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Généralités

Depuis le début de la biologie moléculaire, il était acquis que l’expression d’un gène se faisait de façon linéaire : Le gène, sous le contrôle de différentes protéines régulatrices, semblait être tout d’abord transcrit en un ARN messager qui lui-même était traduit en protéines. Or, de petites séquences d’ARNs, appelée microARN, découverts récemment ont une grande importance dans le contrôle de ce processus. En effet, ils interviennent dans la régulation des ARN messagers et semblent être indispen- sables au bon fonctionnement des cellules. Ils interviennent dans de nombreux processus biologiques physiologiques (dont le fonctionnement des cellules du système immunitaire) et physiopathologiques (dont le cancer).

Définition

Les microARNs sont des ARNs, non codants, de petites tailles (20 à 22 nucléotides environ). Ils sont présents dans le génome de nombreux organismes multicellulaires (plantes comme ani- maux) mais aussi chez les virus. Ce sont, pour la plupart, des régulateurs des ARN au niveau post- transcriptionnel. Ils interviennent dans de nombreux processus biologiques comme la prolifération, la différenciation cellulaire, l’apoptose. . .Un même microARN peut avoir des fonctions différentes en fonction du type cellulaire dans lequel il est exprimé. Le profil d’expression des microARNs est donc tissu-dépendant et peut être modifié dans un contexte pathologique.

Ils agissent sur leurs cibles grâce à la complémentarité imparfaite (chez les animaux) ou parfaite (chez les plantes) de leurs séquences. En effet, le mécanisme d’action des microARN chez les plantes nécessite une complémentarité parfaite alors que chez les animaux, d’autres mécanismes complémen- taires autorisent une plus grande tolérance. Cette souplesse permet au miR de se fixer sur plusieurs cibles : Un microARN peut, en effet, se fixer sur des centaines d’ARNm. À l’inverse, une protéine

microARN (avec une action directe des petits ARN sur les ARNm) est décrit [84] [85]. En 2003 ap- parait la première description du changement de profil des microARNs dans les cancers [86]. Depuis les années 2000, les microARNs ont été décrits chez les organismes des plus simples au plus com- plexes : Ils ont été étudiés chez les plantes, les algues, les champignons, les virus, les poissons, les mammifères... Cette propriété de conservation dans l’évolution a notamment servi pour l’identifica- tion des microARNs. Actuellement, on en dénombre plus de 800 décrits chez l’Homme mais plus de 1000 ont été prédits. Leur panel de fonctions s’agrandit encore tandis que leurs mécanismes d’action demeurent mal connus. Leurs cibles sont souvent putatives.

Conservation dans l’évolution

Beaucoup de microARNs sont conservés dans l’évolution, ce qui suggère leurs rôles cruciaux et la pression de sélection qu’ils subissent. En effet, let-7 décrit pour son implication dans le dévelop- pement chez C. elegans, est présent également chez l’Homme, la souris, la drosophile, le poisson- zèbre. . .[87] Les séquences-cibles des microARNs sont également conservées. Il est décrit qu’un changement (mutation, amplification, translocation, délétion...) du microARN ou de sa séquence- cible dans l’ARNm peut être la cause d’un cancer [88].

Les microARNs dans le génome

La plupart des microARNs proviennent de régions du génome distinctes de celles où se trouvent des gènes déjà décrits. Cependant un quart des microARNs humains se trouvent dans les introns de gènes d’ARNm [89]. Il existe de rares exemples où le microARN se trouve dans un exon. Les microARNs ont, la plupart du temps, la même orientation que l’ARNm suggérant qu’ils sont transcrits de concert avec l’ARNm et n’ont donc pas de promoteur propre. Cela peut aboutir à l’expression coordonnée du microARN et de la protéine. Toutefois, un tiers des microARNs se trouvant dans les introns ont leurs régions d’initiation de la transcription propres et indépendants [90].

La plupart des microARNs humains sont isolés dans le génome, mais il existe des transcrits pri- maires multi-cistroniques appelés "cluster" [89] qui peuvent être co-exprimés ou être exprimés de manière indépendante. A l’inverse, des microARNs, co-exprimés, peuvent ne pas appartenir au même cluster.

FIGURE 6 – La transcription et la maturation des microARNs

ment une structure en tige-boucle. Il est reconnu par l’exportine-5 puis transporté dans le cytoplasme. Il est pris en charge par une autre RNAse III, Dicer, qui coupe la boucle. Un ARN de petite taille est alors libéré : Il contient le microARN sens (miR) et le microARN anti-sens (miR*). Les deux brins sont probablement séparés sous l’action d’une hélicase encore inconnue à ce jour. Généralement, le microARN anti-sens est dégradé. Cependant, il arrive que les deux brins soient fonctionnels et pris en charge séparément. Le microARN mature, simple brin, est aussitôt pris en charge par un complexe nommé RISC contenant des protéines de la famille des Argonautes. C’est le complexe miRNA/RISC qui va agir sur les ARN messagers (Figure 6). Dans la plupart des cas, seul le microARN sens est pris en charge par le complexe RISC. Cependant il a été montré des cas où les deux brins sont pris en charge séparément et sont tous les deux fonctionnels.

L’action des microARNs sur les ARN messagers

FIGURE 7 – A : Parfaite complémentarité entrainant une dégradation des ARNm ; B : Inhibition de

l’initiation de la traduction ; C : Dégradation des polypeptides ; D : Inhibition de l’élongation Inhibition de la traduction

L’inhibition de la traduction a souvent lieu lorsque la complémentarité microARN/ARNm n’est pas parfaite. Elle peut avoir lieu à l’initiation et/ou au stade de l’élongation de la traduction. Trois différents mécanismes d’inhibition ont été décrits.

