effondrée et du matériel extrudée en paléo-surface. Cette partie propose d’étudier la géométrie plus complexe des systèmes de volcan de boue du delta du Niger, permettant d’appliquer les deux modèles précédents.

Les 15 structures synclinales décrites dans le delta du Niger montrent la même morphologie, avec un ensemble de réflecteurs inclinés, parallèles ou divergents vers le bas, apparemment drapant une surface de troncature, d’érosion. Nous appellerons cette géométrie un motif overlap, en référence aux classiques onlap, downlap et toplap de stratigraphie sismique (Mitchum et al., 1977). Les noms des synclinaux sont discutés dans la prochaine partie.

Les trois systèmes de volcans de boue a, b et c (MVSa, MVSb et MVSc) décrits dans la partie Résultats sont constitués d’un édifice de surface situé au-dessus d’une association complexe de blocs à forts pendages, de sutures et de corps sismiquement transparents, décrivant des assemblages de synclinaux à morphologie en bols imbriqués. Nous appelons ces ensembles des « complexes de sub-surface ». Le MVa se trouve juste en surface de son complexe de sub-surface qui est mal imagé, à l’exception des synclinaux se trouvant dans la périphérie du système et à la suture W14 en certains endroits. Le MVb est quant à lui décalé par rapport à son complexe qui est mieux imagé avec deux synclinaux bien préservés (W9 et W12). Le MVc se trouve au-dessus de la partie peu profonde de son complexe mais est clairement associé à certains synclinaux profonds (dont W3, Figure 4-88) et un synclinal moins profond appelé W11 (Figure 4-88).

5.3.1 Signification de la morphologie en « overlap »

Les strates subhorizontales situées autour du synclinal W12 peuvent être suivies sur une centaine de mètres jusqu’aux réflecteurs pentés. Les flancs fortement pentés du synclinal (jusque 55°) excluent une mise en place sédimentaire, cet intervalle s’est déposé sub-horizontalement avec un angle maximal correspondant aux strates environnantes (soit autour de 5° pour le « Western Escarpment », Figure 4-77) pour ensuite basculer jusqu’à sa position actuelle. La morphologie parallèle de l’intervalle situé au-dessous indique que le synclinal est le résultat d’un effondrement dans une dépression à morphologie en bol. Le matériel qui occupait cette dépression ayant été transféré. Les géométries que nous décrivons dans cette étude indiquent que le matériel extrudé qui constitue les MVa, MVb et MVc résulte de la remobilisation de sédiments préexistants qui se trouvaient initialement quelques centaines de mètres plus profonds. Il ne s’agit pas de matériel constitutif d’intrusions localisées à plus grande profondeur. Le même raisonnement s’applique au bloc appelé « Unité 4 » juste sous le MVd (Figure 4-83) qui est interprété comme un bloc ayant coulé dans les unités pré-volcaniques. Le matériel constituant ces unités pré-volcaniques a

été évacué vers la surface, sans considération pour la cinétique et les mécanismes entrant en jeu.

Dans ce cas, la morphologie en bol représente la base d’un effondrement de matériel dans un espace où le matériel d’origine a été remobilisé. Cette morphologie est différente d’une chambre magmatique enracinée sur une intrusion de magma à plus grande profondeur (Deville, 2009 ; Philpotts & Ague, 2009). Le terme de chambre de boue est utilisé pour décrire la situation précédant l’effondrement de ces mud generation zones (Deville, 2009) car cela correspond à des zones sphériques constituées de boue, comme les chambres magmatiques qui correspondent à des réserves de magma prêt à être extrudées.

La morphologie en overlap est interprétée comme le résultat de l’évacuation d’une chambre de boue, aujourd’hui dégonflée. L’interface (que nous appelons W pour Weld) qui marque la limite entre la partie subsidée constituée d’ensembles à forts pendages au- dessus, et la partie en place constituée d’ensembles à faibles pendages dessous, est une suture du même type que les sutures de sel en tectonique salifère (Jackson & Cramez, 1989). Nous appellerons ces surfaces « sutures de chambre de boue », « sutures d’évacuation de boue » ou encore « chambres de boue dégonflées » en fonction du contexte, ou simplement « sutures ».

