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La mobilisation des ressources: le réseau social de soutien des

Chapitre 1. La problématique théorique: le concept de «carrière

3. Deuxième partie: reconstruction du concept de carrière pour le champ des

3.3. L’analyse multi-niveaux des carrières migratoires

3.3.4. La mobilisation des ressources: le réseau social de soutien des

Il été établi dans la Première partie que la mobilisation des ressources, à travers les réseaux et le capital social, influe sur le processus de la car- rière en tant que filtre entre les structures et les acteurs sociaux. Il en est de même pour les migrations puisque, outre les explications relevant des niveaux individuel et structurel, «d’autres sont entre les deux et font appel à des réalités sociales intermédiaires, comme la famille ou les réseaux de proximité» (Dassetto, 2001: 40). Selon Hamilton (1996: 210) «la trajectoire et la destination des migrants sont largement détermi- nées par l’existence de réseaux migratoires». Waters et Jiménez (2005) accordent eux aussi une place importante aux réseaux de migrants dans leur explication de l’émergence aux Etats-Unis de nouvelles zones d’installation des immigrés. Ce niveau d’analyse est devenu un outil analytique indispensable à la compréhension des migrations contem- poraines (Grieco, 1998; Guarnizo et al., 2003; Pécoud, 2004). En Belgi- que, le recours à des réseaux relationnels a également déjà été identifié comme une des «stratégies de survie» utilisées en Belgique par les migrants, et notamment les sans-papiers (Adam et al., 2002: 154). Aujourd’hui, le caractère transnational des réseaux de migrants est lar- gement mis en évidence. Ils sont même «une condition nécessaire à la mobilité et se développent par-delà la fermeture des frontières ou se nourrissent, légalement ou non, de celles-ci» (Wihtol de Wenden, 2001: 10). Le problème se pose pour cette recherche de ne pouvoir interroger les réseaux de migrants dans leur ensemble puisque ceux-ci sont trans- nationaux. Néanmoins, Lafleur (2005) précise que l’espace transnatio- nal se trouve aussi en partie dans le pays d’accueil. Ainsi, si les réseaux des nouveaux migrants sont globaux et internationaux, ils n’en restent pas moins locaux (Hily et al., 2004). Etant donné que la problématique de cette recherche porte sur les nouvelles migrations en Belgique, c’est essentiellement cette dimension locale des réseaux qu’elle étudie. Plus précisément, c’est à travers les réseaux de soutien que les migrants pos-

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sèdent en Belgique (famille, amitiés, connaissances, compatriotes, collè- gues, etc.) qu’est observée la mobilisation des ressources. Ce choix sem- ble se justifier si l’on considère, par exemple, que les sans-papiers ont parfois recours aux réseaux de compatriotes, d’amis, de la famille, afin de trouver du travail au noir (Adam et al., 2002). Le soutien social est l’«une des principales manières par laquelle les gens et les ménages acquièrent des ressources [et composent] avec la vie quotidienne, de saisir les opportunités et réduire les incertitudes» (Wellman et Wortley, 1990: 558-559).

Observer le réseau de soutien du migrant peut aider à mieux compren- dre comment se déroule l’apprentissage au cours de la carrière migra- toire, notamment à travers l’acquisition d’une «culture immigrée». En effet, «les réseaux se développent en opposition à un système établi et dominant, dont les immigrés sont plus ou moins explicitement exclus» (Pécoud, 1998: 15). Les réseaux sont donc un lieu propice à la constitu- tion de la «culture de l’entre-deux» propre aux migrants.

Il y a un pont analytique intéressant à faire entre, d’une part, les carac- téristiques individuelles du migrant et, d’autre part, la mobilisation des ressources au sein de son réseau de soutien. En effet, Granovetter (1974) a démontré que des relations avec des personnes aux caractéristiques différentes, au-delà des frontières du groupe social intime, donnent accès à des informations et à de l’influence inaccessibles par ailleurs. Autrement dit, pour le membre d’un réseau, le fait d’avoir des contacts avec d’autres membres occupant des positions différentes dans la struc- ture sociale tend à améliorer les chances de voir les ressources de ces membres l’aider à atteindre le but de son action instrumentale (Lin, 1995). Ainsi, «les relations entre catégories sociales encouragent la soli- darité et satisfont aux besoins mutuels» (Wellman et Wortley, 1990: 578)9. Ce genre d’interdépendance entre acteurs est également observa- ble dans le processus de la carrière à travers le phénomène de spon-

sorship où les individus «gravissent les échelons dans une organisation

à travers les activités des plus anciens et de ceux qui sont mieux reconnus» (Becker, 1985: 261). Aussi, les caractéristiques des membres des réseaux de soutien des migrants sont à interroger afin de détermi-

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Wellman et Wortley se basent sur Durkheim E. (1933), The Division of Labor in Society, New-York, Macmillan; et sur Simmel G. (1955), Conflict and the Web of Group Affiliation, Glencoe, Free Press, pp. 125-195.

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ner dans quelle mesure le fait qu’un migrant ait des relations avec des personnes aux caractéristiques plutôt différentes ou, au contraire, plu- tôt similaires, influe sur la mobilisation de ses ressources.

Dans la Première partie, une première typologie a été proposée sur base de Bourdieu (1986) et Lemieux (1999). La recherche utilise cette typolo- gie10 afin de procéder à l’observation empirique et la catégorisation des ressources mobilisées par les migrants.

Il est utile de s’arrêter un instant sur la distinction de Lin (1995: 696) entre l’accès et l’usage des ressources: «l’accessibilité renvoie à un ensemble de ressources disponibles et potentielles, alors que l’usage implique la mobilisation effective de ressources sociales». Elle distin- gue consécutivement les ressources du réseau, qui renvoient à leur poten- tialité et à leur accessibilité, et les ressources de contact, qui impliquent leur mobilisation effective. Etant donné l’aspect presque immatériel des ressources lorsqu’il s’agit de leur potentialité et compte tenu des diffi- cultés que cela représente pour l’observation empirique, cette recherche propose d’interroger uniquement les «ressources de contact», c’est-à- dire celles que les migrants ont déjà effectivement mobilisées au cours de leur carrière.

Enfin, il est important de noter que certaines ressources font écho aux caractéristiques individuelles dont il a été question précédemment11. Cela est évident pour le degré d’éducation qui se confond au capital culturel. En outre, la durée du séjour en Belgique et l’âge du migrant peuvent influer sur la quantité des informations récoltées ou sur l’acquisition de son capital culturel. Son occupation professionnelle détermine directement son capital économique. Ainsi, il faut tenir compte du fait que les modifications des caractéristiques individuelles du migrant peuvent influer sur les ressources dont il dispose.

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