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Chapitre 5. Discussion générale, perspectives et conclusion

2. Retour sur la démarche et les méthodes mobilisées

2.2. Changements d’échelle et extrapolation des résultats

Dans le cadre de notre travail, nous avons exploité plusieurs échelles. Pour réaliser les diagnostics agronomiques régionaux de la teneur en protéines et du rendement, nous avons travaillé à l’échelle des parcelles agricoles, jugées homogènes. Pour traiter de la question des effets des adventices sur les performances du blé biologique, nous avons travaillé à l’échelle de placettes (0.25 m²), présentes de façon répétée sur chaque parcelle (afin de couvrir la diversité intra-parcellaire). Enfin, pour mettre en évidence les informations prélevées par les

agriculteurs, nous nous sommes intéressés à ce qu’ils observaient à l’échelle de la parcelle, mais aussi parfois à l’échelle de zones restreintes, tout en prenant en compte les caractéristiques et stratégies des exploitations agricoles.

Les systèmes biologiques sont caractérisés par une grande hétérogénéité inter et intra- parcellaire, à la fois des performances (teneur en protéines et rendement), mais aussi des facteurs limitants. L’hétérogénéité inter-parcellaire a été exploitée dans le cadre du diagnostic agronomique, permettant d’étudier des situations différentes d’une parcelle à l’autre, afin de représenter au mieux les différences observables au sein de la région étudiée (Doré et al., 2008). Cependant, la variabilité intra-parcellaire n’est généralement pas ou peu prise en compte dans le diagnostic et les mesures sont effectuées sur des zones homogènes dans la parcelle (Boiffin et al., 1981 ; Aubry et al., 1994 ; Leterme et al., 1994). Les répétitions de mesures réalisées sur une parcelle très hétérogène vont présenter une variance très importante, et la moyenne obtenue représentera mal les performances de la parcelle. Choisir une zone homogène de la parcelle, si par ailleurs la parcelle est hétérogène, permettra de réduire la variance des résultats mais représentera mal les performances de la parcelle dans sa globalité. On peut alors se poser la question de savoir si, dans le cadre d’un diagnostic en agriculture biologique où la variabilité intra-parcellaire est importante, la réalisation d’un diagnostic à l’échelle de placettes ne serait pas intéressante. Néanmoins, dans ce cas, certaines mesures des facteurs limitants (e.g. le tassement du sol ou les facteurs climatiques) et les pratiques effectuées (e.g. précédent, travail du sol, fertilisation) seraient communes à un grand nombre de placettes, puisque ces caractéristiques sont identiques pour une parcelle donnée, biaisant ainsi la base de données. De plus, certaines mesures destructives comme la mesure de la teneur en azote des plantes ne seraient pas réalisables, puisqu’elles empêchent l’évaluation des performances en fin de cycle sur la placette. Dans le cadre de nos diagnostics, nous avons fait le choix de réduire en partie la variabilité intra-parcellaire en choisissant au sein de chaque parcelle une zone de mesures qui soit homogène par rapport au type de sol et à l’état du peuplement de blé à la levée. Néanmoins, au cours du cycle de la culture, cette zone de mesures a pu montrer une certaine variabilité vis-à-vis des adventices. Cette variabilité intra- parcellaire, relative aux adventices, a été exploitée pour mettre au point les modèles prédisant les distributions de rendement ou de densité des adventices. En effet, au sein même de la parcelle, les placettes ont été définies sur des zones dont l’infestation en adventices s’est révélée variable, permettant de couvrir une large gamme de densités au sein d’une même parcelle. De plus, afin d’extrémiser la gamme d’infestation sur une même parcelle, des traitements différents ont été réalisés sur certaines parcelles (avec ou sans désherbage, avec ou sans irrigation et avec ou sans fertilisation de printemps). Le fait d’utiliser une gamme de densité extrémisée nous a permis de mieux estimer les paramètres des modèles (Moffitt et Bhowmik, 2006). La variabilité intra-parcellaire a également été évoquée par les agriculteurs puisqu’ils distinguent des zones restreintes plus infestées et/ou le développement de la culture est moindre pour prélever leurs informations.

