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I.4.1 Principe

La microscopie à force atomique est une technique de microscopie à champ proche qui vit le jour en 1986, développée par Binnig, Quate et Gerber [25]. Le microscope à force atomique (AFM) est à ce jour le seul microscope à champ proche capable d'étudier tous types de surfaces : conductrices, semi-conductrices ou isolantes, de l'échelle du micromètre à celle de l'atome. Depuis sa création, l'AFM a été décliné en plusieurs modes an de s'adapter aux diérents environne-ments de certaines études. Il est ainsi possible d'utiliser des AFM opérant à l'air, sous liquide ou sous UHV, sur des organismes vivants (bactéries, cardiomyocytes etc.) ou des minéraux (cristaux ioniques, métaux etc.). L'AFM est capable d'obtenir des images topographiques de ces surfaces

et d'étudier leur propriétés électriques ou mécaniques.

Le principe de fonctionnement de l'AFM repose sur l'utilisation d'une sonde : un levier terminé par une pointe qui explore les forces de surface. En balayant l'échantillon, il est possible ligne après ligne de constituer une image de la surface en mesurant la déexion du cantilever induite par les forces de surface. La détection de la déexion est eectuée le plus souvent au moyen d'un laser et d'un détecteur quatre quadrants (Fig. I.11) : un faisceau laser est envoyé sur la face arrière du cantilever et rééchi en direction du détecteur. La déexion du cantilever induite par les forces de surface est mesurée grâce à la variation de la position du faisceau rééchi sur le détecteur.

Figure I.11 Schéma de la détection optique d'un NC-AFM. Les forces de surface induisent une déexion du levier qui provoque une variation de la position du faisceau laser sur le détecteur quatre quadrants.

I.4.2 Les forces de surface

La gure I.12présente une liste non exhaustive des forces ressenties par la sonde en fonction de sa distance avec l'échantillon. A mesure que la distance pointe-surface diminue, la force do-minante change. Les forces de Van der Waals et électrostatiques sont prédodo-minantes à longue portée, tandis qu'à courte distance, les forces chimiques et répulsives dominent. Ce comporte-ment particulier permet une grande diversité des applications possibles de l'AFM mais complique également l'analyse des résultats. Il est dicile de séparer de cet enchevêtrement la force que l'on cherche à analyser. Un moyen consiste à minimiser les forces indésirables tout en maximisant la force recherchée. Il est possible par exemple d'être plus sensible aux forces responsable de la résolution atomique en diminuant la distance pointe-surface.

I.4.2.1 Forces électrostatiques

Les forces électrostatiques sont des forces à très longue portée (jusqu'à la centaine de na-nomètres) qui dominent l'interaction à grande distance. Des défauts de surfaces peuvent par

exemple induire la formation d'un champ électrostatique local. Il est possible de minimiser les forces électrostatiques à longue portée grâce à l'utilisation du mode KPFM.

Figure I.12 Forces de surface qui s'exercent sur la pointe en fonction de la distances. Tiré de [26].

I.4.2.2 Force de van der Waals

Les forces de van der Waals sont des forces à longue portée qui peuvent être ressenties par la pointe jusqu'à la centaine de nanomètres. Elles sont dues à l'interaction électrostatique entre dipôles uctuants. Dans le vide, ces forces ne peuvent pas être compensées expérimentalement.

I.4.2.3 Forces chimiques

Les forces chimiques sont les forces responsables de la résolution atomique. Elles deviennent importantes à très courte portée (< 1 nm) et ne sont plus négligeables par rapport aux forces de van der Waals et électrostatiques.

I.4.2.4 Forces répulsives

Les forces répulsives sont dues, au niveau atomique au principe d'exclusion de Pauli. En mode non-contact, la pointe ne s'approche pas susamment de la surface pour être soumise à cette

force sauf lors d'acquisitions à résolution atomique.

