• Aucun résultat trouvé

L’acide est connu depuis l’antiquité, ce terme est initialement lié aux propriétés gusta- tives des composés. Le terme superacide est bien plus récent, ce n’est qu’en 1927 que Co- nant et Hall l’utilisent pour la première fois.41 Il est repris au début des années 1960 par le Pr

Georges Olah qui utilise ces milieux très ionisants pour l’étude de carbocations. Celui-ci re- çut le prix Nobel de chimie en 1994 pour ces travaux.

Le milieu superacide a été défini par Gillespie au début des années 1960 comme étant un milieu plus acide que l’acide sulfurique pur pour les acides de Brønsted. Olah a en- suite proposé le chlorure d’aluminium comme référence arbitraire pour les acides de Lewis,42

tout acide de Lewis plus acide que AlCl3 est alors considéré comme un superacide de Lewis.

Depuis, l’utilisation des superacides s’est largement développée, notamment dans le domaine de la pétrochimie pour la valorisation de paraffines. Ils peuvent également être utili- sés pour la transformation de molécules plus complexes, c’est le cas notamment pour la syn-

40 S. Thibaudeau, A. Martin-Mingot, M. P. Jouannetaud, O. Karam, F. Zunino, Chem. Commun., 2007, 3198.

(* Cette notion de superélectrophile sera développée par la suite.

41

N. F. Hall, J. B. Conant, J. Am. Chem. Soc., 1927, 49, 3047.

42 G. A. Olah, G. K. S. Prakash, A. Molnar, J. Sommer, Superacid Chemistry, 2009, 2nd Edition John Wiley and

thèse de la vinflunine, mise au point au laboratoire par Jacquesy43et aujourd’hui commercia-

lisée par Pierre Fabre sous le nom Javlor®.

Les superacides existent aujourd’hui sous forme liquide ou solide (supporté sur char- bon, sur oxyde métallique ou de type zéolithe), constitué d’acide de Brønsted, d’acide de Lewis, de mélange binaire ou ternaire. L’acidité peut varier énormément selon la composition du milieu, impliquant une réactivité différente des substrats.

3.1 Propriétés des milieux superacides

3.1.1 Mesu e de l’a idit

Les milieux superacides étant anhydres, la mesure de l’acidité nécessite l’utilisation de bases faibles. Dans ces milieux extrêmes, ces bases faibles s’ionisent par protonation, permettant le calcul de la fonction d’acidité de Hammet (H0) des différents superacides.42

Cette valeur est définie par l’équation (1).

H0 = pKBH+ - log BH +

B

(1)

Les concentrations en espèces ionisées ou non ionisées peuvent être déterminées par plusieurs méthodes. L’une des techniques les plus utilisées est la spectroscopie UV- Visible de dérivés présentant une longueur d’onde différente au maximum d’absorption sous forme ionisé et sous forme neutre. H0 est dépendant de la base utilisée sauf pour une série

de composés appelés bases de Hammet tel que les anilines ou les nitrobenzènes qui seront donc utilisés comme référence pour les mesures de H0. Les milieux superacides sont plus

acides que l’acide sulfurique pur dont la valeur de H0 définie arbitrairement est de -12. Ainsi

certains acides de Brønsted sont des superacides, tels que l’acide triflique ou l’acide fluorhy- drique dont les valeurs de H0 sont respectivement de -14,1 et -15,1.

3.1.2 Différents types de superacides

Les superacides de Brønsted peuvent être associés à un superacide de Lewis afin d’atteindre des acidités supérieures. Les mélanges les plus utilisés sont binaires, l’acidité du milieu dépend alors de la proportion d’acide de Lewis ajoutée (Figure 28). Des mélanges ternaires ont également été étudiés.

43 J. Fahy, A. Duflos, J. P. Ribet, J. C. Jacquesy, C. Berrier, M. P. Jouannetaud, F. Zunino, J. Am. Chem. Soc., 1997,

Figure 28 : Valeu de la fo tio d’a idit de Ha

et (H

0

) de différents mélanges binaires

e fo tio de la p opo tio d’a ide de Le is.

Barre pleine : mesurée expérimentalement en présence d’un indicateur. Barre en pointillés : estimée par mesure cinétique.

Concentration en ( ) mol% acide de Lewis.

Au laboratoire, le milieu superacide généralement utilisé est généré par un mélange d’acide fluorhydrique anhydre et de pentafluorure d’antimoine. La variation de la proportion d’antimoine permet de couvrir une large gamme d’acidité de H0 = -15,1 à H0 ≈ -25. Ce mé-

lange permet d’atteindre l’acidité la plus forte connue à ce jour.

3.1.3 HF anhydre

L’acide fluorhydrique anhydre a une température d’ébullition de 20 °C à pression at- mosphérique. Dans les conditions normales de température et de pression il est donc à l’état gazeux. Une fois condensé, il se présente sous forme de liquide incolore fumant. Composée de chaines polymères de molécules de HF liées entre elles par des liaisons hydrogène forte, la longueur de chaine est en moyenne de sept monomères HF44. Le HF anhydre a une va-

leur de H0 de -15,1 faisant de lui un superacide de Brønsted (Figure 29).

44 S. E. McLain, C. J. Benmore, J. E. Siewenie, J. Urquidi, J. F. C. Turner, Angew. Chem. Int. Ed., 2004, 43, 1952.

10 15 20 25 30 (-H0) SbF5 H2SO4 SO3 Acide magique AsF5 BF3 TaF5 HSO3F HSO3F SbF5 (6) (50) (90) (10) (50) (0,6) (7) (50) CF3SO3H SbF5 (45) HF HF HF

Figure 29 : Structure du HF anhydre modélisé à partir des données obtenues par DRX.

La faible température d’ébullition, la très forte acidité et la toxicité de l’acide fluorhy- drique impliquent de prendre beaucoup de précautions quant à l’utilisation de ce composé.

3.1.4 Composition du mélange HF/SbF

5

L’ajout de SbF5 au HF anhydre permet d’accroitre considérablement l’acidité du mi-

lieu. L’ajout de SbF5 conduit à une dissociation des molécules de HF, entrainant la formation

de complexes anioniques SbF6- et d’espèces H3F2+. Lorsque la proportion en SbF5 aug-

mente, les complexes anioniques d’antimoine conduisent à des espèces polymériques de type SbnF5n+1- (Figure 30).45 Parallèlement les cations H3F2+ sont remplacés par des ions

H2F+. La diminution de la solvatation des ions H+ entraîne une augmentation de l’acidité46.

Figure 30 : Espèces présentent dans le milieu en fonction de la proportion de SbF

5

.

45 J. C. Culmann, M. Fauconet, R. Jost, J. Sommer, New J. Chem., 1999, 23, 863. 46 P. M. Esteves, A. Ramirez-Solis, C. J. A. Mota, J. Am. Chem. Soc., 2002, 124, 2672.

L’augmentation de la taille des anions entraîne une meilleure délocalisation de la charge négative, l’ajout de SbF5 diminue donc le caractère fluorant du milieu (Figure 31).

Figure 31 : Structure des anions de type Sb

n

F

5n+1-

.

Dans ces milieux d’extrême d’acidité il est possible de générer des espèces superé- lectrophiles, cette notion de superélectrophilie sera développée ci-après.

Documents relatifs