Le premier empêche l’initiation de la traduction. Elle nécessite que l’ARNm ait une structure 7- methylguanoside en 5’ (m7G cap). Le microARN interfère dans la reconnaissance de ce site par les protéines qui s’y lient (Figure 7B).

Le deuxième mécanisme intervient pendant le stade d’élongation, selon un mode encore peu connu. Une fraction au moins des ribosomes est engagée dans la traduction mais ne sont pas stables. Le modèle proposé est le suivant : Les ribosomes commencent la traduction mais se détachent pré- maturément [91]. Un autre modèle propose que les polypeptides naissants soient dégradés au fur et à mesure [92]. En effet, le complexe microARN/RISC semble être à même de recruter des enzymes protéolytiques qui dégradent les neopeptides au fur et à mesure de leurs productions (Figure 7C).

Dégradation de l’ARN messager

Lorsque la complémentarité microARN/ARNm est parfaite ou quasi-parfaite, le clivage de l’ARNm est catalysé par la ribonucléase de RISC (Ago2 chez l’Homme) au centre de la région reconnue par le microARN (Figure 7A). Les fragments d’ARNm alors libérée sont ensuite dégradés. Chez les ani- maux, seul le miR-196 a été décrit comme utilisant cette voie. Il induit la dégradation de l’ARNm de Hoxb8 chez la souris [93]. En revanche, chez les plantes, cette voie est majoritaire.

Autres rôles des microARNs

Il a été également montré que, dans certaines conditions, les microARNs peuvent activer la tra- duction de leurs ARNm cibles [94] ou interagir avec la transcription de gène [95] [96]. En effet, Vasudevan et al. ont montré que miR-369-3 s’associe avec les protéines AGO (Argonaute) et FXR1 (fragile-X-mental-retardation-related protein 1) pour se fixer au niveau de la région ARE (AU-rich element) du gène TNFα (tumor necrosis factor-α) afin d’en activer sa traduction. D’autre part, Kim et al. ont découvert un microARN, miR-320, codé dans la région promotrice du gène POLR3D. Mir- 320 interagit avec les protéines AGO1, PcG (polycomb group) et H3K27me3 (tri-methyl histone H3 lysine 27) au niveau du promoteur de POLR3D pour inhiber sa transcription. Un autre microARN, miR-373 cible aussi les promoteurs des gènes codant l’E-cadherine et CSDC2 (cold-shock domain- containing protein C2). Mais à la différence de miR-320, miR-373 active la transcription de ces deux gènes [96]. À ce jour, seuls ces trois exemples ont été décrits et les mécanismes précis ne sont pas

connus.

La régulation de l’expression des microARNs

La plupart des microARNs proviennent de régions du génome exemptes de tout gène (codant pour des longs ARNm) connu. Cependant un quart des microARNs sont liés à un gène codant pour un ARNm long : Généralement ils se trouvent dans les introns de ceux-ci. Un tiers d’entre eux, ont leurs régions d’initiation de la transcription propres et indépendantes [90]. Les deux tiers restant sont probablement exprimés en même temps que l’ARN dans lequel ils se trouvent. La plupart des mi- croARNs ont donc des promoteurs indépendants et peuvent être régulés par des facteurs de transcrip- tion. Par exemple, c-Myc, un facteur de transcription souvent hyperactif dans les cellules cancéreuses, transactive directement le cluster miR-17-92 [97].

Hormis la régulation de la transcription, l’expression des microARNs est aussi régulé par d’autres mécanismes post-transcriptionnels. Des régulations ont été observées à tous les stades de maturation et d’action des microARNs.

inconnu, Drosha n’est plus capable de couper le pri-miRNA en pre-miRNA. Il existe plusieurs hypo- thèses qui ne s’excluent pas : Une protéine ou un autre microARN peut bloquer la reconnaissance du pri-miRNA par Drosha. Il est possible aussi que ce soit Drosha lui-même qui soit régulé.

Une fois que les micro-ARN sont matures, ils doivent être pris en charge par le complexe RISC. Or les protéines entrant dans la composition du complexe RISC peuvent elles aussi être régulées, et empêcher l’interaction RISC/miRNA. Ainsi chez la drosophile, la stimulation de neurones olfactifs entraine la dégradation de la protéine Armitage. Chez la drosophile, Armitage est une protéine com- posante du complexe RISC. Sa dégradation entraine la libération de l’ARNm du microARN/RISC levant ainsi son inhibition [101]. L’équivalent d’Armitage dans les cellules humaine, la protéine Dnd- 1 (dead end 1), joue le même rôle [102].

Une fois associés avec le complexe RISC, les microARNs doivent reconnaître la séquence-cible sur les ARNm. Des protéines peuvent empêcher la fixation d’un microARN en se fixant sur l’ARNm : Par exemple, dans des conditions de stress, la protéine Hur (AU-rich element-binding protein) s’as- socie à la partie 3’ de l’ARNm de CAT-1 empêchant ainsi la fixation du miR-122 dans les cellules de carcinome hépatique [103].

Un des mécanismes d’action du microARN est de transporter les ARNm dans les corps-P où la queue polyA est enlevée. Dans certaines conditions comme un stress cellulaire, les ARNm déjà lié avec un microARN peuvent sortir des corps-P et être à nouveau traduits.