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2 Analyse des collages et des interfaces de collage

2.2 Microscopie acoustique à balayage

La microscopie acoustique à balayage (Scanning Acoustic Microscopy / SAM) est une technique d’observation non destructive qui repose sur l’étude de la propagation d’une onde acoustique à travers différents milieux. Le changement de milieu d’un point de vue acoustique correspond à une variation de l’impédance acoustique Z qui est une propriété intrinsèque du matériau traversé (on peut rapprocher cette impédance de l’indice de réfraction en optique). L’impédance acoustique d’un matériau donné est définie par le produit de sa masse volumique

ρ

par la vitesse V à laquelle se propage l’onde acoustique dans celui-ci [Lisy’94] :

V

Z =

ρ

× (15)

Dans le cas de deux matériaux collés de nature différente, il y a changement d’impédance acoustique au niveau de l’interface de collage. Une onde acoustique d’intensité I0 se

propageant à travers un matériau d’impédance acoustique Z1 peut alors être réfléchie au sein

de ce même matériau avec une intensité Ir ou transmise au sein du second matériau

d’impédance Z2 avec une intensité It, comme schématisé en Figure 56. Avec un système de

détection des différentes ondes acoustiques il est donc possible d’analyser une interface de collage.

Figure 56 : Propagation d’une onde acoustique dans le cas de deux matériaux collés

Nous travaillerons par la suite dans une configuration en réflexion. On peut définir le coefficient de réflexion R [Lisy’94] [Guo’02] :

2 1 1 2 Z Z Z Z R + − = (16)

Selon le signe de R l’écho réfléchi se traduit par un signal positif ou négatif. Le coefficient de réflexion relie les intensités émise et réfléchie par la relation suivante :

0 2 I I R = R (17)

Il existe différents modes de propagation d’une onde au sein d’un matériau : longitudinal ou transverse. Les vitesses de propagation de ces deux modes sont différentes : il en résulte une impédance acoustique propre à chaque mode. Pour notre part nous travaillons en mode transverse. La vitesse de propagation en mode transverse VL d’une onde au sein d’un matériau

est directement reliée aux propriétés de celui-ci (module de Young E, coefficient de Poisson ν et masse volumique

ρ

) :

(

)

(

)(

)

11 2 3 44 5 6 − + − =

ν

ν

ρ

1 1

ν

2 1 E VL (18)

Le Tableau 10 récapitule l’ordre de grandeur de la mass volumique et de l’impédance acoustique longitudinale de divers milieux pouvant être impliqués dans nos empilements [Hadimioglu’90] [Sapriel’94] [Maev’97] [Guo’02].

matériau masse volumique (g/cm3) impédance acoustique longitudinale (kg/m2s) silicium ~ 2,3 ~ 20 oxyde de silicium ~ 2,5 ~ 13 verre ~ 2,5 ~ 15 polymère vitreux ~ [0,8-10] ~ [2-4] polymère caoutchoutique ~ [0,8-10] ~ [2-4] eau 1,0 ~ 1,5

gaz (air par exemple) ~ 0,0013 ~ 0,0005

Tableau 10 : Ordre de grandeur des masses volumiques et des impédances acoustiques longitudinales de divers matériaux

Dans le cas d’une onde qui atteindrait une interface entre un gaz (de l’air par exemple) et un solide (du silicium par exemple) la relation (16) nous indique qu’il y a une réflexion quasi- totale de l’onde. Dans le cas de nos structures si un gaz est emprisonné au niveau d’une interface ou d’une interphase de collage nous pourrons donc aisément le détecter. Cette forte rupture d’impédance ainsi que la faible propagation des ondes acoustiques dans l’air implique également l’utilisation d’un liquide couplant (de l’eau mais il est également possible d’utiliser d’autres liquides ou des matières visqueuses) lors de l’analyse. Comme schématisé en Figure 57 la structure étudiée est immergée dans de l’eau. Un émetteur/capteur d’ondes acoustiques balaye l’échantillon et permet une analyse bidimensionnelle (« pleine plaque ») [Attal’98]. La fréquence des ondes acoustiques que nous utilisons est de 100 MHz (ultrasons). La résolution est dans ce cas d’environ 30 µm latéralement et 10 nm verticalement. Expérimentalement il est nécessaire de « focaliser » l’onde acoustique sur le plan que l’on souhaite analyser.

