• Aucun résultat trouvé

Liaison processus de surface – processus de fond

5 Modèles de mise en place des systèmes de volcan de boue

6.1 Liaison processus de surface – processus de fond

6.1.1 La partie superficielle, de la morphologie aux processus

Dans cette première partie, nous discutons les morphologies le long d’un continuum d’édifices plats vers des édifices coniques, ce qui revient à un continuum entre les extrusions faites à base de matériel à faible densité (croissance par poussée des murs) vers les émissions de matériel à haute densité (croissance par coulées).

Apport de boue depuis une chambre plus ou moins profonde

Le cratère de l’Atbulak montre une morphologie avec les murs de la caldera qui forment des paliers successifs (Figure 4-55). Cette caldera montre une ouverture d’où sort la coulée de boue actuelle. Le point d’émission est excentré et forme un relief dans la caldera. Une petite coulée de boue s’épanche vers le sud dans un ravin mais la majeure partie du matériel extrudé s’épanche vers le NE par l’ouverture dans la caldera. La forme asymétrique de l’édifice permet de penser que le point d’émission a pu varier au cours du temps, permettant le dépôt de coulées tout autour de l’édifice, coulées qui auront subi l’impact du climat pour finalement n’être plus identifiables.

Le Koturdag a une morphologie conique à caldera. On observe l’effondrement du sommet du cône, la formation de la caldera de 200 m de large mais également à plus petite échelle avec les failles radiales et concentriques observables à l’aplomb du point de sortie de la coulée actuelle soit une surface d’environ 1600 m² qui subside (Figure 4-43). Les failles radiales observées sont probablement dues au gonflement (Ablay et al. 2008, Figure 1-8), les failles concentriques sont probablement dues au dégonflement lors de l’extrusion de la coulée. Le profil de résistivité électrique acquis sur la caldera du Koturdag montre une couche peu épaisse (environ 6 m) de forte résistivité reposant sur une masse de résistivité plus faible, tout comme l’AA. Au point de sortie de la coulée, on observe que la couverture à forte résistivité est plus fine (de l’ordre de 3 m) mais plus épaisse sous le bombement visible dans la caldera (de l’ordre de 10 m). L’amincissement de la croûte indurée au-dessus du point de sortie montre bien que la coulée est reliée à ce matériel plus frais (à faible résistivité comme celui constituant la coulée). L’épaississement sous le bombement de la caldera, soit l’accumulation de matériel induré est plus difficile à interpréter. Une possible explication serait que la topographie du profil ne correspond pas à la topographie réelle de la caldera, le décalage de 5 m entre le sommet du bombement et le point de sortie n’est pas pris en compte, ce qui pourrait induire une légère erreur sur un profil représentant 30 m de profondeur. Si l’on considère ce décalage, ce bombement correspond à l’apex de la structure, il s’agit du point haut au centre de la caldera qui aurait subi la plus forte dessiccation, augmentant ainsi la profondeur de la limite entre matériel induré et matériel

frais. Les failles normales concentriques situées à l’apex de ce bombement indiquent un effondrement par perte d’un volume situé juste à l’aplomb de cet apex qui correspond à la zone d’émission de la coulée de boue. La résistivité indique que ce bombement se trouve en surface d’un épaississement de la croûte mais que c’est sous ce bombement que se trouve la source de matériel argileux frais qui constitue la coulée. L’espacement entre les failles concentriques (de l’ordre du mètre, voir Figure 4-44) renforce l’idée que la source de matériel argileux est bien située à quelques mètres sous la surface, indiquant une chambre superficielle sous la caldera du Koturdag.

L’Atbulak et le Koturdag sont des édifices entourés de plusieurs coulées successives. Autour de l’Atbulak, les coulées montrent des réseaux hydrographiques plus ou moins évolués. La coulée qui sort vers l’Est, le long d’une gouttière d’écoulement de 300 m de long pour ensuite s’épancher vers le NE, est identifiée comme la dernière coulée car sa surface est encore lisse. Le front de la coulée est affecté par des ravins avec des longueurs et des espacements de l’ordre de quelques dizaines de mètres de long. Les coulées situées juste au sud de cette dernière coulée montrent des réseaux hydrographiques plus développés, affectant toute la surface de la coulée. Elles sont vraisemblablement plus anciennes. De plus, en considérant des épaisseurs de coulées de l’ordre de 5 m, les volumes de chaque coulée sont de l’ordre de 0.005 km3, soit un volume total de l’ordre de l’ordre de 0.02 km3. Le volume des coulées de boue est supérieur d’un ordre de grandeur au volume de la caldera, qui est lui de l’ordre de 0.002 km3. Nous prenons comme hypothèse que la formation de la caldera résulte d’un effondrement induit par la vidange de la chambre de boue. Les volumes des coulées et de la caldera n’étant pas cohérents, une partie du volume des coulées provient nécessairement d’une source de boue profonde qui n’impacte que peu la caldera. Le relief présent au centre de la caldera est donc, tout comme pour le bombement au centre de la caldera du Koturdag, le résultat de l’arrivée de matériel depuis une réserve plus profonde (primaire ou secondaire) différente de la chambre superficielle que nous avons décrite sur l’AA (Troll et al., 2002). Ces coulées d’âges différents correspondent à des phases d’extrusion successives. Nous interprétons les structures en paliers que l’on observe le long des murs nord et sud de la caldera de l’Atbulak comme étant les résultats de phases de subsidence successives de la caldera.

