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1. La Restauration, un régime qui permet d’effacer la Révolution

1.2. Le milliard des émigrés et la reconstruction de l’influence politique

Dans sa préface à L’événement le plus important de la Révolution, La vente des biens

nationaux567, Jean-Marc Moriceau rappelle les grandes lignes de la situation foncière de

l’Église et des émigrés, étude détaillée ensuite par les travaux de Jean-Claude Martin568 et dont les conclusions renforcent l’idée d’une spoliation organisée par la bourgeoisie contre l’Eglise, la noblesse et les paysans. La vente des biens nationaux concerne 260 000 bâtiments, et 4,7 millions d’hectares, dont trois millions pour le patrimoine de l’Église Catholique. Pour

lui, et cette opinion est partagée par de nombreux historiens, la vente des biens nationaux est le plus grand transfert de propriété qui eut lieu en France. Le rapport Roland569 dressé en janvier 1793, estime la valeur des biens des émigrés aux alentours de 4 800 000 000 de livres570.

Les travaux de Bernard Bodinier571 et de Jean-Claude Martin572 sur les biens nationaux nous permettent aussi de mieux connaître la situation financière de la noblesse normande au

début de notre période. En se basant sur l’étude des dossiers de séquestre, nous pouvons

obtenir des informations précises sur le contenu des fortunes nobiliaires. Nous disposons ainsi des listes des émigrés du Calvados573 et de l’Eure574, des dossiers personnels de séquestre575, des ventes des biens de seconde origine576, des registres de demande de restitution577, et

ensuite des dossiers individuels d’indemnisation578. De ce constat, Bernard Bodinier obtient

567 Bernard BODINIERet Eric TEYSSIER, L’événement le plus important de la Révolution, La vente des biens

nationaux, PARIS, Société des études robespierristes, et Éditions du Comité des Travaux Historiques et Scientifiques (CTHS), Préfacé par Jean-Marc Moriceau, 504 p.

568 Jean-Claude MARTIN, « La terre en Révolution. Biens nationaux et marché foncier dans le Domfrontais 1789-1830 » in Le Pays Bas-Normand, 1989, n° 2-3-4, 312 p.

569 Cité par Marcel RAGON, La législation sur les émigrés-1789-1825, Thèse de doctorat de Sciences Politiques, PARIS, Arthur Rousseau, 1904, p. 105.

570 Dans l’Eure, cela représente 10 % des terres et 3500 immeubles, voir : Bernard BODINIER, « Les biens

nationaux dans l’Eure de 1789 à 1827 », in Annales de Normandie, 39e année, n°1, 1989, pp. 121-127.

571 Bernard BODINIER, « La noblesse et les biens nationaux dans le département de l’Eure » in Révolution et

mouvements révolutionnaires en Normandie, Actes du XXIVème congrès des Sociétés Historiques et Archéologiques de Normandie, tenu au Havre du 24 au 29 octobre 1989, Recueil de l’association des Amis du Vieux Havre, numéro spécial hors-série, 1990, pp. 69 à 81.

572 Jean-Claude MARTIN, « La vente des biens nationaux dans le Domfrontais (Orne). Structures et mutations de la propriété foncière 1789-1822.», in Annales historique de la Révolution française, n°276, 1989, Numéro spécial à la mémoire d’Ernest Labrousse, pp. 158-163.

573Archives départementales du Calvados, Série 1Q, Liste générale par ordre alphabétique des émigrés de la République dressée en exécution de la loi du 25 juillet 1793, et du 25 Brumaire An III, liasses 1Q.390 à 1Q. 393.

574Archives départementales de l’Eure, Série L, liasse 12L 26 à 41, liste générale des émigrés et suppléments

575 Archives départementales du Calvados, Série 1Q, Procès-Verbaux d’expertise, consistance et estimation classés par noms d’émigrés, liasses 1 Q. 140 à 1 Q. 143, et séquestre des biens mobiliers, liasses 1 Q. 803 à AD 1 Q. 819

576 Archives départementales du Calvados, Série 1 Q, liasses 1 Q. 264 à 1 Q. 287

577 Archives départementales du Calvados, Série 1 Q, liasse 1 Q. 998.

que la noblesse répartit ses biens en trois catégories principales, 13 % en valeurs mobilières, 3 % en meubles, la majeure partie du reste en biens fonds, et très peu de liquidités. Une telle

répartition nous indique que la noblesse de l’Eure, et par extension la noblesse normande,

demeure très attachée à la gestion traditionnelle de ses domaines. Bernard Bodinier constate en outre que la noblesse normande est en phase de régression face à la bourgeoisie textile qui

commence à investir dans les propriétés foncières. De plus, il apparaît qu’elle est très

endettée. En effet, le passif correspond au quart des actifs.

