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Mise en contexte et hypothèses d’explications des résultats

La revue de la littérature met en évidence un nombre important d’enquêtes en population générales cherchant à mesurer l’usage de substances psychoactives, qu’elles soient internationales, nationales ou régionales. Il existe également des enquêtes françaises et étrangères s’intéressant aux consommations plus spécifiquement dans le milieu festif, électro ou non. Ces différentes études permettent de contextualiser les résultats obtenus, et de vérifier leur concordance (ou non) avec les principales tendances observées antérieurement.

a. Enquêtes en population générales

 Études internationales

Les enquêtes Health Behaviour in School-Age Children(2) (HBSC) 2010 et European

School Survey Project on Alcohol and other Drugs(18) (ESPAD) 2011 étudiaient notamment

les usages de substances psychoactives chez les collégiens (HBSC) et lycéens (ESPAD) dans de nombreux pays occidentaux. L’alcool était la substance prééminente chez les collégiens (83% d’expérimentation, plus d’un 1/3 ayant expérimenté l’ivresse en 3ème

), l’expérimentation de cannabis concernait près d’un élève de 3ème sur quatre, plaçant la France dans le peloton de tête des pays étudiés. Des résultats similaires étaient retrouvés chez les lycéens, les Français étant les premiers usagers récents (24%) de cannabis en Europe, deuxième en terme d’expérimentation (42%). Dans la moyenne en ce qui concerne les usages d’alcools, les

lycéens français étaient dans le haut du classement l’usage récent (38%) de tabac et 2ème au niveau européen pour l’expérimentation (10%) d’une autre drogue illicite que le cannabis.

Cette spécificité française en Europe en terme d’usage de cannabis se retrouvait également dans le rapport 2014 de l’Observatoire Européen des Drogues et Toxicomanies(19) (OEDT), la France étant le deuxième pays derrière le Danemark en terme d’expérimentation (32,1% chez les 15-64 ans). Les Français étaient plus généralement dans le haut du classement en ce qui concerne les autres substances illégales (dominé par les habitants du Royaume-Uni).

 Études nationales

L’enquête ESCAPAD(20) 2011 de l’OFDT étudiait les usages de substances psycho actives à 17 ans au niveau national, à l’occasion de la JAPD. Elle permettait des comparaisons à l’échelle régionale et départementale. Les jeunes Bretons fumaient significativement plus de tabac (36% quotidiennement) et de cannabis (47% d’expérimentation, 25% d’usager récents), buvaient plus d’alcool (14% d’usage régulier). La différence était encore plus marquée pour les API (33% >3/mois) et ivresses, avec un taux d’ivresses régulières (23%), plus de 2 fois supérieur à la moyenne nationale. Les expérimentations de poppers (15%), solvants organiques (8%) et cocaïne (4%) étaient également plus fréquentes en Bretagne.

L’analyse(21) comparative région/moyenne nationale des consommations de substances psychoactives issues du Baromètre Santé 2010(5) de l’INPES va dans le même sens : la Bretagne se caractérisait par des niveaux d’ivresses répétées (14,5%) deux fois supérieurs chez les 15-75 ans. Parmi les 15-30 ans, les profils d’alcoolisation étaient toujours supérieurs à la moyenne nationale que ce soit pour l’ivresse (34% d’ivresses répétées), les API ou l’usage hebdomadaire (42%). L’expérimentation (56%) et l’usage actuel (25%) de cannabis y étaient également plus fréquents, ainsi que la diffusion du poppers (16%), des champignons

hallucinogènes (9%), de la cocaïne (10%) et de l’ecstasy (11%). Si la cocaïne était le 2ème produit illégal le plus consommé en France, elle était dépassée en Bretagne par la MDMA.

 Études régionales

Réalisées sous l’égide de l’ORS, différentes enquêtes ont étudié les usages de substance psychoactives chez les jeunes scolarisés(22) (2007), les étudiants(23) (2006) et les jeunes reçus dans les missions locales(24) (2009). Les résultats pour les usages d’alcools étaient comparables avec ceux de l’enquête ESCAPAD, légèrement supérieurs pour le cannabis.

b. Enquêtes spécifiques sur le milieu festif

 Études françaises

En 1999, dans le cadre des Missions Rave, l’association Médecins du Mondes a réalisé une enquête ethnographique quantitative par le biais de questionnaires dans huit régions de France. Elle portait sur 949 participants à différents types de fêtes de la sphère techno (du club payant à la free party illégale). La population interrogée (qui se résumait principalement au public de l’association) se caractérisait principalement par une expérimentation très répandue de cannabis (9/10ème), de l’ecstasy (70%) et du LSD (63%). Les autres drogues dont l’expérimentation était relativement répandue étaient la cocaïne (56%), les plantes hallucinogènes (45%), le poppers (42%) et l’opium/rachacha (35%). Les substances étaient plus volontairement consommées chez les participants aux manifestations « non-officielles ».

