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Orientations éditoriales et littéraires

Il est difficile de décider de toutes les orientations littéraires d’une maison nouvellement créée. Cependant, c’est principalement la littérature (à l’exception de la littérature jeunesse) et les essais qui sont au centre des publications de Prototype, avec un attrait particulier pour les textes hybrides, qui mêlent l’écriture littéraire, dont la fiction, et la critique sociale et politique. La plupart des collections se confirmeront dans le futur, selon les choix éditoriaux effectués par l’équipe de Prototype, mais on peut déjà imaginer quelques pistes, sans que les collections ne soient limitatives (c’est-à-dire en s’autorisant toujours de dépasser leur ligne ou de la détourner) et seulement orientées selon les genres littéraires des textes (théâtre/roman/essai, etc.), bien qu’elles le soient en partie.

Météorite est la collection centrale de Prototype, autant qu’elle est hétéroclite. Elle est plutôt destinée à publier des textes relativement courts (sans s’interdire des livres plus longs) ou des recueils, ainsi que des formes hybrides (y compris, peut-être, dans leur maquette). C’est dans cette collection que l’on peut trouver le plus de livres mêlant réflexion critique et littérarité, ainsi qu’une pluridisciplinarité artistique éventuelle. À travers cette collection, les éditions Prototype souhaitent développer un catalogue tourné vers la publication de nouvelles, une forme qui leur semble intéressante à explorer avec une perspective politique de la poétique.

Graphe est la collection plus littéraire de Prototype. Romans (de fictions ‘quotidiennes’, contextualisées dans notre monde, comme de science-fiction), poésie, théâtre… Graphe est une collection qui permet d’explorer la littérature, autant à travers la réédition de textes parfois oubliés, permettant de revaloriser des auteurs·trices que l’histoire n’a pas retenu·e·s, que dans l’édition de textes contemporains qui peuvent réinterroger notre rapport au littéraire.

Skènè est la collection d’essais (et a fortiori d’ouvrages de recherche). Ancrée dans une dynamique de critique sociale, féministe, postcoloniale et/ou anticapitaliste (…), elle propose des textes qui permettent de comprendre les mécaniques du pouvoir (des pouvoirs), ses ressorts oppressifs, et qui en livrent des analyses autant qu’ils dessinent des perspectives pour y résister et créer d’autres logiques. C’est une collection qui territorialise les dominations (qui les contextualise) tout en dessinant un espace de résistance potentielle.

Solarium est une collection orientée sur les arts (plastiques, vivants, cinématographiques, etc.) et les représentations. Elle est le lieu de productions concernant la pluralité artistique mais aussi celui des textes questionnant, d’une manière générale, les discours et les représentations, ainsi que les idéologies qui les soutiennent, dans une perspective mêlant études visuelles, études linguistiques, sémiotique, médialogie et approche politique. Solarium défend l’absolue nécessité des arts dans notre quotidien autant qu’elle reconnaît l’importance de comprendre ce qui structure nos représentations (artistiques, médiatiques, publicitaires, etc.), ces dernières occupant une place centrale dans les sociétés passées et contemporaines

Les éditions Prototype publient également une revue découlant de la collection Météorite mais ne s’y limitant pas, (faute de mieux)184. Elle permet autant aux éditrices d’y publier

quelques mots que de mettre en avant des textes (très) courts, littéraires ou non, des tribunes, des articles ou des interviews de personnes ne publiant pas forcément d’ouvrages à Prototype, des réactions ou des retours sur des événements, des agendas mettant en lien l’activité éditoriale de Prototype avec une multiplicité d’activités artistiques et/ou politiques, etc. Sans que sa parution ne soit fixe, on peut l’imaginer biannuelle (et à l’avenir peut-être trimestrielle).

Ces collections comme la revue (faute de mieux) accueillent nouveautés et rééditions, écrites en français ou dans une autre langue et traduites (bien que la situation économique des éditions Prototype leur permette difficilement de publier des traductions de manière régulière), sans qu’il n’existe de collection « française » ou « étrangère ». En dépit de leur caractérisation individuelle, ces collections laissent place à la liberté nécessaire à l’édition et pourraient être modifiées en fonction du chemin pris par la maison les années à venir.

Orientations graphiques et esthétiques

Les éditions Prototype ne défendent pas l’uniformisation des livres selon les codes d’une collection (à la manière de La Blanche de Gallimard par exemple) mais souhaitent cependant être identifiables visuellement. Des chartes graphiques discrètes soutiennent donc chaque collection.