Lorsqu’en 1814, la monarchie fut restaurée en France, le pouvoir de Louis XVIII s’appuyait partiellement sur les nobles émigrés auprès des princes. La volonté de restituer

leurs biens à ces proches du pouvoir se manifesta à ce moment, mais la mise en œuvre prit un temps si long que Louis XVIII ne pourrait en voir l’aboutissement. Se plaçant dans l’objectif d’une réconciliation nationale, les princes émigrés devaient alors se concilier l’appui de ceux

qui les avaient si longtemps, et à quel prix, soutenus. Il faudra donc à la noblesse émigrée

attendre l’avènement de Charles X pour enfin obtenir ce qu’ils demandaient depuis leur départ

de France entre 1792 et 1795.

L’indemnisation des émigrés est le premier acte politique du nouveau souverain Charles X. Il est d’ailleurs probable que l’animosité qui ne cessera d’augmenter à son égard est due en partie à cette décision. La loi d’indemnisation présentée par le comte de Vaublanc

et le vicomte de Martignac579 est votée le 27 avril 1825. Ce vote est très bien reçu par la haute aristocratie proche du pouvoir de Charles X, relativement bien perçue par la petite noblesse éprouvée financièrement par la Révolution. Mais elle fait craindre un retour en arrière aux républicains relégués à une quasi-inexistence politique. Cette indemnisation sera appelée par dénigrement, le « milliard des émigrés » dès son application en mai 1826.

En 1826, le roi Charles X tient à récompenser les diverses familles et diverses

personnalités qui l’ont aidé et soutenu lors de sa propre émigration. Cette volonté prend

néanmoins des détours. Au lieu de récompenser ceux-ci par des dons nouveaux, il offre à tous les Français ayant choisi le chemin de l’exil plus que l’amnistie napoléonienne. En effet, bien

que la monarchie soit restaurée depuis 1814, et 1815, le souvenir de l’exil persiste. Les nobles

ayant émigré et cherchant à reconstruire leurs domaines sont mal reçus par les populations. Le « milliard des émigrés » n’est pas versé en argent aux bénéficiaires. En général, l’Etat octroie

des rentes à 3%. Ces rentes représentent une valeur de 630 000 000 de francs, pour un capital

d’un milliard, d’où le surnom donné à la loi d’indemnisation de 1825. C’est cet octroi de

579 Soutenus par Jean-Baptiste de Villèle, président du gouvernement, contre les virulentes attaques de François-René de Chateaubriand, lui-même ancien ministre de Louis XVIII.

rentes aux milieux aristocratiques qui va permettre le passage de l’ancienne noblesse du

patrimoine foncier au patrimoine mobilier580.

Il est possible pour la noblesse de retrouver à la fois leur pays mais aussi leurs biens. Il

ne faut pas croire que les Français exilés aient attendu la loi d’avril 1825 pour revenir en

France. Le Consulat avait fait un pas en direction de la conciliation nationale. Mais en fait,

L’Etat avait alors décidé de fermer les yeux sur une situation devenue incontrôlable.

Cependant, certains émigrés sont incapables de revenir dans leur patrie d’origine581. Prenons

par exemple le cas de la famille Le Cocq d’Armandville. Pierre François Denis Le Cocq d’Armandville émigre en Hollande où il se fixe. Ses douze enfants nés en Flandres, demeurent en Belgique. Il n’a donc rien demandé à l’Etat lors de l’indemnisation de 1826.

Dans le département du Calvados, la liste des émigrés recense 2 080 individus et 551 sont nobles582. Ces familles ne sont pas toujours unies dans l’exil et cela va avoir des

conséquences sur le patrimoine de la famille. Prenons par exemple la famille Guyon des Diguères583. Louis Joseph Guyon des Diguières, et Marie Victor Guyon des Diguières, émigrés, fils de François Nicolas Guyon des Diguières, émigré, décédé le 5 mars 1795. Ces deux frères réclament les biens de leur père, une ferme composée d’une maison de maître et

des dépendances, vendus le 3 thermidor An VI (1797) La valeur du bien, estimé à 18 fois le revenu de 1790, est de 22 169,40 francs. C’est cette somme que le bordereau d’indemnité leur

restitue. Mais, sont déduits de la somme, 13 686,36 francs, au titre des demandes de secours

faites par la sœur des réclamants. Ils ne toucheront que 8 483,04 francs. A contrario, il existe

des cas où la séparation de la famille joue en faveur des émigrés. La même famille Guyon des Diguères profite de cette séparation. Dans un courrier adressé aux citoyens administrateurs du directoire de Falaise584, Marie Victoire Guyon des Diguères, sœur de Louis et Victor Guyon

des Diguères, demande la jouissance des biens hérités de sa mère pour elle-même et son père. Notons, que la mention « émigré », concernant François Guyon des Diguères se trouve démentie. Le directoire de Falaise accédera, non sans difficultés, à sa demande.

