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Chapitre 1 : Introduction

3. Importance biologique des microARNs

3.1 Les microARNs et le développement

La première fonction identifiée pour un microARN était de contrôler les transitions développementales. De façon intéressante, des analyses d'expression génique globale ont révélé que l'expression des microARNs et de leurs cibles est généralement mutuellement exclusive dans les tissus différenciés (Ebert and Sharp, 2012). L'importance des microARNs a rapidement été mise en évidence puisque la déplétion des protéines essentielles à la voie des microARNs (Dicer, Argonaute, microprocesseur) est embryonique létal et ce du nématode à la souris (Bernstein et al., 2003; Grishok et al., 2001; Liu et al., 2004).

Tel que mentionné préalablement, les premiers microARNs ont été identifié chez C. elegans suite à la caractérisation de mutants présentant d'importants défauts lors du développement post- embryonnaire. C'est à dire que le phénotype associé à la perte de ces microARNs a été connu dès l'identification du microARN. Après son développement embryonnaire, le nématode C. elegans passe par quatre stades larvaires (L1 à L4) avant d'atteindre le stade adulte. Le passage au stade adulte s'accompagne de la formation de la vulve, le début de la production d'embryons et la fin du développement (Figure 16) (Resnick et al., 2010).

À tout seigneur tout honneur, le premier microARN observé, le microARN lin-4, régule les premières étapes du développement larvaire. Au cours de ces stades, lin-4 régule l'expression des protéines LIN-14 et LIN-28 (Lee, 2001; Moss et al., 1997; Wightman et al., 1993). Ces protéines sont fortement exprimées au tout début des stades larvaires L1 et L2 et leur inhibition par lin-4 permet d'établir le passage au stade larvaire suivant. La mutation de ce microARN cause un gain de fonction de LIN-14 et de LIN-28, ce qui entraîne la répétition de programmes biologiques associés au stade L1/L2. Les conséquences de la perte de lin-4 se répercutent tout au long du développement. Par exemple, les structures adultes (formation de la vulve, ponte des œufs) sont absentes dans ce mutant (Chalfie et al., 1981; Lee et al., 1993; Wightman et al., 1993) (Figure 16).

Le deuxième microARN identifié, let-7, est plutôt impliqué dans le contrôle de la transition entre le dernier stade larvaire et le stade adulte. Au stade L4, let-7 inhibe l'expression des protéines LIN-41 et HBL-1, qui sont des régulateurs négatifs du facteur de transcription LIN-29. L'expression de LIN-29 permet d'inhiber les processus spécifiques au stade L4 et d'enclencher ceux du stade adulte

(Grosshans et al., 2005; Johnson et al., 2005; Reinhart et al., 2000; Slack et al., 2000; Vella et al., 2004). Chez C. elegans, trois autres microARNs possèdent la même séquence régulatrice que let-7 et forment donc la famille let-7 : miR-48/84/241 (Lau, 2001; Lim, 2003). Ces trois microARNs collaborent pour inhiber l'expression de hbl-1 dans les stades plus précoces du développement (Abbott et al., 2005) (Figure16).

La famille let-7 est également importante pour la régulation de l'homologue de la protéine RAS chez

C. elegans; la protéine LET-60. L'expression de cette protéine doit être finement régulée pour

contrôler la formation de la vulve. Les membres de la famille let-7 permettent de limiter l'expression de let-60 aux cellules qui formeront la vulve (Grosshans et al. 2005, Johnson et al, 2005). Parmi les autres cibles de cette famille, on peut noter la protéine DAF-12 (abnormal Dauer formation) dont la perte de fonction permet de rétablir certains phénotypes associés à un mutant let-7 (Grosshans et al., 2005).

De façon intéressante, les homologues de lin-41 et de let-60 chez la souris et l'humain sont également ciblés par let-7 (Johnson et al., 2005; Rybak et al., 2009). De même, ce microARN est important pour contrôler le développement chez D. melanogaster (Resnick et al., 2010).

Parmi les autres microARNs importants pour le développement, le premier microARN identifié jouant un rôle dans le développement neuronal a été le microARN lsy-6 (Laterally symmetric). Celui-ci est responsable de l'établissement de l'asymétrie droite/gauche des neurones chemosenseurs ASE. lsy- 6 est spécifiquement exprimé dans la neurone de gauche (ASEL) et bloque la production du chémorécepteur GCY-5 (Johnston and Hobert, 2003). En absence de lsy-6, cette asymétrie est perdue, ce qui fait en sorte que les deux neurones formés auront les caractéristiques du neurone de droite (ASER).

