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CHAPITRE I : ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE

3.2 Utilisation du sécrétome de Trichoderma reesei

3.2.5 Mise en œuvre de l’hydrolyse enzymatique

Le cocktail cellulolytique de T. reesei est certes efficace, mais son utilisation en vue d’une application industrielle nécessite de prendre en compte un certain nombre de facteurs qui peuvent influencer la vitesse initiale de l’hydrolyse ou le taux de conversion final du substrat en sucres. Une hydrolyse enzymatique se déroule en effet typiquement selon trois phases : elle débute par une première phase, assez courte, de conversion rapide, puis la réaction ralentit dans la phase intermédiaire, et dans la dernière phase le taux de conversion n’évolue quasiment plus. Malgré des temps d’hydrolyse longs et des doses de cellulases élevées, ce taux maximum reste très souvent inférieur à 100%, ce qui signifie qu’une partie de la cellulose ne peut pas être hydrolysée (Figure 24).

Figure 24 : Déroulement typique de l’hydrolyse enzymatique de la cellulose (Arantes and Saddler, 2011)

Le ralentissement de l’hydrolyse et son arrêt prématuré sont des problèmes majeurs, et plusieurs facteurs en lien avec la composition et la structure physique du substrat peuvent jouer un rôle important. Pour Arantes and Saddler (2011), le facteur limitant est celui de la surface de cellulose accessible aux cellulases, à la fois à l’extérieur des fibres et à l’intérieur, grâce à des pores et des fissures. Cette surface accessible dépend largement de la méthode de prétraitement utilisé, puisqu’elle peut faire varier la taille des particules de substrat et le volume des pores, ainsi que le degré de polymérisation de la cellulose et sa cristallinité. La topologie de la surface de la cellulose est également importante, puisque des obstacles peuvent bloquer l’avancée des cellulases processives sur la chaine, créant des embouteillages qui ralentissent l’hydrolyse (Igarashi et al., 2011). D’autres facteurs de ralentissement sont liés à la quantité d’hémicelluloses et de lignine restantes après

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le prétraitement, celles-ci pouvant couvrir les fibres de cellulose et diminuer leur accessibilité ; les cellulases peuvent également s’adsorber sur des particules de lignine et perdre ainsi leur activité. Enfin, selon l’efficacité du lavage qui a suivi le prétraitement, des produits issus de la lignine tels que l’acide formique peuvent être présents et inhiber les cellulases (Jørgensen et al., 2007a).

Un paramètre essentiel de l’hydrolyse est la concentration de substrat solide utilisée. Il est en effet essentiel pour la viabilité économique du procédé de travailler à des fortes concentrations de solide, qui permettent une économie d’eau et d’énergie, ainsi qu’une augmentation de la concentration de sucres puis d’éthanol dans le milieu, ce qui facilite sa récupération et sa distillation. Cependant il a été observé que le taux final de conversion décroit de manière linéaire lorsque l’on augmente la concentration de solide, ce qui est un frein à l’utilisation de telles conditions dans les procédés industriels (Kristensen et al., 2009). Plusieurs hypothèses ont été formulées pour expliquer cette limitation de l’hydrolyse. La phase aqueuse étant essentielle au transport des enzymes vers leur substrat et à l’évacuation de leurs produits, une limitation du transfert de masse dû à la viscosité importante du mélange pourrait limiter l’efficacité de l’hydrolyse. Cette viscosité rend l’agitation du milieu réactionnel dans un réacteur classique difficile au-delà d’une concentration de 10 à 15% de solide ; plusieurs stratégies ont donc été développées afin d’améliorer le transfert de masse, notamment en changeant le mode d’agitation (Du et al., 2017; Jørgensen et al., 2007b).

Une autre hypothèse largement acceptée est celle de l’inhibition des enzymes par leurs produits. En effet, une forte concentration de glucose peut inhiber l’activité des β-glucosidases, menant à une accumulation de cellobiose, qui est un inhibiteur puissant des cellobiohydrolases ; les sucres issus de la dégradation des hémicelluloses peuvent également inhiber les cellulases (Jørgensen et al., 2007a; Olsen et al., 2014). En plus de cette inhibition par les produits, Kristensen et al. (2009) ont également démontré l’influence d’une inhibition de l’adsorption des cellulases sur leur substrat, probablement du fait du glucose et du cellobiose, mais son mécanisme exact est encore inconnu.

Afin de surmonter ces limitations, il peut être tentant d’augmenter les doses d’enzymes utilisées, mais cela augmente également le coût du procédé ; il est donc nécessaire de trouver un compromis et de déterminer une dose minimale d’enzymes permettant une hydrolyse satisfaisante, sans que le temps nécessaire ne soit trop long. Les conditions optimales de fonctionnement des enzymes doivent également être déterminées ; pour les enzymes des genres Trichoderma et Aspergillus, la température optimale se situe entre 40 et 55°C, et le pH optimal entre 3,8 et 5,4 (Tengborg et al., 2001). Il faut également prendre en compte la possible dégradation des enzymes par protéolyse, ou par des températures trop élevées s’ils ont une faible stabilité thermique. Tous ces facteurs sont absolument déterminants pour le rendement et le coût de l’opération, et le choix des conditions de mise en œuvre de l’hydrolyse doit être fait avec soin. En plus des facteurs permettant d’optimiser les conditions d’hydrolyse, il peut être avantageux d’envisager une amélioration des enzymes utilisées.

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Cependant, celles-ci ayant déjà fait l’objet de nombreuses modifications, la marge d’amélioration restante est assez faible. En dehors des techniques de modification des souches et d’ingénierie des enzymes du sécrétome de T. reesei évoquées précédemment, la recherche d’autres enzymes permettant une hydrolyse enzymatique performante, issues d’autres organismes, peut aussi être envisagée.