5.3.2 Relations temporelles

Les surfaces à morphologies en bol sont des sutures dues à l’effondrement de la chambre de boue. Les relations géométriques entre ces troncatures permettent de définir une chronologie, les surfaces tronquées se mettant en place avant celles qui les tronquent. Les sutures sont numérotées de façon à suivre cette chronologie pour exprimer le fait que le W1 se soit mis en place avant le W2. Certaines de ces sutures sont déconnectées physiquement, telles que W10 et W12 (Figure 4-87). Dans ce cas, leurs chronologies ont été définies en se calant sur leurs positions stratigraphiques, sur la position de l’horizon le moins profond affecté par la suture suivante. Cette corrélation n’est pas toujours évidente, notamment à cause des décalages induits par les jeux des failles normales qui viennent parfois se brancher sur les sutures. La chronologie que nous avons établie est représentée par les couleurs des sutures, qui correspondent aux couleurs des horizons les plus proches de la fin d’activité de la suture. La suture W1 est la plus précoce et la W15 la plus récente, conduisant à l’extrusion du MVb. Cette hypothèse de mise en place épisodique à profondeur régulière revient à dire que ce n’est pas simplement le matériel qui permet la fluidisation puis l’extrusion mais que le facteur principal serait une profondeur à laquelle le matériau subit une transformation. Les failles induites par l’effondrement de la couverture dans la chambre de boue servent, après cet effondrement, de chemin de migration de fluides vers la surface. Lorsque la couverture s’est effondrée, le système est ouvert et les surpressions stoppent. Toutefois, l’épaisseur de la colonne sédimentaire augmentant, ce chemin de migration perd en efficacité. L’augmentation de la pile sédimentaire permettrait de réactiver les surpressions de fluides et de relancer le système de volcan de boue, indiquant une profondeur optimale à la fluidisation.

MVa du delta du Niger : « Pousse Muraille » de domaine offshore

Une section du MVa du delta du Niger permet d’apprécier la surface bombée de l’édifice (Figure 4-87). Le centre du cratère est plus haut que les bords. La surface de la chambre superficielle montre des structures chevauchantes à vergence vers l’extérieur du système. Tout comme pour l’AA, nous interprétons cette structure comme le résultat d’un rééquilibrage de la surface après l’arrivée de matériel venant de plus profond. La zone homogénéisée sous la surface correspond à une chambre superficielle qui gonfle lors de l’apport de boue. Après ce gonflement, la chambre se rééquilibre, ce qui induit la migration de matériel vers les bords pour revenir à une surface plane. Le MVa du delta du Niger suit l’évolution d’un modèle « Pousse-Muraille ».

5.3.3 Modèle du complexe de systèmes de volcans de boue du delta du Niger

En se basant sur le modèle de système de volcan de boue défini sur la Structure 1, il est possible d’exprimer l’évolution du complexe de systèmes de volcan de boue du delta du Niger.

Notre théorie sur l’évolution de ce complexe est une mise en place d’un système de volcan (le plus profond, W1). Lorsque le matériel fluidisé atteint une densité lui permettant de migrer vers la surface, le matériel constituant la chambre de boue (primaire ou secondaire) est évacué, la couverture sédimentaire subside dans la chambre. Si le matériel a une densité comprise entre celles des couches sus-jacentes et des couches de surface, il va s’intruder, créant des chambres secondaires, si la densité est suffisamment faible pour atteindre la surface, il va former un volcan de boue (Figure 5-5). Une fois que le matériel a atteint la surface, les fluides en profondeur peuvent migrer jusqu’en surface, inhibant toute surpression, stoppant le système. Lorsque la poursuite de la sédimentation atteint une épaisseur seuil, les failles se scellent et perdent leurs rôles de drain. Les surpressions se développent à nouveau, elles vont être particulièrement actives à la base des failles ou au sommet du système précédent. Cette accumulation de fluides à la base des failles d’effondrement de la chambre précédente permet la mise en place d’une nouvelle chambre de boue, d’un nouveau système de volcan de boue. Lorsque la pression de fluide devient assez forte, un nouveau système de failles se met en place, permettant l’effondrement de la chambre de boue n°2 qui une fois effondrée forme la suture W2. Le cycle se poursuit ainsi avec un fonctionnement en valve, dépendant principalement de la sédimentation. Les différentes sutures de W1 à W15 correspondent aux bases de chambres de boue de 15 systèmes de volcans de boue différents qui sont emboités les uns dans les autres (Figure 5-6).

