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Chapitre I. Etat de l’art

2. Virus et bactériophages

2.2. Les bactériophages

Découverts par Twort en 1915 et D’Hérelle en 1917, les bactériophages (ou phages) sont des virus bactériens. Ils sont présents partout où il y a une vie bactérienne et peuvent également être retrouvés dans le milieu hydrique. La présence de certains

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bactériophages, tels que les coliphages dans les selles de l’homme suggère que ces organismes pourraient constituer de bons indicateurs de contamination fécale [10]. Ainsi, il a été proposé ces dernières années d’utiliser les bactériophages comme indicateurs de contamination virale du milieu hydrique mais aussi comme indicateurs d’efficacité des procédés de désinfection des eaux. Kott a ainsi résumé les arguments qui militent en faveur de l’utilisation des coliphages comme indicateurs de la présence de virus (tableau I.2).

1- Les phages se trouvent abondamment dans les eaux résiduelles et dans les eaux contaminées.

2- Les populations de coliphages sont plus grandes que celles des entérovirus. 3- Les coliphages sont incapables de se reproduire hors de la bactérie-hôte. 4- Les coliphages peuvent être isolés et numérés par des méthodes simples. 5- L’intervalle de temps écoulé entre l’échantillonnage et le résultat final est plus

court pour les coliphages que pour les entérovirus.

6- Certains coliphages sont aussi résistants à l’inactivation et la désinfection que les entérovirus.

Tableau I.2. Arguments en faveur de l’utilisation des coliphages comme indicateurs de virus humains dans l’environnement d’après Kott, 1981 [10].

2.2.1. Structure

Certains bactériophages présentent une architecture analogue aux virus entériques pathogènes. Les phages à ARN sont plus stables que les phages à ADN [11]. Les phages possèdent toutes les propriétés des virus, en particulier le pouvoir infectieux. Comme tout virus, les bactériophages nécessitent un hôte spécifique, en l’occurrence une bactérie (Escherichia coli). Leur taille varie de 25 à 120 nm environ alors que leur hôte, E.coli est un bacille de 2 à 6 m.

2.2.2. Classification

Trois catégories de bactériophages fécaux ont été proposées en tant qu’indicateurs alternatifs de pollution fécale d’origine virale dans le milieu hydrique : il s’agit des coliphages somatiques, des phages de Bacteroides fragilis et des bactériophages à ARN F-spécifiques ou à ADN F-spécifiques. Ces phages infectent spécifiquement les bactéries du tractus intestinal et sont excrétés en très grande quantité dans les

17 matières fécales. Ils sont ensuite disséminés dans l’environnement comme les virus entériques pathogènes.

 Les coliphages somatiques représentent un groupe très hétérogène de phages à ADN. Ils infectent E.coli par l’intermédiaire de récepteurs spécifiques localisés au niveau de la paroi bactérienne.

L’infection de la bactérie hôte Bacteroides fragilis s’effectue de la même manière que pour les coliphages somatiques, c'est-à-dire à partir d’un récepteur situé au niveau de la paroi. C’est une bactérie qui fait partie de la flore anaérobie dominante du tractus intestinal de l’homme et des animaux.

 Enfin, les coliphages ARN F-spécifiques et ADN F-spécifiques regroupent quant à eux les phages provenant respectivement des familles Leviviridae et Inoviridae. Ces phages se fixent sur les pili sexuels de la souche mâle d’E.coli. Les pili (pluriel de pilus) sont formés chez certaines cellules d’E.coli porteuses d’une information génétique particulière.

Le Comité International de taxonomie des virus a classé les bactériophages en plusieurs familles (tableau I.3). Leur morphologie peut être très simple comme celle des Leviviridae (f2, MS2) qui ne comporte qu’une capside icosaédrique avec une seule protéine et une ARN polymérase associée à l’ARN, ou bien compliquée comme celle des Myoviridae (phage T-pair) qui comprennent une capside icosaédrique reliée par un collier à une queue contractile, dont l’extrémité est constituée par une plaque basale associée à des spicules et des fibres. Leur taille oscille entre 20 nm (Leviviridae) et 110x20 nm (Myviridae) [10].

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Tableau I.3. Classification et caractéristiques des principaux groupes de bactériophages rencontrés dans le milieu hydrique [10].

Les bactériophages, bien qu’ils partagent des caractéristiques morphologiques avec certains virus animaux, ne sont pas pathogènes pour l’homme et les animaux.

Les coliphages somatiques, les bactériophages F-spécifiques ou encore les bactériophages infectant Bacteroides fragilis peuvent être isolés avec un pourcentage significatif dans les échantillons de l’eau potable où aucun coliforme fécal n’est isolé. Les coliphages F-spécifiques ont une persistance intermédiaire entre les coliphages somatiques et les phages infectant B. fragilis [12].

