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Micro-irradiation et études à l’échelle de l’ADN

3. Les microfaisceaux de particules chargées pour la radiobiologie

3.3. Micro-irradiation et études à l’échelle de l’ADN

3.3.1. L’impact des rayonnements ionisants sur la molécule d’ADN

L’exposition du génome aux rayonnements ionisants remet constamment en cause son intégrité en entraînant l’apparition de lésions sur la molécule d’ADN. Ces lésions peuvent être induites soit de manière directe, soit de manière indirecte via les espèces réactives oxygénées issues de la radiolyse de l’eau. Plusieurs effets peuvent alors intervenir, comme la modification de bases (création de bases oxydées par exemple), la création de sites abasiques, la formation de cassures simple- ou double-brin de la double hélice d’ADN, ou encore la création de pontages intra-chaîne ou inter-chaînes ou entre l’ADN et des protéines environnantes, comme le montre la Figure 2. En réponse à ces dommages, des cascades de protéines sont recrutées au niveau des sites endom-magés pour assurer leur signalement et éventuellement leur réparation (Polo and Jackson 2011).

Les microfaisceaux de particules chargées pour la radiobiologie

Deux types de réponse sont possibles suite à l’exposition aux rayonnements ionisants :

 Si les lésions de l’ADN sont trop importantes et non réparables, alors elles provoquent à plus ou moins long terme la mort de la cellule.

 Si les lésions sont réparables, un certain nombre de mécanismes de réparation de l’ADN entrent en action. Si la réparation est fidèle, cela n’aura pas de conséquence sur le futur de la cellule. En revanche, si cette réparation est fautive, cela peut engendrer l’apparition de séquences génétiques modifiées, provoquant l’apparition de mutations au niveau de l’information génétique ou de modifications chromosomiques (aberrations chromoso-miques).

De nombreux complexes protéiques sont impliqués dans ces mécanismes. Ils interviennent no-tamment dans les voies de réparation par recombinaison homologue (HR, Homologous Recombi-nation) ou non-homologue (NHEJ, Non-Homologous End Joining), par excision des bases (BER, Base Excision Repair) ou des nucléotides (NER, Nucleotid Excision Repair) et dans la voie de répa-ration des mésappariements (MMR, Mismatch Repair) (Christmann et al 2003). L’ensemble des effets mole culaires radio-induits a l’e chelle cellulaire concernant l’induction des dommages ADN et l’activation des voies de signalisation pour la re paration de ces dommages reste encore mal connue a l’heure actuelle.

Différents outils sont utilisés afin de générer des dommages ADN spécifiques aux rayonnements ionisants et pour suivre la réponse de certaines protéines, impliquées dans les mécanismes de

Figure 2 : Effets des rayonnements ionisants sur l’ADN. Représentation schématique des effets directs et indirects (ici induits par une particule α) sur l’ADN. La particule va ioniser et endommager l’ADN (effet

direct) ou interagir avec une molécule d’eau pour créer un radical libre (HO°) qui va réagir avec l’ADN (effet indirect). Les lésions radio-induites peuvent être de diverses natures, de la lésion affectant les

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Comme mentionné précédemment, l’utilisation de microfaisceaux d’ions a montré son intérêt dans l’étude des effets biologiques de l’exposition aux faibles doses de rayonnements ionisants et de l’effet bystander. Plus récemment, l’irradiation par des particules chargées est apparue comme un moyen pour générer des sites de dommages extrêmement localisés, et spécifiques, le long de leur parcours dans la matière. En effet, les dommages générés par une particule chargée sont le résultat d’un cluster d’ionisations localisé le long de la trajectoire de la particule. Ces io-nisations sont susceptibles de créer des dommages ADN complexes, avec une majorité de cas-sures double-brin. L’utilisation de microfaisceaux d’ions, avec les avantages énumérés précé-demment, permet ainsi de générer des dommages au sein d’une zone micrométrique dans un compartiment subcellulaire défini. Associé au développement de techniques de marqueurs téiques fluorescents, cette technique permet de visualiser et d’analyser l’accumulation de pro-téines impliquées dans les mécanismes de réparation de ces dommages ADN, ainsi que leur mo-bilité à l’échelle cellulaire (Tobias et al 2010).