Figure 5-5: Modèle de mise en place d’un système de volcan de boue. A : L’arrivée de fluides depuis la profondeur permet la fluidisation du sédiment en place, B : L’arrivée de fluides fluidise le sédiment en place, en augmentant le volume, et forme la chambre primaire, C : La chambre primaire est gonflée par l’apport de fluides, ce qui induit une fracturation de la couverture, le sommet de l’intervalle blanc (en pointillées) représente un contraste de résistance mécanique soit une baisse de cohésion entre le niveau blanc et celui du dessus, D : L’apport de fluide dans la chambre permet la diminution de

la densité du matériel fluidisé. Dans ce cas, la densité diminue assez pour permettre à la couverture (niveau blanc) de s’effondrer dans la chambre, l’apport de fluide se poursuit et induit toujours le gonflement du matériel et fracturation de la couverture, E : Même procédé que pour l’étape D, l’augmentation de volume induit une fracturation jusqu’en surface, F : La diminution de densité du matériel permet son émission en surface pour former un volcan de boue. A ce stade le système

est figé puisque les fluides arrivent en surface notamment le long des failles formées le long de la suture de la chambre primaire.

Figure 5-6: Modèle de mise en place d’un « complexe » de systèmes de volcan de boue. Trois systèmes de volcan de boue constitués chacun d’un chambre primaire (PC), d’une ou plusieurs chambres de stockage secondaires (IC) et d’un édifice de surface (MV). Lorsque le système arrive en surface, il se fige jusqu’à ce que la sédimentation scelle les failles et relance le système par formation de surpressions de boue à la base des dernières failles. Le système suivant va se mettre en place au

Ce travail doctoral a permis de mettre en avant trois modèles de mise en place et d’évolution des systèmes de volcan de boue :

 Le modèle du système de volcan de boue simple composé d’une source de fluides en

profondeur, d’une chambre primaire à une profondeur de l’ordre du kilomètre, d’un système de transfert entre cette chambre primaire et le volcan qui est l’édifice de surface.

 Le modèle du « Pousse-Muraille » montre que la croissance des édifices à morphologie de

mud pie est conditionnée par la présence d’une chambre superficielle, un réservoir en

surface de matériel argileux. L’arrivée de matériel dans cette chambre engendre le gonflement de l’édifice qui se remet à l’équilibre en faisant migrer latéralement du matériel depuis le point d’émission vers les bords. Cette migration de matériel induit une déformation radiale de l’édifice et une croissance par poussée radiale contre les murs de l’objet.

 Le modèle du « complexe de systèmes de volcan de boue » est une application des deux premiers modèles. Ce modèle montre que la sédimentation joue un rôle clé dans l’évolution de ces édifices en venant sceller les failles qui servent de chemin de migration aux fluides. Lorsque ces failles sont scellées, le système se relance avec de nouvelles surpressions de fluides qui engendrent la formation d’un système de volcan de boue qui se développe au sommet du précédent.

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Discussion

Nous discutons également la durée de vie de ces systèmes et leurs études à différentes échelles de temps : humaine, sismique et entre deux. La suite de cette partie permet une ouverture sur la représentativité des observations faisables sur les édifices à activité épisodiques en général.