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Tableau VII : Pourcentages d'exogamie et d'endogamie selon l'assortiment éducationnel des conjoints, population 

6.1 Mise en perspective des résultats descriptifs

6.1.1 Répartition des appariements éducationnels pour l’ensemble des

immigrants

Nos résultats descriptifs confirment d’abord que l’homogamie domine les assortiments éducationnels de l’ensemble des immigrants, tout comme c’est le cas pour la globalité des Canadiens. De fait, on observe que la proportion d’immigrants ayant le même niveau d’éducation (53 %) est très similaire aux résultats obtenus à l’aide de données de 2001 pour la population canadienne (excluant les minorités visibles), soit 54 %15 (Hou et Miles 2007). En

comparaison, les statistiques sommaires indiquaient qu’à l’intérieur d’un même groupe ethnique seulement 29 % des immigrants avaient le même niveau d’éducation. Ainsi, selon les moyennes observées, malgré un potentiel d’homogamie éducationnelle assez faible à l’intérieur d’un même groupe ethnique, l’homogamie éducationnelle touche plus de la moitié de l’ensemble des immigrants. On voit donc que pour en arriver à des niveaux d’homogamie aussi élevés, les immigrants n’ont pas d’autre choix que de se trouver un conjoint hors de leur groupe ethnique d’appartenance, c’est-à-dire chez les immigrants d’ethnicité tierce ou encore parmi les natifs.

      

15 L’interprétation de cette comparaison doit tenir compte du fait que la population étudiée concerne l’ensemble des Canadiens de 18 à 35 ans qui

6.1.2

Niveau d’endogamie et d’exogamie selon l’ethnicité, le statut générationnel

et les assortiments éducationnels des conjoints.

Pour l’ensemble des immigrants, 31 % forment une union endogame avec un autre immigrant de même ethnicité, équivalent à environ 294 000 personnes, 30 % sont en union mixte avec un immigrant d’ethnicité tierce, soit approximativement 287 000 personnes, et 39 % se trouvent en union exogame avec un natif ce qui correspond à un peu plus de 377 000 individus. Bien que les proportions d’exogamie avec un natif varient selon la défintion des concepts (immigrant, natif, etc.) et selon le contexte (notamment selon la composition ethnique), il est tout de même révélateur de comparer le niveau d’exogamie mesuré dans ce mémoire à celui observé dans d’autres pays. À titre comparatif, en 1992 le niveau d’exogamie des immigrants de 1e génération

et les personnes nées sur le territoire français (les natifs et les immigrants de 2e génération confondus) se situe à 30 % en France (Meng et Meurs 2009); pour des données consolidées allant de 1996 à 2006, le niveau d’exogamie entre les immigrants (de 1e et 2e génération) et les les natifs (de 3e génération et plus) est estimé à 33 % aux États-Unis (Kalmijn et Tubergen 2010); enfin, des données des Pays-Bas collectées de 1988 à 2002 montrent que pour les immigrants (de 1e et 2e génération) du Suriname, des Caraïbes, de la Turquie et du Maroc, le taux d’exogamie moyen avec un natif (3e génération et plus) atteint environ 14 % (Kalmijn et Tubergen 2006).

En considérant que le poids démographique moyen des groupes ethniques s’éleve à 2,28 %, le niveau d’endogamie observé pour l’ensemble des immigrants (31 %) est largement supérieur à ce à quoi l’on pourrait s’attendre si les unions s’opéraient sur une base purement aléatoire. Par ailleurs, les travaux effectués à partir de données américaines (Kalmijn et Tubergen 2010) et norvégiennes (Mohn 2010) examinant les niveaux d’exogamie d’immigrants issus d’une centaine de groupes ethniques, arrivent essentiellement aux mêmes conclusions que celles trouvées dans ce mémoire : les niveaux les plus bas d’exogamie avec un natif apparaissent chez des groupes d’immigrants provenant d’Asie et d’Afrique, tandis que l’exogamie avec un natif est plutôt répandue parmi ceux provenant d’Europe de l’Ouest et d’Europe du Nord. De même, il appert que les immigrants d’Europe de l’Est occupent une position intermédiaire. Ceci semble donc confirmer qu’une partie des variations associées à l’exogamie serait associée à des

caractéristiques homogènes dans le pays d’origine, plutôt qu’à des caractéristiques individuelles ou contextuelles (sociales, économiques, démographiques ou culturelles).

