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Mise en évidence d’une perte d’abattement

Chapitre I. Etat de l’art

8. Mise en évidence d’une perte d’abattement

Une diminution de l’abattement peut être observée sur une membrane par rapport au LRV mesuré sur une membrane dite de référence dans les mêmes conditions opératoires. Ce transfert en virus inattendu sera appelé par la suite « fuite en virus ».

8.1. Présence de défauts dans la structure membranaire

La présence de fuite en virus a été observée sur les membranes de filtration au cours de différentes études. La principale explication est donnée par la présence de défauts sur les membranes.

La présence de défauts peut être due à des imperfections dans la structure de la membrane et/ou du module générées lors de la fabrication ou provoquées par les conditions d’utilisation. En effet, des pores anormalement gros non inclus dans la distribution principale de tailles de pores, peuvent être créés au cours du procédés de polymérisation [41]. Parallèlement un empotage lors de la fabrication d’un module mal réalisé peut générer des fuites en virus [74].

Sur site, les lavages chimiques souvent appliqués peuvent transformer la chimie de surface des membranes et détériorer graduellement leur intégrité. Une diminution des performances de la membrane en termes de rétention de microorganisme (MS2) a été remarquée dés l’initiation du processus de vieillissement [70;75]. La dégradation du matériau membranaire peut aller jusqu’à la rupture de la membrane. Ainsi, le taux annuel de rupture de fibres sur site de production d’eau potable est estimé à 10-6-10- 4 fibres/an/site, soit environ 1 fibre cassée/module/an [76].

8.2. Mise en évidence de fuite en virus

Des pores anormalement gros ne laissant pas pour autant passer des bactéries ou des protozoaires (trou d’épingle), peuvent être présents dans la structure entraînant le passage de virus [29].

65 Une étude a montré une fuite en bactériophage X174 sur des membranes de seuil de coupure de 100 et 500 kDa, les LRV obtenus étant respectivement de 4,78 et 3,65. En effectuant un prétraitement des membranes avec des particules de latex de diamètre 0,11 m, une augmentation du LRV de 1 Log10 quelle que soit la membrane

est observée, ainsi en combinant des particules de latex de 0,11 et de 0,50 m le LRV sur une membrane 100 kDa augmente de 2 Log10 [74]. Ce qui montre que la taille des

trous est très petite et que la filtration de bactéries (1 m) ne va pas permettre de les détecter forcément.

Lors d’une étude de filtration du phage Q sur une membrane UF, bien que la taille de Q soit bien supérieure à celle de la distribution principale de tailles des pores de la membrane, la présence de Q est détectée dans le perméat [29], les raisons permettant d’expliquer ce phénomène est la présence de pores anormalement gros. Enfin, la présence d’un trou supérieur à 100 m (représentant seulement 0,003% de la surface membranaire) impacte fortement la rétention de MS2. Les caractéristiques (MF/UF ou hydrophile/hydrophobe) des membranes n’ont alors plus d’importance sur la rétention de MS2, toutes les membranes ont un LRV très bas (figure I.17) [46].

Figure I.17. Valeur absolue du logarithme de la concentration en phages MS2 infectieux dans le perméat (C) (pour un volume déterminé dépendant de la surface membranaire) sur la

concentration en phages infectieux au temps 0 dans l’alimentation (C0) sur différentes

membranes hydrophiles ou hydrophobes intègres ou compromises avec un défaut de 100 m environ à pH 6,5 et avec une suspension contenant 0,01 M NaCl [46].

8.3. Sensibilité des méthodes de caractérisation à la présence de défauts

L’estimation du seuil de coupure (MWCO, Molecular Weight Cut Off) ou de la taille moyenne des pores d’une membrane de filtration est communément menée par l’analyse d’expériences de filtration de molécules modèles comme le Dextrane ou le

Log10 (C/C0) 0 défaut 1 défaut UF hydrophile UF hydrophobe MF hydrophile MF hydrophobe

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PEG/PEO (Polyéthylène-glycol ou Polyéthylène-oxide ) [21;44;59;67] ou encore des protéines.

Il a été démontré dans certaines études publiées tant sur la rétention de virus que de bactéries [70;75] que la présence de défauts dans structure poreuse de la membrane peuvent ne pas être révélés par les mesures de rétention de traceurs. Urase et al. (1994) ont mené une campagne d’essais sur diverses membranes d’ultrafiltration et ont observé une absence de corrélation entre la rétention de PEG 20 kg/mol (diamètre 6,5 nm) et celle du phage Q (diamètre 25 nm).

En effet, si pour un bactériophage et un matériau membranaire donnés, le LRV augmente quand le seuil de coupure décroît, on ne peut pas, à partir de ce dernier, prévoir le premier. Les quelques pores suffisants pour laisser passer un petit nombre de virus peuvent ne pas représenter une proportion suffisante du transfert de matière pour que le PEG ou le Dextrane qui les traverse soit détecté dans le perméat.

En effet, si on est capable de détecter 30 virus dans 1 mL (seuil de quantification démontré dans le chapitre II, paragraphe 3.1.1.3), cela représente 3 104 particules/L.

Lorsque l’on détecte la présence de PEG/PEO dans le perméat, la limite de détection est de 1 mg/L. En supposant qu’il s’agit de PEO 100 000 g/mol (rayon hydrodynamique environ de 16 nm), cela représente une concentration molaire de 10-8 mol/L, qui correspond à 6 1015 molécules/L.

Il y donc une différence de 11 ordres de grandeur entre les sensibilités des méthodes de détection de PEG/PEO et de virus.

Ainsi pour pouvoir justifier d’un LRV de 5, il faudrait que la concentration en PEG/PEO dans le rétentat soit de 100 g/L (limite de détection du perméat étant de 1 mg/L), or nous savons qu’à cette concentration le PEG est difficilement soluble dans l’eau, et que le colmatage induit par la filtration modifierait les membranes.

De plus, le seuil de coupure (rétention de Dextranes) et les perméabilités comparés sur des membranes intègres et altérées (pointe de tungstène) par la présence d’un défaut inférieur à 50 m ne semblent pas différents [77]. Ces techniques très souvent utilisées ne sont pas suffisamment sensibles à la présence de défauts dont les

67 dimensions sont susceptibles de laisser passer des microorganismes. Ainsi, les polymères synthétiques (Dextranes ou PEG) ne peuvent être utilisés dans le but de prédire la capacité de rétention d’une membrane vis-à-vis d’un virus. Nous nous attendons tout au plus à ce que l’abattement en virus varie dans le sens inverse du MWCO.

MS2 a alors été proposé dans de nombreuses études comme mime pour évaluer les rétentions de virus pathogènes par la filtration membranaire [21;59;67;78].

Par ailleurs, l’utilisation en filtration de différentes tailles de bactériophages pourrait permettre d’estimer la taille de pores anormalement gros, ainsi si la rétention de T4 (80 nm) est complète et que Q (25 nm) est retrouvé dans le perméat, alors le diamètre des pores anormalement gros se situerait entre 25 et 80 nm (taille de T4) [70].

Dans cette étude, nous comparerons la sensibilité des méthodes de rétention de solutés modèles comme les PEG ou encore les Dextranes avec le protocole de filtration de bactériophages que nous aurons mis au point.