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Chapitre 1. Les réseaux électriques actuels et futurs – contexte, enjeux et évolutions

B. Sur un microréseau sans inertie

Lorsque le réseau est créé par un dispositif de stockage associé à un onduleur (« onduleur source de tension » (OST)), tout le principe d’équilibre des puissances actives par la régulation de fréquence doit être repensé. Plusieurs approches existent : faire fi des méthodes classiques de régulation en optimisant la supervision via un réseau d’information globalisé, ou bien tenter de s’inspirer de la régulation de fréquence existant sur les réseaux classiques en recréant une variation de fréquence pour assurer la coopération des sources.

1. Avec fréquence fixe

Lorsque le réseau est créé par un onduleur, la fréquence est classiquement fixée à sa valeur de référence par une horloge. Cette dernière ne peut donc plus être utilisée comme témoin du déséquilibre de puissance. La tension efficace créée par l’onduleur et imposée aux différents points du microréseau devient la seule variable. Néanmoins, si cette dernière varie en fonction de la charge, elle dépend également de l’impédance des lignes créant des chutes de tension. De ce fait, se servir de la tension comme témoin semble délicat.

Pour un microréseau de faible taille (à l’échelle d’une maison, d’un refuge, …), un système de stockage de taille adéquate peut assurer seul l’équilibre. Mais pour des microréseaux de taille supérieure (plusieurs habitations, village, île…) un superviseur devient essentiel afin de garantir l’équilibre sans faire reposer cette charge sur une seule source de tension.

La puissance Post envoyée par un onduleur source de tension associée à une batterie est

directement :

𝑃𝑜𝑠𝑡 = 𝑃𝑐ℎ − 𝑃𝑠𝑐 (1.23)

où Pch et Psc sont respectivement la puissance consommée par les charges et la puissance

produite par l’ensemble des sources de courant (contributrices d’une certaine puissance sous la tension du réseau).

Les réseaux électriques actuels et futurs – contexte, enjeux et évolutions

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L’idée, pour le superviseur, est de moduler la puissance créée par les sources de courant (éolien, solaire, autres moyens de stockages…) pour ménager l’OST. Cette aide doit être gérée via des mesures de puissance locales, communiquées au superviseur à l'aide d'un réseau de communication externe et globalisé. Certains microréseaux reposent uniquement sur ce principe de supervision, allant jusqu’à parler de réseau virtuel, comme le Kyotango Project [LID10].

Néanmoins, la gestion d’un réseau via un superviseur externe globalisé demande un surcoût (installation de câble de communication, etc.), et crée une dépendance vis-à-vis du superviseur qui peut affecter la résilience du réseau. Nos travaux mettront donc l’accent sur des moyens de régulation automatiques sans mode commun par un réseau de communication globalisé.

2. Recréer un lien fréquence/puissance sur les OST

Utiliser la tension comme moyen de communication à travers le réseau étant délicat, seule la fréquence peut a priori être utilisée pour ce faire. Cette dernière étant déjà le témoin de l’équilibre des puissances sur les réseaux classiques, elle semble parfaitement désignée pour tenir ce rôle. Les moyens de régulation de fréquence et de participation au réglage de la fréquence des systèmes de stockage, éolien ou PV étant déjà connus, il suffit donc de recréer une variation de fréquence sur le réseau qui, à l’instar des réseaux classiques, dépendrait de l’équilibre des puissances actives produites et consommées.

Une première approche consiste à modifier les caractéristiques de commande de l’OST afin de recréer le comportement d’un groupe tournant. L’objectif est ici de créer un « émulateur » de groupe synchrone, appelé « synchronverter » [ZHO11,ZHO14]. L’intérêt est de retrouver une source de tension aux caractéristiques connues, qui peut s’intégrer dans un microréseau avec les méthodes classiques, utilisant les mêmes régulations par statisme que les groupes synchrones conventionnels. Toutefois, le comportement d’un groupe conventionnel n’est pas idéal, ce dernier étant complexe et lent par rapport aux temps de réaction des systèmes d’électronique de puissance.