2.2.3. Méthode de réplication

Les bactériophages ne peuvent se multiplier qu’à l’intérieur d’une cellule hôte constituée par une bactérie métaboliquement active. La limite de spécificité d’un phage va surtout dépendre de sa cellule hôte. Ainsi, certains phages ne peuvent se multiplier que dans une souche donnée d’E.coli alors que d’autres phages sont susceptibles de se reproduire dans de nombreuses souches différentes d’E.coli. Cette

19 spécificité des bactériophages est déterminée par la nature des récepteurs situés à la surface cellulaire [10].

Le mode de multiplication des phages ne diffère pas fondamentalement de celui des virus animaux, mais il est adapté aux cellules-hôtes. Les différentes étapes de la réplication des bactériophages sont schématisées sur la figure I.2, et sont décrites ci- dessous [10]:

- Adsorption ou fixation du phage sur des récepteurs situés à la surface de la bactérie. Les récepteurs sont des protéines de membrane, des lipopolysaccharides, des flagelles ou des pili sexuels.

- Pénétration de l’acide nucléique dans la bactérie suivant des mécanismes variables selon le type de phages. En fonction de la nature du phage, peut alors se produire le cycle lytique (phages virulents, présentés figure I.2) ou le cycle lysogénique (phages tempérés).

- Au cours du cycle lytique, le génome phagique provoque la synthèse par la bactérie infectée des divers constituants viraux, ainsi que la réplication de l’acide nucléique. Il y a ensuite assemblage des constituants, encapsulation de l’acide nucléique et formation de nouveaux phages.

- Les bactériophages néoformés sont ensuite libérés par lyse de la bactérie-hôte (à l’exception des phages appartenant à la famille des Inoviridae). La durée d’un cycle lytique est variable : elle est par exemple de 20 minutes pour un phage T4. Le nombre de phages libérés par une bactérie infectée varie de 200 pour les Myoviridae jusqu’à plusieurs milliers pour les Leviviridae.

Dans le cas des phages virulents responsables du cycle lytique, certaines souches- hôtes présentent une grande stabilité génétique des récepteurs et par conséquent toutes les cellules bactériennes sont sensibles et susceptibles d’être infectées. Le taux d’infection dépend donc de la densité respective des bactéries et des phages.

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Figure I.2. Schéma de la réplication des bactériophages (cycle lytique).

2.2.4. Les bactériophages ARN F-spécifiques

Les bactériophages à ARN F-spécifiques ont été plus particulièrement étudiés dans notre travail, ils appartiennent à la famille des Leviviridae. Ils ne possèdent pas d’enveloppe et sont constitués uniquement d’une capside. Ces bactériophages, considérés comme représentant un bon modèle du devenir des virus dans le milieu hydrique, sont souvent utilisés par les fabricants de membranes lorsque des tests d'abattement sont effectués. Par ailleurs, ces bactériophages de 10 à 30 nm de diamètre font partie des virus les plus petits connus à l’heure actuelle. Ils ont une structure et une taille voisine des virus entériques pathogènes pour l’homme (Norovirus, virus de l’hépatite A, Enterovirus…). De plus, les bactériophages à ARN F- spécifiques sont non pathogènes pour l’homme et leurs méthodes d’amplification et de dénombrement sont beaucoup plus simples que celles employées dans le cas de virus pathogènes.

21 La famille des Leviviridae contient deux genres : les Levivirus et les Allolevivirus, répartis en quatre génogoupes (groupe I, II, III et IV). La taille du génome des

Allolevivirus est plus grande que celui des Levivirus (génome de MS2 et Q respectivement égal à 3569 et 4160 nucléotides). Cette répartition a été établie en partie à partir de tests sérologiques [2]. Ainsi, les phages MS2 et GA appartiennent au genre Levivirus alors que Q et SP font partie du genre Allolevivirus (tableau I.4).

Famille Genre Génogroupe Souches

Leviviridae Levivirus Génogroupe I MS2

Génogroupe II GA

Allolevivirus Génogroupe III Q

Génogroupe IV SP

Tableau I.4. Classification des Leviviridae [2].

Les groupes II et III sont prédominants dans les sources humaines alors que les groupes I et IV sont plus abondants dans les sources animales. La persistance dans l’environnement ou après des procédés de désinfection est différente en fonction du groupe, une plus grande durée de vie est observée pour les groupes I et II, les bactériophages des groupes III et IV sont moins résistants à tous les traitements [13;14]. Le groupe II est le plus abondant dans les échantillons d’eaux de rivière analysés, suivis par les groupes I, III et IV [15].