Discussion sur la teneur en eau

La teneur en eau de la boue peut permettre d’expliquer des différences de morphologies entre édifices plats et édifices coniques. Une boue extrudée en surface doit avoir une densité faible par rapport à l’encaissant. Cette densité plus faible peut-être due à une teneur en eau élevée qui permet un épanchement important de la boue en surface, créant plus facilement des coulées étendues et fines. Au cours du dépôt et ensuite, la boue est remaniée, l’eau évacuée et la densité de la boue formant la coulée devient plus élevée que la densité du matériel extrudé. Le matériel émis par les éruptions successives a une densité plus faible que le matériel en place, le système peut ainsi se prolonger. Si le matériel émis a une teneur en eau faible, le dépôt se fera plutôt sous la forme de coulées épaisses et peu étendues puisque le matériau montrera une résistance au cisaillement plus forte. Une

boue à teneur en eau plus faible favorisera la formation d’édifices à morphologies coniques alors qu’une boue à teneur en eau élevée favorisera les morphologies plates. On ne tient pas compte dans ce raisonnement de l’aspect épisodique des coulées puisque l’Atbulak montre des coulées à grand volume qui s‘épanchent sur une grande distance donc composées d’une boue à teneur en eau certainement élevée au moment de l’extrusion différentes de celle du Koturdag qui s’épanchent de façon continue est lente.

Discussion sur la viscosité

Nous avons faits des mesures de viscosité de boues de différents édifices en Azerbaïdjan. Il est important de noter que les prélèvements ont été faits sr des objets de natures différentes, des salse, des gyphons. Les viscosités mesurées sur gryphons ou salse sont mesurées sur des boues plus liquides, à teneur en eau bien plus élevée que celles des boues mesurées sur l’AA, le Koturdag et le Pirekeshkul. Ces fluides montrent pour certains des comportements se rapprochant d’un comportement de type Newtonien, d’autres ont des comportements de types fluides de Bingham (Figure 4-60). Il n’y a pas de relation apparente entre les édifices plats et les fluides Newtoniens et les édifices coniques et les fluides de Bingham. Au contraire, l’AA montre un comportement de type fluide de Bingham tout comme le Koturdag, toutefois il y a une différence de réponse du matériel au cisaillement, la boue du Koturdag nécessite une contrainte plus élevée pour se déformer. Les édifices comme le Durovdag montrent un comportement de type fluide de Bingham très peu résistant au cisaillement (la contrainte seuil est très faible) qui se rapproche beaucoup d’un comportement de type fluide Newtonien. On observe des comportements similaires pour des édifices à morphologies différentes. Cette différence de comportement induit un seuil de contrainte à dépasser pour déformer certaines boues, ce qui peut se traduire par un angle critique ou une épaisseur critique à partir desquelles le matériel commence à se déformer. Pour les boues du Pirekeshkul, l’AA et le Koturdag, ce seuil est plus élevé que pour les boues du Durovdag et des Yeux Bleus. La présence de ce seuil de cohésion induit une résistance au cisaillement pour les valeurs de contraintes faibles, il faudra déposer une coulée de boue plus épaisse ou plus inclinée avant qu’elle ne commence à se déformer.

Impact de la profondeur de la chambre sur la morphologie de surface

Nous avons décrit la chambre superficielle comme une réserve de matériel argileux en surface sous les édifices à morphologie de mud pie. La présence d’une réserve de matériel non induré permet le rééquilibrage de la surface par migration du matériel après un gonflement de cette réserve et une morphologie à sommet plat. La présence de matériel non induré et à faible viscosité ne permet pas l’édification d’un relief et donc l’édification d’une morphologie conique. On ne peut pas considérer l’hypothèse d’une chambre superficielle en surface, constituée de matériel liquide à faible cohésion, qui aboutirait à une morphologie conique telle que celles des édifices Koturdag et Atbulak. Pourtant la morphologie du Koturdag et de l’Atbulak, notamment le bombement au-dessus du point de sortie, montre des similitudes avec les édifices plats. La géophysique acquise sur le Koturdag nous indique que la surface de la caldera correspond à une couche d’environ 6 m d’épaisseur reposant sur un matériau moins résistif. Au point de sortie de la coulée, cette épaisseur

