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LE LOUP,UN SUJET INTERACTIF DANS LE MONDE DES KIRGHIZ

L A MISE BAS

Après une gestation qui dure entre 60 et 65 jours, la louve donne naissance à une portée de un à treize louveteaux avec une moyenne de six louveteaux par portée (Kreeger 2003). Au Kirghizstan, la mise bas a lieu au printemps, mais il semble que les naissances s’étalent sur une période qui va du mois de février au mois de mai, en fonction du lieu et des informateurs :

Au 24 décembre, ils ont leur saison des amours qui commence et ils ont leurs enfants au mois de février (2003 : 80)

Ils s’accouplent en janvier, ils mettent bas au mois d’avril. Ils mettent bas jusqu’au 15 avril (2003 : 1)

Ils mettent bas à partir du 20 avril et à la fin du mois de juin les louveteaux peuvent déjà commencer à jouer en entrant et en sortant de la tanière (…) (2003 : 69)

Ils mettent bas au mois de mai (2004, 15 : 101)

Dans la mesure où certains informateurs distinguent des différences entre les individus pour la saison des amours en fonction de l’âge, cette différence se retrouve bien évidemment dans la période de mise-bas :

À partir du 10 avril, les grands commencent à mettre bas. À partir du 20 avril, jusqu'au mois de mai, les jeunes commencent à mettre bas » (2004, 23 : 186)

La connaissance que les éleveurs ont de la période approximative de mise-bas, associée à celle qu’ils ont de la période du rut, leur permet de déduire la durée de gestation avec une certaine précision :

Début mars ils ont leurs enfants, la femelle est enceinte pendant 3 mois (2003 : 16)

Les loups ont leur saison des amours en février et leurs petits au mois d'avril. Ils portent leurs petits pendant deux mois et au troisième mois ils mettent bas (2004, 7 : 29)

Ils portent les enfants pendant 57 jours, puis au mois de mars, ils mettent bas (2004, 18 : 126) LES SOINS AUX LOUVETEAUX

Avec la mise-bas, la vie familiale de la meute commence à s’organiser autour des louveteaux et mobilise les deux parents et les jeunes loups des années précédentes s’ils sont restés au sein de

la meute124. Dans les premiers temps de la mise-bas, la femelle reste au terrier et est alimentée

par le mâle125 :

Après avoir mis bas, la mère reste pendant 20 jours dans la tanière, elle ne sort pas. C’est le mâle qui apporte à manger. Il mange et il vomit. (2003 : 57)

Quand ils mettent bas, la femelle ne sort pas du terrier et le mâle apporte à manger . Par exemple, quand il mange le mouton, il met la viande dans la panse (karyn) et il apporte aux louveteaux et à la louve. (2004, 5 : 18)

Après une période d’allaitement, les louveteaux se nourrissent d’aliments régurgités puis de morceaux de viande rapportés à la tanière126 :

Quand les loups mettent bas, tout d'abord ils nourrissent leurs enfants avec le lait et quand ils n'ont plus assez de lait, ils mangent les moutons. Le loup en mange assez, en coupant en petits morceaux et après il revient chez lui et il vomit à ses enfants. En vomissant, il apprend à ses enfants à manger la viande. Quand les enfants grandissent, ils prennent les morceaux de viande et ils les font manger à leurs enfants en les ramenant au terrier. Les loups nourrissent leurs enfants ainsi. (2004, 23 : 187)

Après un temps durant lequel elle reste avec les louveteaux, la mère part à la chasse avec le mâle127 et ils régurgitent tous les deux de la viande à leur retour :

Quand la femelle reste avec les enfants, le mâle mange et il vomit à la femelle, et quand les louveteaux grandissent, quand ils ouvrent les yeux, les deux parents sortent et ils mangent les poulains, les veaux, les agneaux et ils vomissent aux enfants. (2004, 25 : 195)

Après 15-20 jours, la mère commence aussi à chasser. Tous les deux ils mangent et ils vomissent pour leurs louveteaux (2003 : 57)

124 Une fois que les louveteaux sont nés, la vie sociale de la meute s’organise autour de la tanière (Jedrzejewski et al. 2001; Mech

1970). En effet, les louveteaux ont besoin de soins et d’alimentation de manière régulière et les parents doivent retourner aux louveteaux aussi souvent que possible après leur recherche de nourriture (Packard 2003). Les autres loups de la meute sont aussi liés à la tanière dans la mesure où ils contribuent aux soins et à la nourriture apportés aux louveteaux mais vraisemblablement aussi pour maintenir le lien entre eux et avec le couple reproducteur.

