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Éléments de caractérisation des marchés internes

hommes et des femmes sur un marché interne : exploitation de données individuelles d’entreprise

1. Éléments de caractérisation des marchés internes

La notion de marché interne du travail et le terme lui-même, prend véritablement naissance dans l’ouvrage fondateur de Doeringer et Piore (1971), bien que leur travail s’enracine dans les travaux néo-institutionnalistes des années 50 et particulièrement ceux de Reynolds, Kerr et Dunlop. Dans cette perspective, la tentative de qualification du marché interne du travail est

inséparable d’une conception du marché du travail qui s’écarte de la vision unifiée inhérente au paradigme du marché concurrentiel.

De ce fait, le marché interne est perçu comme une composante particulière d’un marché du travail hétérogène de par ses structures d’emploi. En mobilisant la définition de Doeringer et Piore2, on débouche sur trois caractéristiques fondamentales du marché interne :

- Des règles administratives et des coutumes fixent le prix du travail et déterminent son allocation. C’est poser l’existence de facteurs particuliers qui s’ajoutent à la loi de l’offre et de la demande censée gérer l’allocation et le prix du travail sur le marché externe.

- L’accès à ces marchés est limité à certains postes, qualifiés de ports d’entrée. Cette propriété définit une contrainte si on se place du point de vue du marché mais un avantage si l’on adopte la position inverse : l’ouverture limitée à la concurrence qu’implique cette restriction des positions d’entrée permet justement l’instauration de règles assurant la constitution d’un marché interne et la protection des salariés à l’égard des forces du marché externe supposé fonctionner selon les règles concurrentielles.

- Enfin, la troisième caractéristique importante a trait à l’ensemble des avantages générés par cette structure d’emplois : il en va ainsi de la sécurité des emplois, des opportunités crées de développement des compétences des salariés et de progression professionnelle par le biais de la formation “ on-the-job ” et de la mobilité interne le long de filières qualifiantes. La durabilité de la relation d’emploi est le corollaire de l’existence du marché interne.

Ainsi, le marché interne se caractérise globalement par la rigidité des règles d’allocation des ressources et de détermination des salaires isolant les travailleurs qui en dépendent des forces concurrentielles. Les salaires sont fixés à la fois en fonction des postes attribués et en fonction des caractéristiques individuelles des actifs embauchés. En d’autres termes, cela revient à poser explicitement que la productivité individuelle sur le marché du travail s’extrait en partie des caractéristiques individuelles, en particulier relatives au capital humain détenu, pour devenir le produit d’une affectation d’une capacité productive particulière dans un poste de travail, lequel va conditionner la productivité effective attendue du salarié.

Doeringer et Piore situent l’émergence de ces marchés internes dans l’intérêt qu’ont les employeurs à réduire les coûts de formation et de rotation de la main d’oeuvre et pour les travailleurs, dans la recherche d’une stabilité d’emploi et de plus larges opportunités d’extension de leur compétence et d’évolution de carrière. Dans cette optique, la mobilité interne sert de vecteur d’acquisition de nouvelles compétences.

Les modèles d’obédience Néo-Classique, du type contrat implicite, salaire d’efficience ou contrat à paiement différé, ont, pour leur part, surtout insisté sur les caractéristiques “ extrinsèques ” de ces marchés internes, c’est à dire la forte ancienneté des travailleurs appartenant à ceux-ci, une croissance des salaires avec l’ancienneté indépendante de l’évolution de la productivité individuelle et des salaires rigides à la baisse.

Certains modèles de tournoi conduisent également à des prédictions intéressantes sur les rapports entre hiérarchie des postes et niveaux de rémunération. Dans cette voie, Rosen (1986) montre qu’il faut que l’écart de salaire s’élève à mesure que l’on monte dans la hiérarchie des postes pour que celle-ci puisse continuer à motiver les salariés qui ont déjà bénéficié de plusieurs promotions. En particulier, en présence d’aversion vis à vis du risque des salariés, il débouche sur la proposition selon laquelle l’écart de salaire entre les deux derniers échelons doit être plus important que tout autre écart entre deux rangs quelconques.

2

“ Le marché interne est une unité administrative, tel qu’un établissement industriel, à l’intérieur de laquelle la rémunération et l’allocation du travail sont régies par un ensemble de règles et de procédures administratives ”.

Ce modèle fournit ainsi une explication théorique à l’accroissement de la dispersion des salaires en haut de la hiérarchie des qualifications.

Sur un plan empirique, on peut dégager de ce cadre quelques implications sur les caractéristiques du personnel d’une entreprise constituée en marché interne :

- des entrées limitées à certains postes de la hiérarchie,

- des itinéraires de promotion bien délimités entre certains postes,

- peu de sorties en cours de carrière compte tenu des conditions de travail et de carrière favorables aux salariés, conditions ayant pu favoriser l’accumulation de capital humain spécifique renforçant l’attachement à l’entreprise3. En lien avec cette conséquence, on devrait constater, un taux de turn-over plutôt faible et une forte ancienneté moyenne des salariés.

C’est donc au regard de la proximité des caractéristiques de l’entreprise avec ces dimensions, que l’on pourra s’autoriser à parler de marché interne.

Il convient maintenant d’étayer le fait que nous optons ici pour une approche sexuée de la gestion des mobilités et des carrières dans l’entreprise considérée.