Chapitre 5. Discussion générale, perspectives et conclusion

110 Comme nous l’avons montré dans le chapitre 2, les résultats obtenus par la méthode de diagnostic agronomique sont dépendants de la base de données sur laquelle le diagnostic est réalisé. De plus, un grand nombre de ces facteurs sont des facteurs liés directement au climat (e.g. le quotient photothermique ou le stress hydrique), et donc très dépendants de la région d’étude. Par conséquent, l’identification et le classement des facteurs limitants des performances du blé biologique obtenus ne sauraient être extrapolés à d’autres régions que celle où le diagnostic a été réalisé (Doré et al., 1997). Néanmoins, comme nous avons couvert une gamme d’années assez large, nous pouvons penser que ces résultats seront extrapolables à d’autres années climatiques, dans la même région. La méthode statistique utilisée (mélange de modèles) s’est révélée mieux adaptée pour réaliser des diagnostics que les méthodes classiques de régression stepwise puisqu’elle évite de sélectionner des facteurs limitants en réalité peu importants et de ne pas sélectionner des facteurs en réalité importants. Elle pourra être remobilisée pour la réalisation de diagnostics agronomiques régionaux ultérieurs. De plus, les résultats obtenus peuvent donner des pistes pour identifier les facteurs limitants principaux dans des systèmes agricoles proches de l’agriculture biologique (mais dans la même région) tels que les systèmes à bas niveau d’intrants. Ces systèmes se rapprochent des systèmes biologiques dans la mesure où ils utilisent des variétés résistantes aux maladies, des doses de fertilisation réduites, des semis clairs ainsi que des doses et des fréquences d’application réduites des produits phytosanitaires (Rolland et al., 2003). On peut faire l’hypothèse que ces systèmes connaissent des gammes de facteurs limitants intermédiaires entre celles observées en agriculture biologique et celles observées en agriculture conventionnelle.

Les modèles mis au point pour prédire des distributions de rendement et de densité tardive en adventices à partir d’une densité précoce ont été mis au point à partir de données issues de parcelles biologiques, mais peuvent être extrapolés à des systèmes conventionnels. En effet, on peut supposer que l’effet d’une population d’adventices plurispécifique sera similaire quel que soit le mode de production. D’ailleurs, nous avons adapté des modèles mis au point en agriculture conventionnelle pour établir ces relations. En agriculture biologique, la gamme de variation du rendement, des densités d’adventices et des facteurs limitants présents dans les parcelles, venant « perturber » la relation à établir, est accrue par rapport à un système conventionnel. Néanmoins, dans les systèmes conventionnels, lorsque les adventices ne sont pas contrôlées, il est plus facile d’avoir accès aux données qui définissent la courbe-enveloppe de la distribution rendement = f(densité) car il y a, a priori, plus de points pour lesquels seules les adventices limitent le rendement (les autres facteurs limitants comme l’azote ou les maladies pouvant être contrôlés en agriculture conventionnelle). Notons que la méthode de régression quantile appliquée ici est une méthode appropriée lorsque l’on souhaite établir une relation entre deux variables et que l’on sait qu’il existe d’autres facteurs influençant la relation qui ne sont pas mesurés. Ceci est fréquemment le cas dans des expérimentations en parcelles agricoles où il est impossible de contrôler tous les facteurs.

placettes. 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 0 100 200 300 400 500 600 700 800 900 1000 1100 1200 1300 1400 1500 1600 1700 1800 1900 2000 2100

densité précoce (plantes.m-2)

re n d e m e n t (q x .h a -1 )

Chapitre 5. Discussion générale, perspectives et conclusion

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2.3. Prise en compte de l’interaction des adventices avec les autres