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Les QCLs présentent une facette très asymétrique, typiquement de 10 µm de large sur 3 µm de haut. De fait les champs proche et lointain présentent un pro- fil fortement elliptique qui est complexe à utiliser dans un système. Une première approche que nous avons étudiée pour mettre en forme le faisceau de sortie d’un QCL est de coupler celui-ci à une fibre optique. Le profil du champ lointain est alors dicté par le profil de la fibre, et non plus celui de la facette du QCL. À la différence du QCL, les fibres présentent une symétrie de révolution qui fait que le mode est beaucoup plus circulaire.

Dans cette partie, nous étudierons différentes fibres chalcogénures que nous avons pu tester dans le cadre d’un partenariat avec la start-up SelenOptics, issue de l’équipe “Verres et Céramiques” de l’Université de Rennes 1 et de la plateforme de Photonics Bretagne, Perfos.

CHAPITRE IV. MISE EN FORME DU FAISCEAU 96 IV.2.1 Les fibres infrarouges

Les fibres conventionnelles utilisées aux longueurs d’onde des télécommunica- tions, notamment à 1,55 µm ne peuvent pas être employées dans le moyen-infrarouge. Le remplacement du verre de silice par des verres de chalcogénures [156, 157], de tellures [158,159] et de fluorures a permis d’étendre leur utilisation à des longueurs d’onde plus grandes [160]. Les fibres fluorées ont typiquement des transmissions de 2 à 5 µm, les chalcogénures de 1 à 9 µm et les tellures ont même permis d’étendre le domaine utilisable de 2 à 12 µm [161].

Trois fibres ont été employées durant cette thèse. Leurs caractéristiques géomé- triques sont récapitulées dans le tableau IV.1.

Nom Diamètre du Diamètre de Plage de transmission

du mode cœur (µm) la gaine (µm) à 1dB/m (µm)

fibre microstructurée F1 13 µm 125 µm 5-9,3 µm

fibre microstructurée F2 16 µm 140 µm 5,3-9,3 µm

fibre 6 trous F3 18 µm 200 µm 1,5-7,5 µm

Table IV.1: Fibres utilisées pour les mesures de champ lointain et de tenue au flux. Leur caractéristique en transmission ainsi qu’une vue de leur section sont affichées dans l’annexe C. Ces trois fibres sont munies d’un connecteur d’un côté, et sont clivées de l’autre. Les pertes de couplage dans les fibres ont été estimées à 3,5 dB. IV.2.2 Résultats expérimentaux

Afin de pouvoir évaluer les possibilités de mettre en forme le faisceau par couplage des QCLs avec une fibre, nous avons dans un premier temps mesuré le profil du champ lointain en sortie d’une fibre couplé à un QCL. Dans le but de quantifier la circularité du faisceau de sortie, on définit le rapport d’ellipticité comme le rapport des largeurs à mi-hauteur (FWHM) selon les deux axes :

Re=

F W HM(verticale)

F W HM(horizontale) (IV.4)

Celui-ci devra être le plus proche de l’unité possible. Si l’on considère le cas de champ lointain d’un QCL de puissance non-couplé à une fibre, on a Re1, 5 − 3

selon la largeur du laser.

Deux QCLs ont été utilisés pour cette étude, un issu de la plaque ART105, émettant autour de 5,5 µm, et un autre provenant de la plaque ART442, émettant à 7,4 µm. Les fibres F1 et F2 ont été ainsi caractérisées. Les champs lointains ho- rizontaux et verticaux obtenus en injectant le laser de la ART105 à 5,5 µm dans la fibre F1 sont représentés sur la figure IV.2.

CHAPITRE IV. MISE EN FORME DU FAISCEAU 97 -30 -20 -10 0 10 20 30 Angle horizontal (°) 0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 Intensité (u.a) Fibre 1 - fit Fibre 1 - exp. -30 -20 -10 0 10 20 30 Angle vertical (°) 0 0,2 0,4 0,6 0,8 Intensité (u.a) Fibre 1 - fit Fibre 1 - exp. FWHM = 15,5° FWHM = 15,7°

Figure IV.2: Champs lointains verticaux et horizontaux, expérimentaux et ajustés, obtenus en sortie de la fibre 1 avec le laser de la ART 105.

Les champs lointains expérimentaux sont ajustés par une courbe gaussienne dont on déduit la largeur à mi-hauteur (FWHM). Les résultats ainsi extraits sont récapi- tulés dans le tableauIV.2.