diminue jusqu’à 3 m, ce qui correspond à l’épaisseur de la partie supérieure plissée et faillée de la coulée. S’il y a bien une réserve de matériel non induré présent sous la croûte indurée qui forme le sol de la caldera, alors ce matériel doit avoir une viscosité, une cohésion, bien plus élevée que celle de la boue de l’AA pour permettre de construire une morphologie conique telle que celle du Koturdag ou de l’Atbulak. Le cœur du volcan de boue Koturdag semble constitué d’une réserve de matériel argileux visqueux qui n’est pas présent sous la forme d’une chambre superficielle de surface comme pour Absheron ou l’AA, mais plutôt sous la forme d’une chambre située plus en profondeur, permettant une sortie de matériel plus localisée. Cependant, en considérant l’angle de sortie de la coulée (avec un pendage de 40° vers le sud) comme l’orientation du chemin de migration de la boue depuis le réservoir de matériel argileux et en considérant le réservoir argileux au centre de l’édifice volcanique, on pourrait estimer la source de la coulée à une profondeur de moins de l’ordre de 50 m sous la caldera. Cette source située à quelques dizaines de mètres sous la caldera est une chambre de stockage, une chambre secondaire, reliée à une remontée de matériel depuis une source de boue profonde. Le cœur du Koturdag est constitué d’une cheminée de matériel argileux à forte densité enracinée sur une source de boue Cette hypothèse est cohérente avec le terme de « Growing diapir-like» définit par Mazzini & Etiope (sous presse). Les auteurs décrivent le Koturdag comme la structure de surface d’une sortie de boue dense provenant d’une source profonde.

La profondeur de la source de boue a une influence sur la morphologie de l’édifice de surface. La présence d’une chambre en surface telle que la chambre superficielle permet le développement d’édifices à morphologie plate de type mud pie ; une source de boue plus profonde permet le développement d’édifices à morphologie conique telle que le Koturdag ou l’Atbulak. La présence d’une caldera indique d’ailleurs une zone de stockage intermédiaire effondrée lors de l’extrusion du matériel.

Croissance par empilement, le pôle conique

A l’opposé de volcans tels que l’AA et Absheron qui sont des mud pies, des édifices parfaitement plats, il existe des édifices tels que le Koturdag qui correspondent à des édifices coniques avec caldera. Des édifices à morphologie parfaitement coniques sans caldera existent (Deville et al., 2006) mais n’ont pas été observés lors de cette étude. Ces volcans constituent un pôle d’édifices construits par coulées successives. Les volcans à morphologies de sapins de Noel sont formés de cônes empilés, chaque cône correspondant à un volcan observé en sismique. Il n’y a pas de zone d’effondrement à l’aplomb de ces édifices, on n’observe pas la zone source du matériel extrudé, ce qui indique l’absence de chambre (primaire ou secondaire) entre la base du système et la surface. Cette absence d’une source visible indiquerait une migration de matériel argileux depuis une source très largement répandue autour de la base du système et d’épaisseur faible, le drainage d’une telle source ne serait pas visible géométriquement mais implique différents mécanismes de migration de fluides. Ce type de structure est réservé au domaine offshore, l’aspect épisodique étant régit par le taux de sédimentation.

Nouvel élément : la chambre superficielle

Les volcans plats de type mud pie sont en relation avec une source de matériel extrudée en surface sous une croûte indurée. Cette chambre superficielle se trouve à quelques mètres sous la surface (ce que nous montre la résistivité) et possède une épaisseur pouvant atteindre le kilomètre (ce que l’on observe en sismique sous les volcans du delta du Niger, Figure 4-81). Les modèles analogiques montrent que le volume de cette réserve augmente lorsque du matériel arrive de profondeur. Ce matériel peut provenir de la zone de formation de la boue en profondeur ou de zones de stockage intermédiaires. Il ne s’agit pas de zones de fluidisation qui nécessitent un apport externe de fluides. On a vu que la viscosité n’affecte pas la morphologie de surface, la teneur en eau quant à elle peut avoir un impact, à la fois sur la densité du matériel et sur sa capacité à s’épancher.

