• Aucun résultat trouvé

Chapitre 4. Identification des informations sur les adventices mobilisées par les

4.4. Mise en regard des informations prélevées par les agriculteurs avec les indicateurs

Rappelons tout d’abord qu’un des objectifs de ce chapitre était d’évaluer la compatibilité des informations prélevées par les agriculteurs avec les indicateurs permettant de quantifier les effets des populations d’adventices sur le rendement et la teneur en protéines mis en évidence dans le chapitre précédent.

Dans cette étude, nous avons montré que la quantité d’adventices est l’information qui est la plus utilisée, que ce soit pour des activités de surveillance ou de prises de décision, à l’échelle de la parcelle ou de zones restreintes, et qu’elle est surtout liée au déclenchement du désherbage (voir section 3.4.1.). Or, dans le chapitre précédent, nous avons montré que la quantité d’adventices, exprimée à travers une densité d’adventices mesurée précocement (autour du stade épi 1 cm du blé), permet de prédire des distributions de rendement et de densités à floraison. Nous avons également montré que ces prédictions permettaient d’une part d’ajuster les pratiques de fertilisation azotée, et d’autre part d’évaluer l’opportunité de désherber. Les résultats obtenus dans ces deux chapitres sont donc compatibles car l’évaluation de la quantité d’adventices sur une parcelle apparaît comme une pratique courante pour les agriculteurs.

Cependant, l’évaluation de la quantité par les agriculteurs (l’information prélevée) ne saurait être directement utilisée en tant que densité (indicateur). En effet, il y a deux problèmes à résoudre : le premier est celui de la temporalité et le second est celui de la « traduction » de la quantité en densité.

En ce qui concerne la temporalité, nous avons montré, dans le chapitre 3, que la densité d’adventices observée précocement dans le cycle (autour du stade épi 1 cm du blé) permet de prédire rendement et densité tardive. Or, nous avons montré dans ce chapitre que dans le cadre d’activités de surveillance certains agriculteurs se rendaient régulièrement sur leurs parcelles (toutes les semaines ou toutes les quinzaines). Nous pouvons alors imaginer que ces agriculteurs se rendent au moins une fois sur leur parcelle autour du stade épi 1 cm. Pour les agriculteurs qui se rendent sur les parcelles uniquement lorsque la période est favorable au désherbage, si les conditions ne sont pas favorables autour du stade épi 1cm, le fait de se rendre sur leurs parcelles pour évaluer la quantité d’adventices est plus coûteux. Cela peut être problématique puisque les modèles qui prédisent le rendement et la densité à floraison ont été établis pour des densités d’adventices à un moment précis. Par conséquent, on peut s’interroger sur l’acceptabilité d’un prélèvement d’information à ce stade précis. A l’inverse,

Chapitre 4. Informations prélevées par les agriculteurs relatives aux adventices

103 on peut aussi s’interroger sur la stabilité des modèles mis au point dans le chapitre précédent face à un changement de date de prélèvement de la densité.

L’évaluation de la quantité par les agriculteurs est rarement précisée et reste de l’ordre de l’expertise, puisque les agriculteurs ne comptent jamais les adventices pour évaluer une densité. Il convient alors de s’interroger sur la manière de traduire cette information (la quantité) en indicateur (la densité). On pourrait imaginer un dispositif qui permette de relier les « quantités » des agriculteurs à des densités objectivées. Pour cela, nous pourrions utiliser des supports photographiques représentant des états d’infestation en adventices variés dans des parcelles de blé autour du stade épi 1 cm dont nous connaissons la densité associée. Nous aurions alors une information du type « si vous observez cela sur votre parcelle (en se référant à la photographie), c’est que la densité d’adventices est d’environ … adventices ». Cela permettrait de faire le lien ensuite avec les modèles prédictifs. Une alternative serait de préconiser des comptages sur les parcelles permettant d’estimer les densités d’adventices. Pour cela, il faut mettre au point une méthode d’échantillonnage fiable et peu coûteuse en temps. Il faut également s’interroger sur la compatibilité des échelles considérées. En effet, dans le chapitre 3, les densités ont été évaluées sur des placettes de 0.25 m² alors que les agriculteurs estiment les quantités d’adventices à l’échelle de la parcelle ou de zones restreintes qui sont plus grandes que les placettes. Nous reviendrons sur ces différentes questions dans le cadre de la discussion générale.