Pour les divisions dans les familles, nous disposons de nombreux cas de bordereaux

d’indemnisation rédigés en triple ou en quadruple par les divers héritiers des émigrés ;

prouvant que les divisions, créées lors de l’émigration, continuent d’exister après le retour en

580 Voir Jean-Marie WISCART, La noblesse de la Somme au XIXème siècle, opus cite.

581Archives départementales du Calvados, Série F, F 5.541, don Le Cocq d’Armandville. Voir, « Etude sur les

Lecocq d’Armandville », par J.H.I. le Cocq d’Armandville, Général-major en retraite, chevalier de l’Ordre militaire de Guillaume, du Lion Néerlandais et de la Légion d’Honneur, commandeur de l’Ordre de la Couronne de Belgique. 1924.

582 Archives départementales du Calvados, Série 1 Q, « Domaines Nationaux », dossiers 1Q 409 et 1Q 410

583 Archives départementales du Calvados, Série 1Q, Liasse 1Q. 1.017.

France. Ajoutons à cela que les émigrés ignorent parfois si les membres de leur famille ont pu survivre aux événements révolutionnaires. En cas de déclarations multiples, l’Etat fit souvent le choix d’indemniser les demandeurs selon leur position dans la généalogie des émigrés.

Prenons par exemple le cas de Marie Louise Cahagne de Verrière, veuve de Fallen, dont

l’héritage vendu au titre des biens nationaux est réclamé par Henri de Magneville, Mmes

Sagniel et Signard, Henry François de Neufville de Baven, Marie Rose Andrée Bonnel, épouse Picard. Cette dernière est seule à faire figurer sur sa demande le fait d’être légataire de

Mme Cahagne de Verrière585. Le cas précédent, en plus de faire exemple de la rapacité des héritiers présumés586, montre que ces héritiers ne sont pas toujours des successeurs en ligne

directe. Ils n’ont parfois qu’un lien de parenté très mince. Prenons un nouvel exemple, le cas de l’indemnisation de Pierre Philippe de Cairon, dont les biens sont réclamés par Louis Henry

Ancelin de la Garde, Louise Joséphine épouse Hocbosq, Louise Victoire épouse Grousseau de Chapitre, et Louise Emilie, épouse Favre, qui sont les petits-neveux et nièces de l’émigré.

Notons, que malgré la multiplicité des héritiers, ceux-ci n’ont pas rédigé plusieurs demandes,

leur réclamation est enregistrée au seul numéro 410.

Il y avait aussi la procédure de présuccession, qui dépossède les héritiers avant même le décès des parents587. La procédure s’est divisée en deux temps. D’abord, l’Etat prélevait la part revenant à l’enfant émigré lors du décès des parents. Les frères et sœurs résidant en

France étaient libres de racheter tout ou partie de cette part aux Domaines Nationaux. Puis,

cette mesure ne semblant pas mettre un terme à l’envoi de capitaux vers l’étranger, la République décrète la mort civile de l’émigré588. Ainsi, l’Etat peut prétendre récupérer la part

des enfants émigrés lors du décès des parents. Après la loi du 28 avril 1795, les parents

d’émigrés sont tenus de présenter l’état de leurs biens au directoire de district. Ensuite, ce

dernier liquide le patrimoine des parents, à condition que ce patrimoine représente une valeur supérieure à 20 000 livres et divise le résultat en autant de part que d’ascendants et d’héritiers. L’Etat prélève la part de l’émigré et restitue le reste aux parents, frères et sœurs. L’iniquité du

système vient du fait qu’en cas de nouvelle naissance dans la famille, le découpage de l’héritage n’est pas remis en cause, à charge pour les parents de reconstituer une part au

nouvel enfant, comme le veut la loi. Les ventes de pré-succession touchent probablement 119

personnes sur les 586 bordereaux d’indemnités que compte le « Registre des demandes en

indemnités parvenues à la préfecture du département ». Nous avons aussi un cas unique

585Elle n’obtiendra de fait que 54 068,25 francs sur les 408 315,59 francs de l’indemnité.