En 2001, L’OFDT a réalisée en enquête(25) de type ethnographique (immersion et observation participante lors de 44 évènements musicaux) sur les consommations de produits psychoactifs dans les milieux festifs de la culture rock. Cette étude qualitative montrait que les drogues les plus fréquemment consommées à l’occasion des rassemblements rock étaient l’alcool, le tabac et le cannabis. Suivaient l’ecstasy et le poppers, et de manière plus marginale

cocaïne, crack, héroïne et LSD. La consommation de substances illégales autres que le cannabis apparaissait liée à la temporalité de l’événement (plus importante lorsque l’événement durait plusieurs jours en week-end, type festival), et à la rupture plus ou moins grande avec le quotidien qu’il en découle. Par ailleurs, plus le style musical était « grand public », plus les concerts étaient de grande taille, moins on observait en proportion de consommations de substances psychoactives (dilution des usagers, contrôle social). A l’inverse, plus le style musical était réservé aux initiés, plus le concert était de petite taille, plus le public était homogène et plus l’excès était présent (concentration des usagers, consommation « approuvée » socialement).

Entre 2003 et 2005 l’OFDT a réalisé une enquête(6) ethnographique quantitative (1496 questionnaires exploités) sur les consommations de substances psychoactives chez les différents amateurs de l’espace festif Electro (clubs, soirées urbaines, festivals, rave et free parties). Les taux d’usages les plus élevés concernaient le cannabis (95,1% d’expérimentation, 68,5% d’usage récent, 44,2% d’usage quotidien), l’ecstasy (70,4% d’expérimentation, 32,4% d’usage récent), et la cocaïne (65,3% d’expérimentation, 34,6% d’usage récent). Suivaient ensuite les champignons hallucinogènes (60,9%), les amphétamines (51,3%), le LSD (50,7%), le poppers (50,3%). Les substances les moins retrouvées étaient l’opium/rachacha, l’héroïne (26,5%) le crack (24,3%) et la kétamine (19,6%). Les usages étaient plus marqués chez les participants aux évènements alternatifs ou illégaux.

Le dispositif national Tendances Récentes et Nouvelles Drogues (TREND) a été mis en place par l’OFDT en 1999 dans l’objectif d’identifier et de décrire l’évolution des tendances et des phénomènes émergents liés à l’usage de produits illicites. Il s’appuie sur un réseau de sites sentinelles réparties en France dont Rennes, et émet des rapports locaux et nationaux annuellement. Il s’agit de synthèses d’observations de l’espace urbain et l’espace festif,

techno principalement, complétées par des focus groupes avec divers professionnels impliqués dans les toxicomanies. Différents phénomènes marquants apparaissaient dans le rapport(7) 2012 : l’engouement concernant la MDMA était important, confirmant les tendances des années précédentes. Sa présence ne se limitait plus à l’espace festif alternatif. L’image de ce produit semblait être extrêmement positive, supplantant la cocaïne comme « produit phare » de la fête. Le crack, l’héroïne et la kétamine avaient des images très négatives en dehors du cercle des usagers. Enfin, la circulation des NPS était difficile à estimer.

 Etudes internationales

Une enquête(26) par questionnaire (n = 157) a été réalisée en 1999 au festival belge de Dour, à un stand de prévention et de testing tenu par une association d’usagers de drogues. Malgré d’importants biais de sélection, les résultats en terme de consommation de substances psychoactives étaient « au-delà de tout soupçon » : 88% des usagers consommaient du cannabis, la moitié du LSD, des amphétamines, de l’ecstasy et de la cocaïne. Les usages d’héroïne et de crack étaient moins fréquents.