Nous rejoignons ici Leplat (1995) qui s’interroge sur la possibilité de mobiliser des compétences élémentaires incorporées (ici, c’est l’évaluation de la quantité) pour d’autres activités que celles pour lesquelles elles sont mises en œuvre initialement. En effet, la difficulté peut résider dans le fait que les compétences sont très intégrées au but et deviennent difficilement transposables. En gardant cela en tête, il semble que l’évaluation de la quantité d’adventices, effectuée par les agriculteurs pour leurs prises de décision et la surveillance, sera plus facilement transposable, pour l’utilisation des modèles, si elle est liée à des activités auxquelles l’agriculteur l’associe déjà par ailleurs. Or, dans notre cas, l’évaluation de la quantité d’adventices est souvent liée au désherbage, elle sera a priori facilement mobilisable pour les modèles permettant de raisonner le désherbage. En revanche, elle est moins fréquemment associée aux pratiques de fertilisation, ce qui laisse présager que ce sera peut- être plus difficile de transposer cette information pour aider au raisonnement des pratiques de fertilisation.

Conclusion

Les informations les plus mobilisées par les agriculteurs pour prendre leur décision de désherbage et de fertilisation de couverture sont la quantité et la diversité d’adventices. De plus, les agriculteurs utilisent de nombreuses informations qui se combinent de manière différente en fonction du but visé, des conditions au moment du prélèvement ou encore en fonction de caractéristiques de l’exploitation agricole. L’utilisation générique que font les agriculteurs de la quantité ouvre une perspective d’utilisation facilitée des modèles mis en évidence dans le chapitre 4, puisque les agriculteurs évaluent les populations d’adventices sur leurs parcelles. Néanmoins, cette transposition des informations des agriculteurs vers des indicateurs utilisés dans des modèles soulève un certain nombre de questions qui doivent être résolues si l’on veut passer d’un modèle prédictif à un outil d’aide à la décision.

C

HAPITRE

5

Discussion générale, perspectives

et conclusion

Chapitre 5

Discussion générale, perspectives et conclusion

1. Retour sur les objectifs et bilan du travail réalisé

L’objectif de ce travail de thèse était d’identifier et de hiérarchiser les facteurs limitants et les pratiques qui expliquent la variabilité des performances du blé biologique en parcelles agricoles. Il s’agissait également de quantifier l’effet des principaux facteurs sur ces performances et de proposer des indicateurs précoces qui permettent de prévoir leur nuisibilité et qui soient actionnables par les agriculteurs, afin d’adapter les techniques culturales appliquées.

La première question concernait l’identification des facteurs expliquant la variabilité de la teneur en protéines et du rendement du blé biologique à l’aide d’une méthode statistique innovante basée sur un mélange de modèles.

Le statut azoté de la culture favorise à la fois le rendement et la teneur en protéines. Les adventices ont un effet négatif sur le poids de mille grains et un effet positif sur la teneur en protéines, ce qui peut s’expliquer par un effet de concentration. Le quotient photothermique a un effet positif sur le nombre de grains par m² avant floraison, alors qu’il limite la teneur en protéines après floraison. Pendant la période de remplissage des grains, le stress hydrique et les températures au-delà de 25°C limitent la teneur en protéines. Les maladies foliaires limitent le poids de mille grains pendant cette même période. Enfin, la classe de panification est un facteur expliquant très fortement les variations du rendement et de la teneur en protéines. Les variétés BPS permettent d’augmenter le rendement, car elles augmentent le nombre de grains, alors que les variétés BAF expliquent de fortes teneurs en protéines.

Nous avons également montré que l’utilisation d’une base de données élargie et d’une méthode statistique différente permettaient d’obtenir des résultats sensiblement différents lors de la réalisation d’un diagnostic sur le rendement. De plus, les résultats obtenus avec la méthode de mélange de modèles sont plus robustes que ceux obtenus avec des méthodes de régression stepwise « classiques ».

Enfin, ce travail nous permet de conclure que, pour améliorer le rendement et la teneur en protéines du blé biologique en région Rhône-Alpes, les variétés à haute valeur boulangère et résistantes à la rouille brune, telles que Lona, sont à recommander. L’introduction ou le maintien des légumineuses fourragères dans la rotation est à conseiller et il faut éviter de semer le blé trop tardivement. Ces conclusions sont en accord avec des résultats obtenus sur la même région d’étude à partir d’un grand nombre de parcelles dont les pratiques ont été collectées (David et al., 2007). Cette étude montre que les variétés améliorantes permettent