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CHAPITRE I : ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE

3.1 Classifications et modes de vie des champignons

Le règne fongique est constitué d’organismes eucaryotes, hétérotrophes vis-à-vis du carbone, qui ne peuvent pas réaliser de photosynthèse et se nourrissent donc par absorption au travers de leur paroi cellulaire de matière organique digérée de manière extracellulaire. Parmi ceux-ci on distingue souvent d’une part les levures unicellulaires, et d’autre part les champignons filamenteux, dont l'organe végétatif est composé d'hyphes qui s'associent en filaments, formant ce qu’on appelle le mycélium. Ce règne regroupe des organismes très différents les uns des autres, et sa phylogénie est complexe (Figure 20). On distingue communément les « champignons inférieurs » et les « champignons supérieurs » (Silar, 2016) :

- Les champignons dits inférieurs, anciennement regroupés sous les noms de « chytridiomycètes » et « zygomycètes » et aujourd’hui classés dans plusieurs embranchements (Hibbett et al., 2007), ont gardé des caractéristiques ancestrales comme la dispersion à l’aide de zoospores flagellées ou un mycélium simple, rarement cloisonné.

- La lignée des Dikarya regroupe les champignons supérieurs, s’organisant en mycélium perfectionné (dont les hyphes dits « septés » ont des cloisons percées d’un pore central associé à des structures permettant le passage sélectif de nutriments et d’organites), et capables d’effectuer des fusions entre deux cellules (anastomose). Parmi eux, on distingue les Ascomycota des Basidiomycota par leurs structures formant des spores : il peut s’agir soit de sacs (ou asques) contenant les ascospores, soit de cellules spécialisées appelées basides qui bourgeonnent pour donner les basidiospores.

Les champignons, présents dans tous les écosystèmes, s’adaptent parfois à des conditions extrêmes, et jouent des rôles écologiques essentiels, notamment par leur implication dans la dégradation et le recyclage de la matière organique. Les champignons ont acquis au cours de leur évolution différents styles de vie (Rytioja et al., 2014) :

- la symbiose, qui leur permet d’avoir une relation mutualiste avec des algues (pour former des lichens), des animaux (champignons du système digestif) ou encore des plantes (champignons mycorhiziens par exemple) ;

- le parasitisme, lorsqu'ils se développent au détriment d'une autre espèce, de plantes ou d’animaux par exemple ;

- le saprophytisme, lorsqu'ils dégradent le bois mort ou les déchets organiques.

Cependant, ces modes de vie ne sont pas cloisonnés, et beaucoup de champignons peuvent cumuler plusieurs de ces stratégies nutritionnelles ou passer de l’une à l’autre.

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Figure 20 : Phylogénie du règne Fungi (ou Eumycota) (Silar, 2016)

Ces stratégies nutritionnelles sont souvent associées à des différences dans l’éventail d’activités enzymatiques des différentes espèces fongiques. Par exemple, les champignons ectomycorhiziens tels que Laccaria bicolor et Piriformospora indica, qui se développent en symbiose avec des plantes grâce à un réseau mycélien entourant les racines, ont un arsenal de CAZymes réduit, qui leur permet de préserver l’intégrité des cellules de leur hôte. Seules quelques GH, ainsi que quelques LPMO, sont exprimées avant ou pendant la colonisation des racines, et potentiellement impliquées dans la modification des parois végétales et fongiques pour l’établissement du contact avec l’hôte et l’échange de nutriments (Martin et al., 2016; Rytioja et al., 2014; Zhang et al., 2018). Les pathogènes de céréales Magnaporthe grisea et Fusarium graminearum possèdent un grand nombre de gènes codant pour des GH, des polysaccharides lyases et des pectine estérases qui leur servent à dégrader les tissus vivants, puis morts. Contrairement à ces champignons nécrotrophes, les pathogènes biotrophes comme Ustilago maydis et Puccinia graminis, qui dépendent d’hôtes vivants, possèdent plusieurs GH5 mais peu d’autres CAZymes ; cela leur évite probablement d’infliger des dégâts trop importants à leur hôte, et donc de déclencher des mécanismes de défense de la plante (Kämper et al., 2006).

C’est chez les champignons saprophytes que l’on trouve généralement la plus grande diversité d’enzymes actives sur la lignocellulose, mais là encore leurs stratégies varient. Parmi les dégradeurs du bois, on distingue communément trois catégories, nommées d’après l’aspect visuel des dégradations qu’ils causent : la pourriture blanche, qui regroupe des basidiomycètes capables de dégrader tous les composants de la paroi végétale, avec parfois une préférence pour la lignine ; la pourriture brune, composée de basidiomycètes qui produisent une dépolymérisation des polysaccharides pariétaux auxquels ils accèdent en modifiant la lignine ; et la pourriture molle, causée par des ascomycètes qui attaquent les fibres de cellulose dans la paroi secondaire, laissant un contenu important en lignines (Blanchette, 2000). Les champignons de la pourriture blanche, dont l’organisme

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modèle est Phanerochaete chrysosporium, possèdent un grand nombre de gènes codant pour des enzymes actives sur la cellulose (LPMO et cellulases, notamment GH6 et GH7), les hémicelluloses et la lignine (laccases, peroxydases), ainsi que des modules de liaison à la cellulose (CBM1). A l’inverse, les champignons de la pourriture brune, tels que Postia placenta et Serpula lacrymans, possèdent des hémicellulases, mais très peu de cellulases et pas de peroxydase. La dégradation de la cellulose et la modification de la lignine se font essentiellement par voie non-enzymatique, grâce à l’action oxydative de radicaux libres, notamment des radicaux hydroxyles, produits par des réactions de Fenton extracellulaires. Il existe plusieurs espèces possédant des modes d’action intermédiaires (par exemple Botryobasidium botryosum et Jaapia argillacea), ce qui démontre que la séparation entre pourriture blanche et brune n’est pas si dichotomique, et dont l’étude a mené à l’utilisation du terme de « pourriture grise » (Floudas et al., 2012; Riley et al., 2014; Rytioja et al., 2014). Les mécanismes de colonisation du bois par les ascomycètes de la pourriture molle, dont font partie les genres Trichoderma et Aspergillus, sont moins bien étudiés que ceux des champignons des pourritures brune et blanche, bien qu’ils soient capables d’attaquer la biomasse dans des environnement particulièrement chauds, froids ou humides qui inhibent la colonisation par les autres dégradeurs (Hamed, 2013). Une étude basée sur une quarantaine de génomes a montré que le contenu en laccases et peroxydases des champignons de la pourriture molle était plus faible que celui des champignons de la pourriture blanche, reflétant leur moindre capacité de dégradation de la lignine ; en revanche, le nombre de gènes codant pour des cellulases et des LPMO était équivalent, et le nombre d’hémicellulases et de pectinases était supérieur (Sista Kameshwar and Qin, 2018).

Certains champignons sont donc extrêmement bien adaptés à la dégradation de la biomasse, et sont capables de produire un grand nombre d’enzymes pour dégrader les matériaux riches en cellulose. Parmi eux, le plus étudié pour ses capacités cellulolytiques est certainement l’ascomycète saprotrophe Trichoderma reesei.