Une enquête(27) australienne a étudié les taux d’usage de drogues illégales chez les participants d’un festival à Melbourne, par le biais de questionnaires (n=5000) entre 2005 et 2008. Le cannabis était la drogue la plus expérimentée (62%), suivi par l’ecstasy (32%), les amphétamines (26%), la cocaïne (17%) et les produits à inhaler (6%). Le même classement s’appliquait aux usages récents : cannabis (36%), ecstasy (21%), amphétamines (15%), LSD ou autres hallucinogènes (7%) et cocaïne (6%).

Une méthode complémentaire des enquêtes épidémiologiques classiques a été utilisée dans une autre enquête australienne concernant les usages journaliers de drogues lors d’un

festival en 2010 et 2011 : l’analyse journalière des résidus de drogues dans les eaux usées (le festival avait son propre système de traitement d’eau). Les résultats(28) mettaient en évidence une consommation importante de cannabis et de MDMA, une consommation limitée de metamphétamines et de cocaïne. La MDMA n’était pas limitée aux scènes techno/électro, ces styles n’étant pas représentés lors de ce festival.

c. Hypothèse d’explication des résultats

Les jeunes Bretons se démarquent de la moyenne nationale en terme de consommation d’alcool (ivresses et « binge drinking »), de cannabis et d’usage de nombreuses autres substances illégales ou non, notamment le poppers, l’ecstasy/MDMA et la cocaïne. Les festivals, nombreux en Bretagne, constituent des espaces particulièrement propices à la consommation de produits psychoactifs. En matière d’usage de drogue, on y observe de forts écarts avec la population générale. Si les résultats de cette étude sont à prendre avec précaution, du fait d’importants biais (de sélection et d’information notamment), il est possible d’en tirer certaines tendances. Les consommations de substances légales (alcool, tabac, poppers) des festivaliers sont supérieures à celles retrouvées en population générale, en particulier en ce qui concerne l’alcool. Le cannabis était, de loin, la première substance illégale consommée. Rares étaient les festivaliers ne l’ayant jamais expérimenté, plus de la moitié en ayant fumé dans le mois. L’expérimentation du poppers, de nouveau légal, était importante, ses usages récents l’étaient moins. Deux substances issues de milieux socio- culturels différents (milieu free party pour l’ecstasy, milieu « branché » pour la cocaïne) et dont la diffusion s’est élargie à la fin des années 1990 étaient fréquemment consommées par les participants des festivals finistériens. L’expérimentation de MDMA, « produit phare » de la fête, dépassait celle de cocaïne, et atteignait des niveaux rencontrés dans les milieux festif techno, notamment à Astropolis, festival directement issu du mouvement alternatif français des années 1990. Sa diffusion concerne aujourd’hui l’ensemble des milieux festifs musicaux,

en France comme à l’étranger. Derrière ces deux produits dont les usages se banalisent, les substances hallucinogènes (champignons hallucinogènes et LSD dans une moindre mesure) et les amphétamines avaient été expérimentées par plus du quart des personnes interrogées. La diffusion internationale de la metamphétamine ne semblait pas concerner le public français. Certains produits (crack, héroïne, kétamine), dont l’image reste diabolisée chez les non- consommateurs, restaient principalement cantonnés au milieu alternatif.

Les importantes différences retrouvées entre les festivals peuvent s’expliquer notamment à travers le prisme des styles musicaux et de la taille. Les résultats du festival des Vieilles Charrues sont à mettre en rapport avec programmation « tout public » et à sa taille démesurée (phénomène de dilution). Ce raisonnement aurait pu dans une moindre mesure s’appliquer au Bout du Monde, où l’on retrouvait certains taux étonnement élevés, probablement imputables à un fort biais de sélection. Pour ces deux festivals, des études futures de taille plus conséquente pourraient apporter de précieuses informations. A l’inverse, la taille plus modeste d’Astropolis et de Panoramas, et leur programmation résolument électronique, style dont la sortie de la radicalité a accompagné la diffusion de nombreuses substances psychoactives, peuvent apporter à l’inverse des explications quant aux forts taux retrouvés dans l’enquête. Toutefois, si l’usage de substances psychoactives et les musiques électroniques sont associés depuis l’époque des premières rave parties, l’enquête et la littérature montrent que leurs diffusions concernent désormais une population beaucoup plus large que celles des amateurs de musique techno.

3. La réduction des risques en milieu festif, la place de la médecine

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