Les principales protéines étudiées par cette méthode font partie des différentes cascades téiques liées à la reconnaissance et/ou à la réparation des cassures ADN double brin. Ces pro-téines sont très nombreuses et leur cascade est complexe et ne sera pas décrite ici. Nous nous concentrerons sur les plus communément utilisées. Le marqueur le plus fréquemment employé pour la visualisation des sites comportant des cassures ADN double brin est l’histone H2AX phosphorylée, notée γ-H2AX, qui a la propriété de se retrouver au niveau des sites ADN endom-magés comportant des cassures double brin. Le marquage de γ-H2AX par immunofluorescence à l’aire de fluorochromes comme la protéine fluorescente verte (GFP – Green Fluorescent Protein), montre une localisation sous forme de points brillants, appelés foci (Aten et al 2004). D’autres protéines sont également visualisées par cette méthode. Citons par exemple ATM qui, lorsqu’elle est activée suite à une cassure double brin, va induire la phosphorylation d’autres protéines, comme p53 et l’histone H2AX. MDC1 est une protéine jouant un rôle clé dans l’assemblage de foci radio-induits et est une des premières protéines à s’accumuler sur les sites ADN présentant des cassures double brin, tout comme la protéine 53BP1 (Hable et al 2012). Les protéines Rad51 et Rad52 sont impliquées dans la réparation des cassures ADN double brin par recombinaison homologue. La protéine PARP, quant à elle, est impliquée principalement dans la signalisation des cassures ADN simple brin.

Le caractère spécifique des dommages générés par les ions, et la possibilité des microfaisceaux d’ions d’irradier avec précision une zone micrométrique au sein d’un compartiment subcellu-laire donné en font des outils complémentaires aux techniques de micro-irradiation UV ou laser plus communément utilisées et permet d’étudier et quantifier les processus associés à l’induction et à la réparation de ces dommages radio-induits (Tobias et al 2010, Schettino et al

Les microfaisceaux de particules chargées pour la radiobiologie 2011). Les microfaisceaux présentent même des avantages par rapport à ces autres techniques, dont la dosimétrie reste difficile à évaluer (Splinter et al 2010), qui nécessitent l’utilisation d’agents sensibilisants pouvant modifier par ailleurs la chromatine (Limoli and Ward 1993), et où les types de dommages générés dépendent grandement du type de laser utilisé (Dinant et al 2007, Kong et al 2009, Grigaravicius et al 2009). Par ailleurs, la possibilité de procéder à des micro-irradiations selon des motifs géométriques définis permet de caractériser la mobilité et l’évolution spatiale des dommages radio-induits avec le temps (Tobias et al 2010, Girst et al 2013, Hlatky 2012).

3.3.2. Études des mécanismes de détection et de réparation des dommages ADN par mi-crofaisceau

Couplée à des techniques d’immunomarquages afin de visualiser les conséquences des dom-mages ADN radio-induits sur certaines protéines, l’utilisation de microfaisceaux pour l’étude des mécanismes de signalisation et de réparation de l’ADN a débuté au début des années 2000 (Durante and Friedl 2011).

Ainsi, Tartier et al ont procédé à l’irradiation de noyaux cellulaires par des protons de 3,2 MeV issus du microfaisceau du Gray Laboratory. Leur étude a montré la réponse immédiate à l’irradiation de la protéine PARP, et le recrutement concomitant des protéines ATM et Rad51 (Tartier et al 2003). Par la suite, Hauptner et al ont utilisé le microfaisceau développé au SNAKE (Superconducting Nanoscope for Applied Nuclear (Kern-) Physics Experiments) à Munich (Alle-magne) pour procéder à l’irradiation de noyaux cellulaires selon un motif géométrique. Ils ont montré que les modifications et recrutements de protéines dus à l’irradiation se retrouvent sui-vant ce motif géométrique (Hauptner et al 2004). L’irradiation selon des motifs géométriques a également permis à Greubel et al d’analyser les effets de micro-irradiations séquentielles et de mettre en avant un effet de compétition pour le recrutement de la protéine 53BP1 (Greubel et al 2008). Girst et al ont tiré parti de la capacité des microfaisceaux d’ions à procéder à des micro-irradiations selon un motif régulier pour suivre le mouvement de foci MDC1. Une mobilité sui-vant un phénomène de subdiffusion a été mise en évidence par ces travaux (Girst et al 2013). L’utilisation de techniques d’imagerie en temps réel en parallèle de l’irradiation et de protéines couplées à un fluorochrome comme la GFP permet de caractériser la cinétique du recrutement des protéines impliquées dans les mécanismes de réparation des dommages ADN radio-induits. Ainsi, plusieurs installations ont mis en place un système de vidéomicroscopie en ligne pour pouvoir visualiser ces phénomènes biologiques quelques secondes seulement après irradiation. De tels systèmes ont été mis en place, tout d’abord à GSI (Darmstadt, Allemagne) (Jakob et al

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