125 La mère est souvent la seule à participer directement aux soins des louveteaux durant le premier mois. Elle reste d’ailleurs avec

eux pendant les trois ou quatre premières semaines (Harrington and Mech 1982). Elle leur fournit le lait et la chaleur dont ils ont besoin, mais elle maintient également la tanière sèche et propre (Packard 2003). Le père, lui, apporte plutôt une contribution indirecte. Il rentre d’ailleurs rarement dans la tanière. Il assure la sécurité autour de celle-ci et passe beaucoup de temps à la chasse (Harrington and Mech 1982) afin d’assurer l’approvisionnement de la femelle allaitante (Packard 2003). Le mâle nourrit la femelle en lui apportant de la nourriture transportée dans la gueule ou en régurgitant de la nourriture ingérée, ce qui fait dire à Mech qu’il existe une division du travail au sein de la meute (Mech 1999), au moins dans un premier temps. Par la suite, la différence entre mâle et femelle s’estompe et les deux participent à la chasse, mais la femelle continue de prodiguer plus de soins à sa progéniture que le mâle (Harrington and Mech 1982; Mech 1999, 2000a)

126 Après 20-24 jours, les louveteaux deviennent plus mobiles et entrent dans la période de socialisation (Packard 2003). C’est dans

cette période qu’ils commencent à consommer de la nourriture solide (Mech 1970), bien que le sevrage n’interviennent qu’au bout de 5 à 9 semaines (Packard 2003).

127 Une fois que les louveteaux commencent à sortir de la tanière, le mâle comme les autres membres de la meute leur régurgitent de

la nourriture, la mère essayant parfois de subtiliser un morceau de viande. Dès que cette dernière recommence à partir en chasse avec les autres, elle régurgite également de la nourriture pour les louveteaux à son retour (Packard 2003).

Les soins apportés aux louveteaux par chacun des parents conduit les Kirghiz à faire le rapprochement avec l’attention qu’eux-mêmes portent à leurs enfants qui, dans leur plus jeune âge, sont le centre d’intérêt de toute la maison :

Ils mettent bas dans des terrier (ünkür) et parmi les buissons. Après avoir mis bas, le loup a faim et il attaque les bêtes des alentours. Ils essayent de nourrir leurs louveteaux comme les gens, ils leur donnent à manger, ils les nourrissent avec leurs mamelles, ils leur donnent la viande qu’ils ont récupérée (…) (2004, 29 : 229)

Les loups suscitent même l’admiration des Kirghiz par leurs capacités à faire obéir leurs louveteaux, preuve supplémentaire de l’intelligence des loups. En effet, lorsque les parents partent chasser tous les deux, la mère mord légèrement les louveteaux afin qu’ils se tiennent tranquilles le temps de la chasse et ne s’aventurent pas hors du terrier128 :

Quand ils partent en chasse, le mâle et la femelle, ils mordent les chiots et ils ne quittent jamais le terrier. Voyez comme ils sont intelligents ! Par exemple, nous disons aux enfants de ne pas sortir dehors et ils sortent, tandis que les loups disent ça aux chiots et ils ne sortent pas de leur terrier. Ça c'est une intelligence du loup. (2004, 8 : 34)

Lorsque les louveteaux sont plus âgés, ils quittent le terrier et les parents les amènent alors sur des endroits plus ou moins éloignés, souvent rocheux et qui permettent aux louveteaux de se cacher129 et de fuir facilement. Les louveteaux restent alors sur ces lieux où les parents les retrouvent au retour de la chasse :

Ils repèrent les endroits pour mettre bas et ils s’en vont et les louveteaux grandissent très vite et ils les prennent avec eux. Dès qu’ils grandissent un petit peu, ils les laissent sur les endroits rocheux. Ils leur donnent à manger là-bas (…) (2004, 22 : 169)

Les louveteaux sont alors déjà grands et bientôt commence pour eux la phase d’apprentissage.