Les analyses bivariées ont aussi révélé des écarts de proportion substantiels selon le statut générationnel et l’appartenance à une minorité visible. En effet, on a noté que de la 1e à la 2,5e génération, le taux d’exogamie avec un natif passe d’un à plus de six immigrants sur dix. Toujours pour les unions mixtes avec un natif, l’écart était aussi important entre les immigrants n’appartenant pas à une minorité visible et ceux de minorité visible (50 % c. 15 %). La relation entre le sexe et le type d’union ne montre pas de différence de proportions évidente. Bien qu’un avantage éducationnel en faveur de l’immigrant semble favoriser les unions mixtes (de 41 % à 43 %), comparativement à l’homogamie éducationnelle (36 et 39 %), les écarts semblent plutôt marginaux. De même, il se trouve une exception révélant que l’union mixte est aussi un peu plus élevée chez les immigrants n’ayant pas de baccalauréat et un niveau inférieur à leur conjoint natif (43 %). Contrairement à Rosenfeld (2005), qui prône la simplicité méthodologique pour ce genre d’analyse en suggèrant l’utilisation d’analyses tabulaires à l’encontre de modèles multivariés, les résultats de nos analyses bivariées ne parviennent pas à mettre en relief de relation claire, alors qu'il est reconnu que l’éducation joue un rôle prépondérant sur l’exogamie. Comme plusieurs facteurs confondants agissent sur la distribution du niveau d’éducation chez les immigrants, les analyses multivariées sont nécessaires afin de statuer avec plus de rigueur sur l’effet des assortiments éducationnels sur l’exogamie avec un natif.

Sommaire

En somme, trois constats principaux ressortent des analyses descriptives : 1) une forte endogamie entre immigrants de même ethnicité au Canada; 2) une homogamie éducationnelle élevée; 3) pas de tendance claire sur l’association entre d’une part l’exogamie d’un immigrant avec un natif ou avec un autre immigrant d’ethnicité tierce, et d’autre part l’homogamie éducationnelle.

Premièrement, environ trois immigrants sur dix ont formé une union endogame au Canada après leur arrivée, malgré des contraintes structurelles importantes (très faible poids démographique par province). Rappelons que les immigrants sélectionnés pour notre analyse avaient au plus 19 ans à leur arrivée au Canada, et qu’à cet âge la grande majorité devrait être célibataire. Ainsi, l’intensité de l’endogamie semble extrêmement forte chez les immigrants et souligne une

frontière conjugale à l’exogamie pouvant provenir de l’intérieur du groupe d’appartenance (désir personnel, influence des personnes tierces, normes sociales, etc.) ou de pression des groupes externes les forçant à s’unir entre eux. De plus, ces niveaux d’endogamie incluent les immigrants de 2e et 2,5e génération qui, tel que démontré, sont fortement portés vers l’exogamie. En ne tenant compte que des immigrants de 1e génération, le niveau d’endogamie semble tout à fait exceptionnel en soi (55 %), même s’il est comparable aux résultats obtenus aux États-Unis (51 %) (Kalmijn et Tubergen 2010), alors qu’en Norvège environ 42 % d’hommes et 36 % de femmes de 1e génération vivaient en union endogame (Mohn 2010).

Deuxièmement, la force de l’homogamie éducationnelle est tout aussi surprenante. En moyenne, seulement trois immigrants sur dix du groupe ethnique d’appartenance possèdent le même niveau d’éducation, alors que plus de la moitié des immigrants forment une union homogame sur le plan éducationnel. L’homogamie éducationnelle est donc très répandue, plus que ce que les contraintes structurelles et la forte propension à l’endogamie notée précédemment auraient laissé supposer. Ainsi, on voit que deux forces majeures génèrent à la fois des comportements d’endogamie et d’exogamie ethnique.

Troisièmement, selon les deux constats précédents, il semble bien exister un lien structurel (ou contextuel) étroit entre l’exogamie et l’homogamie éducationnelle au Canada, mais l’analyse des types d’union selon les assortiments conjugaux ne montre pas de tendance claire à ce sujet. Alors qu’on s’attendrait à voir une certaine dominance de l’homogamie éducationnelle soit dans les unions exogames avec un immigrant d’ethnicité tierce, soit dans les unions mixtes avec un natif, ce n’est pas le cas. L’analyse des données descriptives laisse déjà présager qu’un phénomène modérateur, telle l’hypothétique stratification sociale entre les immigrants et les natifs, intervient dans la tendance globale à l’homogamie éducationnelle.

6.2 Mise en perspective des résultats des analyses multivariées  

Il existe peu d’études traitant du choix conjugal des immigrants, et la littérature est particulièrement limitée lorsqu’il s’agit de modéliser simultanément l’ensemble des déterminants liés à la conjugalité et une mesure des assortiments éducationnels sur l’exogamie immigrant-natif.