Fibre longueur d’onde (µm) FWHM horizontale () FWHM verticale () R

e

F1 5,5 µm 15,5◦ 15,71,01

F2 5,5 µm 12,2◦ 13,61,11

F1 7,5 µm 15,2◦ 15,51,02

F2 7,5 µm 18,3◦ 19,91,09

Table IV.2: Largeurs à mi-hauteur horizontales et verticales pour les deux lasers de la ART105 et de la ART442, pour les fibres F1 et F2. Le rapport d’ellipticité Re est

également affiché.

On vérifie donc bien que la symétrie du champ lointain est grandement améliorée. On obtient des faisceaux qui sont parfaitement circulaires avec la fibre F1 à la fois à 5,5 et à 7,5 µm (Re≈1). Dans le cas de la fibre F2, les faisceaux sont légèrement

asymétrique (Re1, 1), mais davantage circulaire que dans le cas non-fibré. Outre,

la meilleure symétrie du faisceau, sa divergence est également fortement améliorée de manière générale. Ainsi la FWHM verticale du laser ART105 utilisée a été mesuré à 45◦ sans fibre, et diminue à 15,5avec une fibre. On arrive donc à réduire la divergence verticale d’un facteur 3. La divergence horizontale est également réduite, d’un facteur 1,5 à 2. Des résultats similaires sont obtenus avec le laser issu de la ART442.

D’autre part, le but étant de fibrer des QCLs de puissance, nous avons mené des tests de tenue au flux des fibres chalcogénures. À cette fin, nous avons caractérisé deux lasers individuellement, l’un émettant à 4,5 µm et l’autre à 4,75 µm. Les lasers ont ensuite été injectés dans la fibre F3 à faible puissance, puis celle-ci est augmentée

CHAPITRE IV. MISE EN FORME DU FAISCEAU 98 au fur et à mesure jusqu’à destruction du tronçon de fibre. La puissance injectée dans la fibre est déduite du courant de fonctionnement du laser.

Avec le laser à 4,5 µm, la fibre a tenu jusqu’à une puissance de 150 mW, le dispositif expérimental nous empêchant de monter plus haut en puissance. À 4,7 µm, la fibre a fondu pour une puissance de 230 mW au niveau d’une courbure. Le défaut est attribué à une absorption dans la gaine, le mode pouvant y fuir sous l’effet de la courbure. La fibre a ensuite été enduite de graphite, ce qui permet de vider la gaine. La fibre a alors fondu au niveau de sa facette d’entrée avec une puissance injectée de l’ordre de 250 mW.

Malgré les résultats obtenus, le protocole expérimental de tenue de flux doit être repensé. Il nécessite de rapprocher la fibre presque au contact du QCL pour optimiser le couplage. Le risque d’abîmer le laser est alors trop important, le matériau de la fibre peut être projeté dessus en cas de fusion sous trop fort flux. D’autre part, la facette clivée de la fibre présente une réflectivité non-nulle. Une partie du signal est alors réinjecté dans le laser, ce qui perturbe son fonctionnement. Il y a alors une imprécision sur la puissance émise par le QCL. Le taux de signal réinjecté dans le laser par la fibre a été estimé comme étant de 11 à 15% par Jumpertz [162], autre doctorante de l’équipe.

IV.2.3 Conclusion

En conclusion, nous avons montré que l’utilisation de fibres chalcogénures per- met d’améliorer le champ lointain, le rendant quasiment circulaire, et de réduire sa divergence d’un facteur 2 à 3 selon l’axe. De plus, nous avons montré qu’il était possible d’injecter des puissances de l’ordre de 200 mW dans de telles fibres. Ces résultats préliminaires sont très encourageants pour réaliser des QCLs de forte puis- sance ayant une faible divergence. Une architecture envisageable pour augmenter la puissance de sortie est de fusionner plusieurs fibres entre elles, en formant un bundle [163].

Les mécanismes d’absorption et de fuites du mode dans la gaine doivent être étudiés plus profondément afin de pouvoir augmenter les puissances pouvant être transmises avec ces fibres. Les fibres fluorées sont également une option intéressante pour les applications de fortes puissances pour des longueurs d’onde inférieures à 4,5 µm. Elles ont déjà fait leurs preuves en terme de tenue au fort flux optique dans ce domaine spectral [164,165] et sont employées pour réaliser des fibres lasers infrarouges de fortes puissances [166].