586 Certaines demandes sont rejetées car la filiation ne peut être concrètement établie.

587 Loi du 9 floréal An III, soit le 28 avril 1795

d’ascendant d’émigré qui demande la restitution de la part de son fils, liquidée en vertu de la loi du 9 floréal An III. Il s’agit du comte Nicolas Pierre Bonaventure du Merle589, pour son

fils Pierre. L’indemnisation fut d’ailleurs relativement peu importante, car elle s’élève à

13 871,88 francs.

Nous pouvons à l’occasion de cette étude sur les pré-successions nous rapprocher de la conclusion d’Ivan Loutchisky590. Selon lui, la bourgeoisie est seule à profiter de la vente des biens nationaux. Au regard de la vente de pré-succession de Louis Hue de Mathan591, nous voyons que la quasi-totalité des biens vendus à Cambes le 8 mai 1799 est acquise par le citoyen Joseph Vielle, pour la somme de 21 055 francs contre la veuve de Louis de Mathan, Louise Marie née Radulphe592. La famille de Mathan est capable de racheter le Château de Cambes et des fermes ainsi que des portions de terres à la Cambes, pour un total de 85 800 francs593, il s’agit donc d’un choix de remembrement. Lors des ventes de pré-successions, les

citoyens Joseph Vielle et Antoine Fayou achètent la plus grande part du domaine Mathan de

la Cambes. Il semble bien que la thèse d’Ivan Loutchisky soit vérifiée dans ce cas. La bourgeoisie est en effet la grande victorieuse de ces ventes. Il n’y pas beaucoup de paysans

capables de trouver plus de vingt mille francs en liquidités si rapidement. Il arrive de plus, que

les achats de biens d’émigrés soient réalisés par des entreprises locales. C’est ce cas qui se présente pour Antoine Fayou, acquéreur d’une partie des biens de la famille Hue de Mathan,

mais aussi, pour le citoyen Maréchaux, à Friardel, sur les biens de la famille Hélix

d’Acqueville.

A l’aide du dépouillement de la liste des demandes en indemnité594, nous pouvons tracer un portrait approximatif de la situation financière de la noblesse du Calvados au début du XIXème siècle. Le total des restitutions dans le Calvados atteint la somme négative de 21 821 284,47 francs. Ce chiffre peut sembler paradoxal, mais en fait, l’émigré désirant entrer en possession de son indemnité doit accepter les dettes que l’Etat avait lui-même pris

en charge lors de la saisie et des ventes de ces biens. Si la dette calvadosienne est si

importante, c’est parce que parmi les indemnisés normands, il faut compter Louis Philippe, duc d’Orléans. Celui-ci fait une demande de restitution pour 1 148 970 francs, mais son père,

Louis Philippe Joseph a laissé une dette de 42 106 182,48 de francs. En général, lorsque

589 Nicolas Pierre Bonaventure du Merle (décédé le 8 mars 1828, La Vespière, Calvados) époux de Joseph Libre Weissaltz (née à Ettenheim, Baden-Württemberg) père de Louis Pierre (1797-1875).

590 Ivan VassilivitchLOUTCHISTSKY, La petite propriété en France avant la Révolution et la vente des biens

nationaux. PARIS, Champion, 1887.

591 Archives départementales du Calvados, Série 1Q, dossier 1Q. 274.

592Voir copie de l’acte de décès, Archives Départementales du Calvados, Série 1Q, liasse 1Q. 1.017.

593 Archives départementales du Calvados, Série 1Q, liasse 1Q. 274.

l’indemnité se révèle n’être qu’une dette, le réclamant abandonne sa requête. Nous avons

deux contre-exemples, le cas du duc d’Orléans, futur Louis Philippe, sa dette considérable fut

acceptée, cela fausse les résultats de l’indemnisation du département et la duchesse de

Montmorency-Luxembourg, qui réclame 1 074 663 francs mais qui est endettée595.

Si nous exceptons la dette du duc d’Orléans, nous obtenons une indemnisation globale

de 19 125 456,93 francs et une moyenne de 32 637,29 francs. Cette moyenne se révèle être

d’un montant honorable. Mais, cette moyenne est imparfaite du fait que toutes les demandes

ne reçoivent pas de suites favorables. Notons par exemple, les cinq demandes faites sur les biens de S.A. Monsieur décédé Louis XVIII ; ces demandes émanant de créanciers furent

jugées irrecevables. Sur l’ensemble des demandes, 22 ont pour résultat des indemnisations

négatives et 3 furent annulées, celles d’Eléagard Ferdinand François comte de Broglie, d’Elisabeth d'Arquittade de St Fulgence, veuve de Pardieu, et Jacques Gabriel Louis Le Clerc,

