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MOBILITE ET SALAIRES SUR DES MARCHES INTERNES : deux études de cas

Si l’on dispose désormais d’un certain nombre de résultats concernant la mobilité professionnelle en France (Simonnet, 1996, Chapoulie, 2000 ; Dupray, 1998, 2000, 2002 ; Mathieu, 2002 ; Amossé, 2002), ceux-ci portent principalement sur l’analyse des mobilités externes (entre entreprises) ou entre grandes PCS, la plupart à partir de données d’enquêtes représentatives au niveau national – Enquêtes Emploi et Formation et Qualification Professionnelle notamment. La mobilité interne, qui constitue l’autre volet important des modes de progression des salariés dans leur carrière, a reçu quant à elle beaucoup moins d’échos dans la littérature empirique. Sur l’aspect carrières salariales, l’utilisation des DADS (Déclarations Annuelles de Données Sociales) a permis de faire progresser la connaissance depuis les travaux précurseurs de Guillotin jusqu’au récent article de Le Minez et Roux (2002) sur les débuts de carrière des hommes et des femmes (ainsi que notre contribution dans cette étude : supra, II-2). Mais les analyses portant sur le fonctionnement des marchés internes se signalent par leur rareté. Ce constat est d’autant plus dommageable que, comme le rappellent Baker et Holmstrom (1995) les modèles explicatifs des marchés internes se sont multipliés depuis le début des années 80, sans que les travaux appliqués en vue de les tester se soient intensifiés.

Le projet à l'origine de cette étude prévoyait un volet consacré aux marché internes d'entreprises. En effet de nombreux travaux montrent que les femmes sont pénalisées en termes de salaire, même une fois contrôlées un certain nombre de caractéristiques d’emploi qui les désavantagent (Meurs et Ponthieux, 2000). Nous souhaitions pouvoir suivre de façon fine, au sein d'une même entreprise, les évolutions professionnelles et salariales des hommes et des femmes en les rapportant aux caractéristiques individuelles des salariés et aux principes de GRH de l'entreprise.

Les difficultés rencontrées dans la mise en oeuvre de ce volet ont été considérables. Nous avions prévu celles tenant à l'obtention d'accords pour mener l'étude : au final deux entreprises ont accepté. Mais, au-delà, nous avions sous estimé les difficultés qui ont freiné le recueil et la transmission des données et, plus encore, ont conduit à revoir à la baisse, par rapport à ce qui nous avait été annoncé, la qualité de ces dernières. Au final, nous avons pu recueillir des données individuelles concernant les salariés de ces deux entreprises, mais sur des périodes nettement plus courtes que prévues (1998-2000 pour l'une, 1996-2000 pour l'autre). De plus, dans les deux cas, le diplôme de formation initiale n'est pas renseigné. Enfin, dans la première nous disposons d'informations sur les formations suivies par les salariés pendant la période d'observation, tandis qu’elles font défaut dans la seconde. Un obstacle supplémentaire est lié au fait que nous n'avons pas été en mesure de procéder à des entretiens

qui nous auraient permis d'avoir une vision plus précise des modes de management et de leurs évolutions, au delà des documents généraux dont nous avons pu disposer.

Au total, les analyses présentées ci-dessous portent tout d'abord sur des données assez détaillées concernant les mobilités des salariés d'une grande entreprise française (plusieurs dizaines de milliers de personnes)1, sur cinq ans (1996-2000). Ces données permettent d'étudier les relations entre la mobilité (fonctionnelle et hiérarchique) et les salaires des hommes et des femmes sur cette période.

Les résultats montrent que, en matière de promotion, les femmes sont plutôt avantagées dans cette entreprise même si les hommes sont en proportion plus nombreux que ces dernières à connaître des mouvements ascendants significatifs, inter-catégoriels notamment. Il a, de plus, été mis en évidence que les probabilités de promotion varient considérablement selon le grade et le domaine d'activité, tantôt à l'avantage des femmes tantôt à celui des hommes. Concernant les évolutions de salaire, pendant la période d'observation, on constate qu'elles sont globalement assez comparables pour les hommes et pour les femmes et que l'écart de rémunérations entre les deux tend à se réduire du fait des promotions dont les femmes ont bénéficié. Il semble cependant qu’il existe une segmentation de la progression salariale dans cette entreprise : indépendamment du fait d'avoir connu ou non une promotion, les évolutions salariales ont été plus favorables aux hommes dans les grades du bas de la hiérarchie, tandis que les femmes ont été avantagées dans les catégories d’encadrement.

Dans l'autre entreprise, les données individuelles des 2800 salariés portent sur une période plus réduite (trois ans) et sont plus difficiles à analyser du point de vue de la mobilité professionnelle compte tenu du turn-over important constaté. En revanche, grâce aux renseignements fournis sur les formations suivies pendant la période d'observation, nous avons pu analyser les rendements salariaux de ces formations.

Ici aussi le fonctionnement du marché interne ne semble pas être tout à fait le même pour les hommes et pour les femmes. On note en effet deux modes différents de valorisation de la formation professionnelle continue, ce qui tend à donner un statut différent à cette dernière en fonction du sexe. Pour les hommes, le nombre de formations suivies n'a plus de conséquence salariale, ce qui pourrait laisser supposer que la formation ne fait qu'accompagner une trajectoire salariale qu'elle ne modifie point. Dit autrement, elle ne serait que le signal d'une dynamique professionnelle qu'elle ne construit pas, ce qui expliquerait les plus faibles rendements de la formation pour les hommes. A l'inverse, le salaire des femmes semble être le produit d'une double construction dans laquelle la trajectoire salariale est renforcée par des investissements professionnels en formation qui favorisent l'accès à un salaire plus élevé (que lorsqu'il n'y a pas de formation). Autrement dit, on pourrait faire l'hypothèse que la formation ne fait que ponctuer les changements de salaire pour les hommes, alors que, pour les femmes, elle contribue en plus à augmenter les compétences reconnues de ces dernières durant leurs parcours professionnels. Et ceci recoupe aussi les qualifications des salariés, les formations étant nettement plus rentables pour les opérateurs, et plus encore lorsqu'il s'agit des femmes.

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III-1 Les conditions de mobilité et de carrière salariale des

hommes et des femmes sur un marché interne : exploitation