I.4.3 Les modes de l'AFM

Il existe deux principaux modes de l'AFM : le mode statique et le mode dynamique. En mode statique, la force qui s'exerce entre la pointe et la surface est maintenue constante en régulant la distance pointe-surface. Sous l'action des forces de surface et en raison de la faible constante de raideur du cantilever, la pointe peut être plaquée sur la surface (saut au contact) ce qui entraine sa dégradation ainsi que celle de la surface.

En mode dynamique, la force est également régulée et le cantilever oscille à une fréquence proche de sa fréquence de résonance. L'oscillation du cantilever peut-être caractérisée par quatre variables : sa fréquence de résonancef, son amplitudeA, l'amplitude d'excitation et le déphasage ϕentre l'excitation et l'oscillation.

Deux modes principaux existent en mode dynamique : le mode tapping [27,28] et le mode non contact (NC-AFM) [2931]. Dans le premier mode, la fréquence d'oscillation est xée au voisinage de la résonance et l'amplitude et la phase sont maintenue constante en ajustant la distance pointe-surface à l'aide de boucles de régulation. Dans le second mode, l'amplitude et le déphasage sont maintenues constantes par deux boucles de régulation et la distante pointe-surface est ajustée an de maintenir constante le décalage entre la fréquence de résonance du cantilever loin de la surface et sa fréquence de résonance lorsqu'il est en interaction avec la surface. Dans les deux modes, cette distance pointe-surface est enregistrée et permet à l'aide d'un balayage de la pointe de construire une "image" topographique de la surface.

L'AFM utilisé au cours de cette thèse opère sous ultra-vide à température ambiante en mode non-contact. Ce mode permet d'obtenir une haute résolution à l'échelle du nanomètre.

Le principe de fonctionnement du mode non-contact sera présenté dans ce paragraphe. Le mode tapping, couramment employé pour les applications à l'air ou en liquide n'a pas été utilisé durant cette thèse. Ce mode étant massivement mis à contribution pour caractériser les surfaces d'AlN par la communauté des épitaxieurs, son principe de fonctionnement sera brièvement rappelé ici.

I.4.3.1 Mode tapping opérant à l'air

Lors de l'acquisition dans ce mode, la pointe vient toucher de façon intermittente la surface.

Cela présente l'avantage par rapport au mode statique de limiter les dommages sur les échantillons et l'usure de la pointe. La supercie de la zone étudiée est généralement comprise entre la centaine de nanomètres et plusieurs micromètres. Bien que le mode tapping ore de très bonnes résolutions latérales et verticales, de 1 à 5 nm et d'une hauteur d'une marche mono-atomique, elles demeurent généralement inférieures à celles obtenues en NC-AFM. L'utilisation d'un AFM en mode tapping se fait le plus souvent à l'air, en raison de temps d'acquisition trop important sous UHV. En comparaison à l'ultra-vide, cela diminue considérablement le temps de préparation d'une acquisition mais en contrepartie, l'échantillon est exposé à la pollution de l'air ambiant et

dans le cas de l'AlN, une couche d'oxyde se crée en surface.

I.4.3.2 AFM en mode non-contact opérant sous UHV

Initialement développé par Albrecht et al. en 1991, le mode non-contact est le mode le plus utilisé sous UHV [32]. Il a permis en 1995 la première résolution atomique sur la reconstruction (7×7) du Si(111) par Giessibl [33]. Ce mode est de plus en plus utilisé et de nombreux travaux publiés témoignent de la haute résolution de cet appareil sur diérents types d'échantillons.

Très récemment, il a été possible de visualiser les liaisons intramoléculaires d'une molécule de pentacene [34]. Cependant les conditions extrêmes (pointes fonctionnalisées avec une molécule CO et très basse température : 4 K) que nécessite une telle résolution sont bien loin de nos conditions expérimentales. L'AFM utilisé opère à température ambiante et avec des cantilevers en silicium.

En mode non-contact et loin de la surface, le cantilever est maintenu en oscillation à sa fréquence de résonancef0 et à amplitude constanteA0. Proche de la surface, il sera soumis aux forces d'interactions attractives qui modieront sa fréquence de résonance f d'une valeur ∆f tel que∆f(t) =f(t)−f0. Plus la pointe est proche de la surface, plus les forces d'interactions modient l'écart∆f. Cette diérence à la résonance sera maintenue constante en contrôlant la distance pointe-surface à l'aide d'un tube piézoélectrique. Une image topographique de la surface pourra être réalisée en enregistrant la tension appliquée au tube piézoélectrique.