Calderas versus effondrement souple (MV4 SD, NG MVa)

Certains édifices ont une morphologie à caldera tels qu’Absheron avec une caldera couverte par un couvercle de 100 à 200 m d’épaisseur, ou le Koturdag avec une caldera percée dans la partie nord. Il existe également des édifices apparemment dépourvus de caldera tels que le MV4 de la Structure 1 ou encore l’AA avec son sommet plat. Cependant il est difficile de mettre en relation la présence ou non d’une caldera et la présence d’une chambre de boue primaire (en profondeur) ou secondaire (en sub-surface). Une caldera correspond à la vidange d’une réserve de matériel qui induit l’effondrement de la couverture et la sortie du système de ce matériel. Au-dessus de l’édifice MV4, l’extrusion du matériel compris dans la chambre induit l’effondrement de la couverture mais ce matériel ne sort pas du système, il vient créer une chambre de surface. Au contraire, dans le cas du Koturdag, les volumes de matériel extrudé et de la caldera ne sont pas cohérents.

La présence ou non d’une caldera pourrait dépendre de la profondeur de la source de boue. Si cette source est à forte profondeur, la perte de volume ne se ressentira que peu en surface, au contraire si cette réserve de matériel est à proximité de la surface, la perte de volume sera compensée par l’effondrement de la couverture.

Un volume important de matériel extrudé en surface ne pourra se déposer à l’équilibre mais va induire un dépôt sous la forme de coulées. Au contraire, si ce même volume s’extrude par épisodes successifs, le matériel en surface a le temps de s’épancher, de s’assécher, les épisodes successifs se superposent, se déforment. On observe ce phénomène sur le Bozdag avec les différentes galettes de faibles volumes mises en place en surface comparées aux différentes coulées de boue épanchées au NE. La vitesse d’extrusion peut également avoir un impact sur la morphologie de surface.

Selon Stewart & Davies (2006), la zone de fluidisation sera directement reliée à la surface (à l’époque de l’extrusion) par un réseau de failles qui forment le bicône. La profondeur de la chambre primaire va avoir un impact direct sur la morphologie de surface puisque lorsque cette chambre primaire sera à faible profondeur, les failles arrivant en

surface formeront une caldera plus étroite. A l’inverse, une chambre primaire plus profonde induira une caldera plus large.

Une dernière possibilité pour induire des morphologies de surface différentes repose sur les caractéristiques mécaniques du matériel, sa teneur en eau et sa viscosité. Du matériel à plus forte teneur en eau pourra s’épancher sur une plus grande distance à l’inverse du matériel à faible teneur en eau qui pourra se déposer sous la forme de galettes épaisses mais peu étendues.

6.1.2 Evolution du système de transfert

Nous avons décrit un modèle de transfert simple basé sur la géométrie sismique du système de volcan de boue de la Structure 1, dans le Bassin Sud Caspien. Nous décrivons ce système comme composé d’une source de fluide en profondeur, une chambre primaire comme source de boue à une profondeur de l’ordre du kilomètre, un système de transfert entre la source de boue et la surface constitué de chambres secondaires de stockage (sous forme d’intrusions) et finalement de l’édifice de surface qu’est le volcan de boue. Un premier point de discussion quant à ce système porte sur le volume de sédiment fluidisé qu’il est nécessaire d’atteindre avant l’extrusion, soit l’évolution de la chambre primaire. Cette évolution peut se faire selon deux voies possibles pour arriver à la même morphologie finale en sismique. La première est que la chambre primaire a accumulé un volume de matériel fluidisé correspondant au volume du bicone, soit de l’intervalle 4 du système de Structure 1 (Figure 4-8),et qu’une fois ce volume atteint, l’extrusion a eu lieu. Il s’agit de l’hypothèse d’une chambre de boue à volume important permettant une mise en place par extrusion monophasée (Figure 6-1). Le contraste de densité entre le matériel est la couverture doit atteindre un niveau important pour permettre l’extrusion. Toutefois, ce gonflement important aurait dû laisser des marqueurs en sismique que nous n’avons pas pu observer. Le second modèle de mise en place considère une fluidisation de matériel dans la chambre primaire qui est rapidement évacué en surface, soit une mise en place par extrusion polyphasée (Figure 6-2). Ce second modèle induit la nécessité d’un contraste de densité faible pour permettre une extrusion peu de temps après le début de la fluidisation, ou alors que la densité diminue rapidement, le volume de la chambre primaire étant faible.

182

Figure 6-1: Modèle de mise en place d’un système de volcan de boue par extrusion monophasée. A : Stade initial, la remontée de fluide n’a pas encore provoqué la fluidisation. B : Etat initial de fluidisation par les fluides qui migrent depuis les zones en surpressions en profondeur. C & D : La fluidisation se poursuit et la taille de la chambre primaire augmente. E : L’arrivée de

183

Figure 6-2: Modèle de mise en place d’un système de volcan de boue par extrusion polyphasée. L’arrivée de fluide permet la fluidisation de matériel dans la chambre primaire (B) qui est rapidement évacué en surface (C). La remontée de fluides se poursuit et induit une seconde phase de fluidisation (D), ce matériel sera expulsé lors d’une seconde phase d’éruption (E). Une