Une autre approche, plus répandue et plus simple, consiste à reprendre exactement le contrôle classique d’un OST à fréquence fixe, mais en ajoutant une variation de fréquence dépendant de la puissance fournie par ce dernier au réseau.

Ainsi, la nouvelle fréquence de référence n’est plus, 𝑓 = 𝑓0, mais :

𝑓 = 𝑓0− 𝑠𝑜𝑠𝑡 ∙ (𝑃𝑜𝑠𝑡 − 𝑃0) (1.24)

où Po est la puissance de consigne de l’OST (typiquement 0 W pour économiser l’état de

charge dans le cas d’un stockeur d’énergie). sost désigne le gain de « statisme » de l’OST,

permettant de régler cette variation de fréquence. Ainsi, si l’OST fournit une puissance Post

supérieure à P0 (le stockage se décharge si P0 = 0 W), la fréquence chute. Au contraire, si l’OST

fournit une puissance Post inférieure à P0 (le stockage se charge si P0 = 0 W), la fréquence

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Ce « gain de statisme » est repris par analogie avec la régulation primaire de fréquence sur un réseau classique. De même, ce type de contrôle d’un OST est souvent appelée « régulation par statisme » (« droop control » en anglais). Néanmoins, c’est un peu un abus de langage puisqu’il ne s’agit pas ici d’une régulation ou d’un équilibrage des puissances actives, mais seulement d’une adaptation de la fréquence de l’OST, donc du réseau. L’objectif est en effet de recréer une variation de fréquence afin de permettre aux autres sources d’adapter automatiquement leur production par mesure de la fréquence du réseau, à l’aide des méthodes de régulation évoquées précédemment.

Ce choix peut sembler paradoxal compte-tenu des problèmes étudiés précédemment dus au manque d’inertie sur un réseau classique synchrone. Sur ces réseaux, le lien physique entre la fréquence et l’équilibre des puissances peut devenir un vrai problème, entraînant des creux de fréquence trop important et donc des délestages, l’objectif étant alors de limiter ces variations de fréquence. Toutefois, comme le lien fréquence / puissance est ici recréé, les degrés de liberté sont nombreux : saturation sur la fréquence, limitation de la pente… Ce type de réseau n’est plus tributaire d’un lien physique et peut choisir la façon de faire varier la fréquence.

Plusieurs onduleurs sont maintenant développés en intégrant cette adaptation de fréquence (exemple : onduleur Sunny Island [SMA11]) et plusieurs travaux étudient des microréseaux employant de tels OST, qu’il y en ait un ou plusieurs. En effet, un OST peut être le seul maître du microréseau en imposant tension et fréquence. D’autres coopérateurs (sources de courant) doivent alors aider l’OST à assurer l’équilibre en adaptant leur puissance en fonction de l’écart de fréquence. Mais plusieurs OST peuvent aussi être connectés en parallèle et fonctionner en synchronisme à l’instar des groupes tournants, avec le lien fréquence/puissance recréé à l’équation (1.24). Chacun participe alors à la répartition des puissances selon leur valeur de gain de statisme.

Les travaux de [ERB15] étudient les deux configurations, avec un OST maître centralisé ou plusieurs OST maîtres distribués et en établissent une comparaison. Toutefois, les modèles présentés dans la littérature portent plus souvent sur une configuration avec plusieurs OST en parallèle, du fait d’un potentiel accroissement de la résilience grâce à la présence de plusieurs maîtres sur le réseau. Ces types de réseau sont notamment étudiés dans [ENG05] et est notamment testée sur l’île grecque Kythnos [TSE03]. Un microréseau avec plusieurs OST en parallèle peut cependant présenter des soucis d’instabilité qui seront précisément étudiés dans cette thèse. Les travaux de [MOH08] et [MAR15] étudient cette instabilité et proposent des solutions pour améliorer la stabilité du système.