Le logo simple et sobre de la maison ne s’accompagne pas de visuel et n’a pas de majuscules. Il est composé dans la police TW Cen MT, dont le corps est modifié en fonction de l’usage qui en est fait.

prototype

Les logos de chaque collection ainsi que le nom de la revue reposent sur une discrétion similaire. Ils sont composés en Futura light et généralement placés au-dessus (et plus rarement à côté) du logo de la maison en première de couverture, et répétés seuls en bas de quatrième de couverture (cf. les maquettes des pages suivantes).

Les titres des ouvrages et de la revue sont majoritairement composés en Futura book, petites majuscules, sans que cela ne soit fixe. La police Consolas bold est d’ailleurs utilisée pour les titres de la collection Skènè et éventuellement Solarium.

Titre

Les noms des auteurs·trices sont également composés en , ainsi que les prix et

certains textes de quatrième de couverture (la revue (faute de mieux)). Les textes de quatrièmes de couverture sont composés en Garamond.

La taille du corps et les couleurs de ces typographies sur les ouvrages sont variables puisqu’elles répondent aux illustrations figurant en couverture. Les chartes graphiques des collections ne proposent donc aucune couleur de référence mais simplement ces usages répétés des typographies. Par ailleurs, aucun format n’est entièrement prédéterminé pour les collections mais quelques lignes se dessinent tout de même : les ouvrages de Météorite sont plutôt petits (autour de 120*180 mm) ; ceux de Graphe, de Skènè et Solarium font des tailles similaires (environ 140*210 mm) ; la revue (faute de mieux) a un format de 190*225 mm.

Les couvertures sont, dans la mesure du possible, graphiques et/ou illustrées tout en entretenant une certaine simplicité – en conscience que cela entre tout à fait dans la logique qui sépare les livres selon leur sobriété ou leur élégance graphique des livres dont les illustrations sont plus courantes (photographies d’un coucher de soleil, etc.), donc de la distinction entre livres dits « populaires » et livres censés l’être moins. Tout en prenant en compte cet aspect, les éditions Prototype souhaitent le détourner et proposer des livres d’une certaine qualité graphique mais sans être ‘intimidants’, en évitant d’entretenir la différenciation de classe. Il s’agit donc de réfléchir à la tension qui existe entre certains livres et d’autres, en reconnaissant que la ligne éditoriale de la maison tend plutôt vers la production restreinte et que, s’il n’est pas aisé de contourner les hiérarchisations et les exclusions culturelles, il est possible d’éviter de les encourager.

Quelques inspirations de couvertures :

Les maquettes intérieures ne sont pas fixées mais la police utilisée est, en général, le Garamond corps 11 pt, interlignage 13,2 pt.

Les quatre premières publications de Prototype

Prototype lance son activité avec quatre publications la première année. La maison étant, les premiers temps, en autodiffusion et autodistribution, il n’y a pas d’offices à proprement parler mais deux moments au cours de l’année pendant lesquels les livres seront lancés et qui se poursuivront par des ‘tournées’ de quelques semaines en librairies. Plutôt que des parutions

régulières, les livres paraîtront sur ces deux périodes. Ils seront donc prêts pour le 14 mars 2017 et le 10 octobre 2017.

En mars 2017 paraissent donc deux ouvrages. Il s’agit tout d’abord du premier numéro de la revue (faute de mieux), qui marque aussi le lancement officiel des éditions Prototype. Il a pour thème « Peau » et accueille autant de nouvelles que d’articles abordant, d’une manière ou d’une autre, la polysémie de ce terme et ses échos politiques comme poétiques. En plus des trois nouvelles et des deux articles, la revue propose, entre autres, quelques mots des éditrices afin de présenter la maison d’édition, un court hommage à Claude Cahun dont vient le nom de la revue, une tribune, écrite peu de temps avant l’impression puisqu’elle entre en résonance avec le contexte de parution de la revue, et l’interview de Dehya Tazaghart, éditrice de la maison indépendante algérienne Tira (avec laquelle se construit un partenariat pour une coédition). Enfin, la couverture et quelques illustrations intérieures sont réalisées par l’artiste pakistano- américaine Ayqa Khan. La revue fait environ 48 pages pour commencer, peut-être plus selon la longueur des nouvelles et articles publiés, mais elle demeurera modeste puisqu’il s’agit de la première publication des éditions Prototype. Elle est tirée à 500 exemplaires.