Au cours de cette thèse, les images NC-AFM sont présentées avec leur paramètres d'acquisi-tion∆f etAl'amplitude pic à pic. Ces deux paramètres permettent d'estimer de façon relative la distance surface à laquelle a été enregistrée l'image. Par exemple, la distance pointe-surfacez d'une image réalisée à∆f =−5Hz etA= 5 nm sera plus grande que pour une image réalisée avec la même pointe à ∆f = −50 Hz et A = 5 nm. De la même façon, z sera plus petit pour ∆f =−5 Hz et A = 5 nm que pour ∆f = −5 Hz et A = 2 nm. Il est possible de comparer des expériences présentant diérentes conditions expérimentales (constante de raideur du cantilever k, fréquence de résonance f0 et amplitude d'oscillation A) à l'aide du terme de fréquence normaliséeγ introduit par Giessibl [30] :

γ(z, A0) = kA3/2

Avec m la masse eective du cantilever. γ correspond à une force généralisée, travailler à γ constant revient à travailler approximativement à interaction constante. Au cours de cette thèse, les cantilevers utilisés étant tous similaires (k et f0 varient peu d'un cantilever à l'autre) il est

possible à partir de l'équationI.3de poser :

A3/21 ∆f1 =A3/22 ∆f2 (I.5)

Cette relation permet de comparer les forces qui s'appliquent sur la pointe pour deux images enregistrées à des amplitudes (A1 etA2) et à des fréquence (∆f1 et∆f2) diérentes.

Les forces décrites au paragrapheI.4.2qui s'exercent sur la pointe n'ont pas un comportement monotone. En l'absence d'interaction pointe surface, la valeur de la fréquence d'oscillation est donnée par l'équation I.4. En présence d'interactions, et dans le cas où l'amplitude d'oscillation est faible devant les longueurs caractéristiques des forces ressenties, il est possible d'établir une relation linéaire entre le gradient de la force et le décalage en fréquence∆f. Dans ce cas, la force totale qui s'exerce sur la pointe en présence de la force de rappel−k(z−z0) est dénie comme :

Ftotale(z) =−k(z−z0) +F(z)' −k(z−z0) +F(z0) +dF

dz(z−z0)

=−(k−dF

dz)(z−z0) +F(z0)

(I.6)

Il apparait un terme appelé raideur eective dénie commekef f =k−dFdz. L'équationI.5devient :

f = w Il apparait donc que le mode non-contact est sensible au gradient de la force ∂F∂z tel que :

∆f

f0 ' − 1 2k

∂F

∂z (I.8)

Lorsque le cantilever oscille à de grandes amplitudes, le gradient des forces ressenties par la pointe varie au cours d'un cycle et la relation I.8 n'est plus applicable. Giessibl a montré qu'il était possible de calculer le décalage en fréquence grâce à la relation [35] :

∆f Oùd0est la distance minimale d'approche. Cette relation peut s'appliquer pour n'importe quelle amplitude d'oscillation à condition que∆f /f0 << 1 soit respectée. Il sort de cette relation que pour de grandes amplitudes, la pointe est moins sensible aux interactions à courte portée.

I.4.4 Les boucles de régulation du NC-AFM

L'AFM en mode non-contact nécessite trois boucles de régulation (Fig.I.13a) an de mainte-nir constant l'écart en fréquence ∆f, l' amplitude A et le déphasage ϕentre l'excitation et l'os-cillation. La photodiode produit un signal approximativement sinusoïdal z(t) =A(t)sin(w(t).t) modulé en amplitude et en fréquence. Ce signal est utilisé par les boucles AGC (Contrôleur

Automatique de Gain), PLL (Boucle à verrouillage de phase, Phase Locked Loop en anglais) et ADC (Contrôleur Automatique de Distance) an d'en extraire les informations fournies par le NC-AFM et de maintenir son oscillation en réinjectant les signaux d'excitation du cantilevere(t) et de variation de la distance pointe-surfaceD(t) à des excitateurs en céramique piézoélectrique.