Finalement, la famille de miR-35-41 est presque exclusivement exprimée dans la lignée germinale et dans les embryons (Lau 2001). Les animaux mutés pour cette famille sont embryonique létaux et stériles (Alvarez-Saavedra and Horvitz, 2010; Lau, 2001). Ces microARNs ciblent plusieurs protéines qui contrôlent la fécondité des animaux et les premières étapes du développement embryonnaire (McJunkin and Ambros, 2014; Wu et al., 2010a).

La première étude, portant sur le rôle précis d'un microARN chez les mammifères, est parue en 2004, dans la revue Science (Chen et al., 2004). Dans cette étude, le groupe du Dr. Bartel a démontré l'importance de miR-181 dans l'hématopoïèse. Chez la souris, l'expression de miR-181 dans les cellules progénitrices hématopoïétiques augmente la différenciation en lymphocytes B et diminue la production de lymphocytes T (Chen et al., 2004). D'autres études ont par la suite confirmé l'importance de ce microARN dans l'activité des lymphocytes T. miR-181 affecte plusieurs phosphatases et permet de contrôler la sensibilité des lymphocytes à différents antigènes (Li et al., 2007).

Plusieurs microARNs régulent le développement du nématode C. elegans. Le microARN lin-4 est impliqué dans les premières étapes du développement en régulant l'expression des protéines LIN-14 et LIN-28 (Lee, 2001; Moss et al., 1997; Wightman et al., 1993). Alors que, les microARNs de la famille let-7 sont impliqués plus tardivement et collaborent pour réguler plusieurs protéines dont: HBL-1, DAF-12, LIN-41 (Abbott et al., 2005; Grosshans et al., 2005; Johnson et al., 2005; Reinhart et al., 2000; Slack et al., 2000; Vella et al., 2004)

Au cours du développement, la différenciation et la spécification de plusieurs tissus impliquent les microARNs. Dans le tissu neuronal, les microARNs miR-124 et miR-9 sont exprimés spécifiquement dans les neurones matures et sont importants pour l'acquisition et le maintien de l'identité neuronale (Stefani and Slack, 2008). Dans les neurones matures, miR-124 régule l'expression d'un inhibiteur de l'épissage neuronal; PTBP1. Dans les cellules non différenciées, PTPBP1 est impliqué dans l'épissage alternatif et cause l'exclusion de certains exons. Son inhibition dans les neurones matures permet l'inclusion de ces exons, qui sont spécifiques au tissu neuronal et coïncide avec l'expression de la protéine PTBP2 (Makeyev et al., 2007).

La formation des tissus musculaires matures, tels que le muscle cardiaque est une étape clé dans l'embryogenèse et plusieurs microARNs sont enrichis dans les myocytes. La délétion de Dicer uniquement dans le muscle cardiaque, provoque des crises cardiaques chez ces embryons et bloque le développement du muscle ventriculaire. L'un des microARNs fortement exprimés dans les cellules musculaires matures de D. melanogaster à l'humain est le microARN miR-1. L'expression de miR-1 entraîne la différenciation des myoblastes en cellule musculaire et inhibe la prolifération. Ces effets sont en partie causés par la régulation de gènes importants pour la différenciation musculaire: les facteurs de transcription HAND2 et IRX5 (Stefani and Slack, 2008). Les souris miR-1-/- présentent un taux de mortalité de 50 % et plusieurs défauts cardiaques (Park et al., 2010).

Finalement, le dernier exemple qui sera présenté est celui du cluster miR-17-92 qui est surexprimé dans plusieurs cancers (Mogilyansky and Rigoutsos, 2013). Ce cluster est essentiel chez la souris et la perte de ces microARNs est létale, peu de temps après la naissance. Ces souris sont plus petites et présentent d’importants défauts dans la formation des poumons et du cœur. D'autres études ont également impliqué ces microARNs dans l'hématopoïèse et la survie des lymphocytes B

(Mogilyansky and Rigoutsos, 2013).

Seuls certains microARNs ont été présentés, mais plusieurs autres microARNs jouent des rôles importants au cours du développement des métazoaires (Park et al., 2010; Stefani and Slack, 2008). Par contre, la fonction de la majorité des microARNs reste à déterminer et à l'instar de la famille let-7 chez C. elegans, plusieurs microARNs pourraient collaborer pour affecter la même transition

développementale. La caractérisation de ces microARNs nécessitera de plus amples études et pourrait nécessiter l'étude de mutants pour plusieurs microARNs, pour révéler un phénotype.