L’autre ouvrage qui paraît le même mois est un recueil de nouvelles d’une jeune autrice martiniquaise, Célie Nine, intitulé Ciel chromatique. Il s’agit de son premier livre, composé d’une série de portraits de personnes arrivant en France métropolitaine, un pays dans lequel iels n’ont pas grandi et dont iels découvrent les contrastes. Écrit autant à partir de son expérience que des rencontres plurielles qu’elle a pu faire, l’écrivaine a su dépasser le témoignage ou le documentaire pour écrire des nouvelles aux points de vue multiples et à la tension poétique et quotidienne palpable. L’ouvrage, assez court (96 pages), a une couverture illustrée par Amy Sherald et paraît dans la collection Météorite, avec un tirage de 400 exemplaires.

En octobre 2017 paraît une réédition du premier roman de Taos Amrouche, Jacinthe noire, qui est en fait une forme proche de l’autofiction, initialement publiée par Edmond Charlot en 1947, rééditée par François Maspero en 1972 et Joëlle Losfeld en 1996. Si l’ouvrage est toujours disponible en français, la spécificité de celui-ci est son bilinguisme. En effet, le livre est coédité par Prototype et Tira, une maison d’édition indépendante algérienne proposant un catalogue en tamazight. Parce qu’il semble important de valoriser la multiplicité des langues, le texte en français entre donc en résonance avec sa traduction en tamazight, langue qui lutte pour sa reconnaissance officielle par le gouvernement algérien et qui garde encore aujourd’hui, et depuis la colonisation, la dimension de stigmate linguistique. La publication d’un ouvrage en

français et en tamazight en Algérie et en France s’inscrit donc dans la lutte ancienne des militant·e·s imazighen autant que dans une perspective postcoloniale. Elle est particulièrement délicate au niveau de la transcription puisque le tamazight écrit est une langue jeune et non- fixée, qui fait l’objet de controverses : certain·e·s prônent l’usage des caractères berbères (en vue d’encourager l’authenticité de la langue écrite), d’autres celui des caractères arabes ou latins, l’écriture du tamazight étant, dans ces deux derniers cas, phonétique. En coédition, nous faisons le choix d’une écriture phonétique en caractères latins afin que le livre puisse être lu par le plus grand nombre de personnes, en Algérie tout d’abord mais aussi en France – en effet, peu de gens savent lire le tamazight en caractères tifinagh (berbères), alors qu’iels sont beaucoup à le connaître oralement. Les caractères latins permettent donc une lecture phonétique plus aisée pour ceuls qui maîtrisent cette langue (en Algérie plutôt) ; pour les autres, ils permettent d’accéder plus facilement aux sons et à la musicalité du tamazight, à défaut d’en avoir le sens. Quelques caractères en alphabet tifinagh viennent enrichir la maquette afin d’apporter tout de même une partie de l’aspect graphique, historique et symbolique de la langue au livre.

L’ouvrage, assez épais (416 pages mais le papier choisi contrebalance ce nombre), paraît dans la collection Graphe (500 exemplaires). Le choix du tamazight et non de l’arabe est un défi, autant de traduction qu’économique, mais l’attachement émotionnel et politique de Taos Amrouche pour la culture amazighe (elle-même étant kabyle) et son positionnement radical pour la défense des peuples imazighen est, à mon sens, un élément suffisant pour entamer une traduction d’un roman écrit en français par une romancière plus connue comme cantatrice de chants kabyles, justement. La dimension postcoloniale de cette coédition peut donc aussi se retrouver dans l’importance donnée à la mise à disposition (quelle qu’en soit la langue) en Algérie de textes édités en France et écrits par des écrivain·e·s algérien·ne·s ou franco- algérien·ne·s. Enfin, Lashen Oulhadj, qui travaille déjà avec les éditions Tira, traduit le roman et les droits de reproduction d’une photographie de Lee Jee-Young seront achetés pour la couverture.

Le second ouvrage d’octobre 2017 et dernier à paraître pour cette année est un essai de Cécile Gintrac intitulé Les Territoires du pouvoir, pour une cartographie critique. Publié au sein de la collection Skènè, l’ouvrage s’attaque à déconstruire les mécaniques de la cartographie traditionnelle en démontrant en quoi ce qui prétend relever de l’objectivité scientifique est en fait orienté par des siècles de dominations occidentales. Cécile Gintrac propose ensuite, par l’intermédiaire de la cartographie dite « radicale », des alternatives aux représentations

hégémoniques du globe et par là-même, du monde. L’ouvrage s’étend sur 192 pages et est imprimé en 400 exemplaires.

L’ensemble des tirages de ces livres et de la revue sont modestes et les éditions Prototype procèderont à des nouveaux tirages dès que nécessaire. Selon la manière dont auront été accueillis les livres de mars 2017, des réimpressions pourront donc être lancés pour ces derniers afin qu’ils puissent être (re)présentés lors de la tournée d’octobre 2017.