Marquis de Juigné. Jacques Berthin de Marguerie, et Charles Léonce représenté par Henri de Marguerie son tuteur, acceptent la dette de Pierre Nicolas de Marguerie de Rochefort, car elle est épongée par la restitution qui leur est faite dans la Manche. Les 17 autres cas de dettes se concluent par une renonciation ; 112 autres demandes n’ont pas eu de suites ou furent

rejetées. Si nous recalculons une moyenne en excluant les cas de dettes et les dossiers nuls, nous obtenons une moyenne de 47 181,85 francs (à partir d’un total ramené à 21 184 654,52

francs, puisque nous exceptons les dettes) La répartition à la moyenne nous montre que plus de la moitié des indemnisés reçoit moins de 47 000 francs. Par conséquent, les émigrés du Calvados ne possédaient pas une immense richesse avant de partir. De plus, ces richesses éventuelles ne sont pas immédiatement utilisables par les émigrés, étant donné qu’il s’agit de rentes de l’Etat. Il est souvent plus profitable aux familles de conserver ces valeurs plutôt que

de les convertir. Mais leur rendement demeure relativement faible compte tenu des besoins de liquidités ressentis par une certaine partie de la noblesse.

Figure 37 : Valeur des indemnisations versées dans le Calvados

Nous voyons ainsi que la grande majorité des indemnités versées sont comprises entre 0 et 10 000 francs. Nous voyons aussi que la grande majorité des cas se situent en deçà de la moyenne que nous avons établie à 47 000 francs. Peu de personnes obtenant des sommes fabuleuses, néanmoins, ces restitutions permettent souvent de garantir l’influence politique

des familles nobles concernées en raison du suffrage censitaire. Notons tout de même que Louise Henriette de Nitray, épouse de Vendeuvre, légataire de Robert Gosselin de Manneville, se fait indemniser 602 158,93 francs, soit le plus gros montant versé dans le Calvados. Elle est suivie de près par François Pierre Auguste de Siresme et Louis Pierre Duval de Lescaude, disposant de plus de 500 000 francs restitués. Rappelons que le salaire

annuel moyen à Évreux en 1852 s’élève à 571,79 francs596.

En excluant de nos calculs les indemnisés non-nobles, en extrayant 23 ecclésiastiques de la liste générale et 36 non nobles qui n’étaient pas des ecclésiastiques. Il reste donc au final 390 personnes que nous préjugeons appartenir à l’ancienne noblesse. Il n’y a plus de

596Archives départementales de l’Eure, Série M, liasse M 1246.

3 4 12 29 52 38 25 33 20 23 13 8 11 6 14 8 3 5 7 3 5 5 2 7 9 4 7 1 13 10 1 1 3 1 2 1 0 10 20 30 40 50 60 de 0 à 500 de 500 à 10 00 de 1000 à 2 000 de 2000 à 5 000 de 5000 à 1 0000 de 1000 0 à 15000 de 1500 0 à 20000 de 2000 0 à 25000 de 2500 0 à 30000 de 3000 0 à 35000 de 3500 0 à 40000 de 4000 0 à 45000 de 4500 0 à 50000 de 5000 0 à 55000 de 5500 0 à 60000 de 6000 0 à 65000 de 6500 0 à 70000 de 7000 0 à 75000 de 7500 0 à 80000 de 8000 0 à 85000 de 8500 0 à 90000 de 9000 0 à 95000 de 9500 0 à 10000 0 d e 1 000 00 à 110 0 00 de 1100 00 à 1200 00 de 1200 00 à 1300 00 de 1300 00 à 1400 00 de 1400 00 à 1500 00 de 1500 00 à 2000 00 de 2000 00 à 2500 00 de 2500 00 à 3000 00 de 3000 00 à 3500 00 de 3500 00 à 4000 00 de 4000 00 à 5000 00 d e 5 000 00 à 600 0 00 pl us de 60 0000

nobles à partir de 30 000 francs de restitution. La plupart perçoivent des sommes comprises entre 150 et 3 000 francs. Il y des exceptions, le plus riche des non-nobles indemnisé François Auguste Salomon Roussel, a reçu 25 426 francs. Ces 390 nobles perçoivent 20 615 279,47 francs à eux-seuls. La moyenne des restitutions évolue assez peu, passant de 47 000 francs à 45 913,76 francs. Nous pouvons considérer que le retrait de 59 personnes de la liste ne nuit pas à la lecture de notre précédente figure. Les non-nobles semblent répartis de manière plutôt homogène étant donné que la moyenne tend à diminuer.

Il apparaît que la noblesse représente bien la fraction la plus riche de la population,