(a)

(b) (c)

Figure I.13 (a) Schéma simplié des boucles de régulation d'un AFM en mode non-contact.

Interface de contrôle Nanonis des trois boucles de régulation ADC (b), AGC et PLL (c) du NC-AFM utilisé.

I.4.4.1 La boucle AGC

La boucle AGC reçoit le signal z(t) et en extrait l'amplitude d'oscillation A(t) qui sera comparée à la valeur de consigneAc. À partir de la diérence∆A(t) =A(t)−Ac, le signal de dissipationW(t) est calculé via une boucle de régulation PI (Proportionnel Integral). Ce signal est ensuite modulé par un signal de référence Ref(t) = sin[ω(t)t+ϕ]extrait par la PLL an d'obtenir le signale(t)∝W(t)×Ref(t), réinjecté dans l'excitateur piézoélectrique du cantilever.

La perte d'énergie est ainsi compensée et l'amplitude maintenue constante.

I.4.4.2 La boucle PLL

La boucle PLL reçoit le signal z(t)et génère le signal Ref(t) de même fréquence quez(t) et xe sa phaseϕ de façon à maintenir un déphasage de π/2, condition nécessaire pour maintenir la fréquence d'oscillation à la fréquence de résonance [36]. Elle extrait également la valeur de l'écart en fréquence ∆f(t) =f(t)−f0 et la transmet à la boucle ADC.

I.4.4.3 La boucle ADC

La boucle ADC maintient l'écart en fréquence∆f(t)constant en ajustant la distance pointe-surface D(t). Le signal D(t) est calculé à partir de l'écart en fréquence ∆f(t) à la valeur de consigne∆fc. En suivant l'évolution du signal D(t), une image topographique de la surface est déterminée.

Expérimentalement, le microscopiste contrôle les paramètres”P”(gain proportionnel) et”t”

(constante de temps) des régulateurs PI (t=I/P) de chacune des trois boucles. Les guresI.13b etI.13c présentent l'interface de contrôle des diérentes boucles. La maîtrise de ces paramètres est très importante car elle permet de s'adapter aux conditions expérimentales qu'imposent les diérents échantillons étudiés tels que l'état général de la surface et la nature du matériau. La régulation en temps réel de l'oscillation est ardue à maintenir en dehors des conditions idéales d'imagerie : surface plane et distance pointe-surface grande, i.e. forces d'attractions faibles. Lors d'acquisition à haute résolution, ou sur des surfaces présentant une grande rugosité (de l'ordre du nanomètre), l'utilisateur doit adapter les paramètres P et t an d'éviter un contact de la pointe avec la surface qui peut s'avérer fatal pour la pointe.

I.4.5 Les sondes ou "pointes"

La sonde se compose d'un cantilever et d'une pointe. Le cantilever possède une fréquence de résonance propref0, une raideurkainsi qu'un facteur de qualitéQ. Ces trois paramètres servent à caractériser un cantilever et peuvent varier d'un type de cantilever à l'autre. Généralement, une fréquence de résonance et un facteur de qualité élevés sont les signes d'une pointe de bonne qualité, c'est à dire très sensible aux forces de surface et qui permet d'obtenir de très bonnes résolutions.

Il existe une grande quantité de cantilevers diérents, chacun servant pour un mode précis : NC-AFM, nano-indentation, KPFM. . . Au cours de cette thèse, des cantilevers en silicium adap-tés au mode non-contact, de fréquence f0 ' 300kHz, de raideur k '40 N/m et de facteur de qualité Q= 30000−40000 ont été utilisés.

Les cantilevers utilisés en mode Tapping possèdent une fréquence de résonance comprise entre 50 et 300 kHz, une constante de raideur de plusieurs dizaines de N/m et un facteur de qualité qui avoisine 100 à l'air.