Figure 57 : Schéma de principe de la microscopie acoustique à balayage

Nous avons appliqué la microscopie acoustique à balayage à nos structures afin d’analyser les interfaces et/ou interphases de collage. Nous sommes en mesure de détecter d’éventuels gaz

couplant (eau) et la plaque supérieure de Si (on a une augmentation d’impédance). Cet écho est constitué d’un pic principal et de contre-échos symétriques. Ensuite les deux interfaces de collage Si-polymère et polymère-Si sont à l’origine d’un écho « hybridé ». Cet écho « hybridé » correspond à la superposition d’un écho négatif (interface Si-polymère, diminution d’impédance) et d’un écho positif (interface polymère-Si, augmentation d’impédance). On remarquera que la distance entre les divers échos observés est directement reliée à l’épaisseur du matériau (si on connaît la vitesse de propagation de l’onde).

Figure 58 : Exemple d’un oscillogramme dans le cas de l’analyse d’un collage de deux wafers Si par un polymère

Expérimentalement il est possible de sélectionner un écho spécifique. En balayant toute la surface de l’échantillon il est alors possible d’imager la « surface » analysée. Dans notre cas l’écho d’importance est celui associé aux interfaces ou interphases de collage.

La Figure 59 présente une analyse d’un collage deux wafers Si par du BCB d’une épaisseur de 10 µm. Des défauts de collages peuvent être observés au centre des zones en bleu clair.

Figure 59 : Analyse en microscopie acoustique à balayage d’un collage de wafers Si par 10 µm de BCB et présentant des défauts de collage

La Figure 60 présente également une analyse d’un collage deux wafers Si par du BCB d’une épaisseur de 10 µm. Nous constatons ici que l’image présente deux taches distinctes : une première en son centre et une seconde concentrique en périphérie. Ces taches sont le reflet d’une variation d’épaisseur du polymère que nous évaluons ici à environ + 2 µm à partir de l’oscillogramme brut et des vitesses de propagation. Le collage a ici été réalisé en réticulation in-situ (détail au paragraphe 1.2.2). La forte fluidité du polymère pour ce type de réticulation est très certainement l’une des causes de cette variation d’épaisseur. La configuration des taches observées révèle en réalité un défaut de planéité des platines de compression de la machine de thermocompression utilisée. La microscopie acoustique à balayage nous a permis d’améliorer les paramètres du procédé, au point de quasiment supprimer les différences d’épaisseur.

Par exemple, pour s’affranchir de la variation d’épaisseur nous avons optimisé le procédé de collage en diminuant la pression appliquée et en intercalant des substrats Si et graphite (afin de mieux repartir la pression) entre la structure à coller et les platines de compression. Par ailleurs la diminution de la pression appliquée n’a pas d’effet significatif sur l’énergie d’adhérence de la structure.

Figure 60 : Analyse en microscopie acoustique à balayage d’un collage de wafers Si par 10 µm de BCB et pour lequel l’épaisseur de BCB n’est pas uniforme

La Figure 61 présente les analyses de collage de deux wafers Si par du PDMS d’une épaisseur de 10 µm, pour les deux modes de réticulation que nous avons considérés dans notre étude (réticulations in-situ et ex-situ / détails au paragraphe 1.2.2). La température appliquée lors de la thermocompression est ici de 100 °C pour les deux exemples. Dans le cas d’une réticulation in-situ on constate comme précédemment une sensibilité du polymère à l’uniformité de pression en raison de sa fluidité (ici le faible contraste en comparaison du cas précédent indique une faible variation d’épaisseur). Dans le cas d’une réticulation ex-situ des zones non- collées sont observées en périphérie ainsi que quelques défauts de collage (la couleur violette signale la présence d’une lame d’air). La topographie de la surface collée, réticulée avant assemblage par thermocompression, est certainement à l’origine de la zone non-collée en périphérie. D’autre part des particules localisées au niveau de l’interface de collage sont vraisemblablement à relier aux défauts de collage (dans le cas du collage en réticulation in- situ ces particules sont certainement enchâssées dans le polymère lorsqu’il est liquide). Dans le cas du PDMS un procédé d’assemblage en réticulation in-situ semble donc plus approprié pour la réalisation d’un joint de colle sans défauts de collage.

collage PDMS réticulation in-situ collage PDMS réticulation ex-situ

Figure 61 : Analyse en microscopie acoustique à balayage d’un collage de wafers Si par 10 µm de PDMS pour une réticulation in-situ ou ex-situ du PDMS

Nous avons présenté quelques exemples d’observation d’interface par microscopie acoustique à balayage. Ce type d’analyse nous a permis d’optimiser les procédés de collage que nous avons développés pour des polymères vitreux et caoutchoutiques. En comparaison de la microscopie en transmission infrarouge, les principaux attraits de cette méthode sont de pouvoir mettre en évidence des défauts de collage spécifiques et d’évaluer une uniformité d’épaisseur de polymère lorsque celui-ci fait office d’interphase de collage.