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Irradiation ciblée et précision de tir

L’irradiation ciblée permet un contrôle précis du compartiment cellulaire irradié. Ainsi, les cibles à irradier sont choisies manuellement par l’utilisateur ou reconnues automatiquement par traitement d’image. Le faisceau est positionné sur celles-ci durant un temps défini, ou jusqu’à ce que le nombre de particules prédéfini soit détecté. La qualité de l’irradiation ciblée est donnée par la précision de tir du système considéré. Elle est définie comme la distance entre le point visé et le point d’impact réel du faisceau.

3.1. Évaluation de la précision de tir sur détecteur de traces

Dans un premier temps, cette précision de tir a été évaluée sur détecteur de traces. Pour cela, la méthode d’irradiation en deux temps décrite dans le chapitre A-4 et similaire à celle utilisée sur différentes installations (Peng et al 2001, Heiss et al 2006) est mise en œuvre. La Figure 33 pré-sente les points ciblés lors de la deuxième irradiation ainsi que le résultat de celle-ci.

La Figure 33-B permet d’estimer la précision de tir du système. Au centre des croix se trouve le point-cible, plus sombre car irradié deux fois. Cette figure montre une bonne précision de tir du système avec une distance entre le point ciblé et le point irradié inférieure à 5 μm. Ce résultat est cependant majorant car l’utilisation de CR39 (notamment en raison de l'attaque chimique effec-tuée et de la taille des traces révélées) ne permet pas d'obtenir une valeur plus précise. De plus, l’irradiation de détecteurs de traces n’est pas complétement représentative d'une irradiation de cellules maintenues dans leur milieu. En effet, les phénomènes de réfraction de la lumière, pre-nant place aux interfaces entre le puits de culture et l'air, peuvent entraîner un décalage entre la position d'une cible sur l'image et sa position réelle et ainsi dégrader la précision de tir. Ce phé-nomène n’entre pas en ligne de compte avec le CR39. Une valeur plus réaliste de la précision de

A B

Figure 33 : Estimation de la précision de tir du système sur détecteur de traces. Le CR39 est irradié en deux temps. (A) Points issus d’une première irradiation, par des particules α de 3 MeV, et utilisés comme cibles pour (B) une deuxième irradiation selon un motif en croix de 5 points espacés de 10 μm. 14 ± 3 particules α ont été délivrées sur chaque point à chaque irradiation. Le point central, plus sombre, a donc été irradié deux

Irradiation ciblée et précision de tir tir du système doit donc être mesurée sur cellules. Pour cela, nous avons tout d'abord utilisé l’immunodétection de protéines liées à la réponse aux cassures de l’ADN, comme l’histone H2AX phosphorylée, qui permet de visualiser les conséquences de l’irradiation sur un noyau cellulaire (Heiss et al 2006).

3.2. Évaluation de la précision de tir par immunomarquage de noyaux cellulaires

La micro-irradiation ciblée de noyaux cellulaires avec un faisceau de protons de 3 MeV, selon un motif en croix de 5 points et de 10 μm de large, a donc été entreprise. Afin de visualiser les dommages générés, les cellules HeLa ont été fixées après irradiation et immunomarquées pour détecter l’histone H2AX phosphorylée (γ-H2AX).

La Figure 34 montre des immunomarquages γ-H2AX suite à l’irradiation ciblée. Ce résultat il-lustre la précision de tir typiquement obtenue en condition d'irradiation cellulaire (puits de cul-ture rempli de milieu). Là aussi, les points impactés sont situés à moins de 5 µm des points ci-blés. Cette méthode permet de confirmer que la précision de tir est suffisante pour irradier

sé-Figure 34 : Cassures ADN double-brin induites par l’irradiation ciblée des barycentres de noyaux de cellules HeLa par des protons de 3 MeV. Les noyaux sont marqués avec du Hoechst 33342 (bleu), et immunomarqués contre la forme phosphorylée de l’histone H2AX (vert). Chaque noyau est ciblé en son centre et irradié en 5 points selon un motif en croix de 10 μm de large. 100 ± 10 protons sont délivrés sur chaque point. Les cellules ont

D–PERFORMANCES DE LA LIGNE DE MICRO-IRRADIATION

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tion des cellules (temps caractéristique de la phosphorylation de H2AX), avec des mouvements cellulaires possibles pendant ce temps. Par ailleurs des mouvements cellulaires ou chromati-niens sont également possibles durant la fixation elle-même. Ces mouvements entraînent alors un mouvement des zones endommagées au sein des noyaux, et donc un décalage par rapport à la zone initialement ciblée et irradiée.

3.3. Mesure de la précision de tir par vidéomicroscopie en ligne

Afin de pallier à ce problème, il est nécessaire de pouvoir visualiser les conséquences de la mi-cro-irradiation le plus tôt possible. Les techniques de vidéomicroscopie en ligne offrent une al-ternative intéressante puisqu’elles permettent de visualiser la dynamique de protéines réagis-sant quelques secondes après l’irradiation. En effet, dans ce cas, les mouvements chromatiniens restent limités, et aucune fixation ne risque d’induire d’autres mouvements non désirés. Dans ces travaux, nous avons utilisé la protéine XRCC1. Cette protéine est impliquée dans un grand nombre de mécanismes de réparation de l’ADN, notamment la réparation des cassures simple-brin (Brem and Hall 2005, Caldecott 2003). Son principal intérêt pour caractériser la précision de tir est le fait qu’elle est recrutée sur les sites endommagés de l’ADN quelques secondes seu-lement après irradiation (Mortusewicz and Leonhardt 2007). Nous avons utilisé des cellules HeLa transfectées pour exprimer XRCC1 couplée à la GFP.

Les noyaux de ces cellules expriment la protéine XRCC1-GFP uniformément avant irradiation, ce qui permet leur ciblage. Après irradiation, la fluorescence vient se concentrer sur les sites des dommages ADN. Nous avons donc ciblé puis irradié ces noyaux cellulaires selon un motif en croix de 5 points et de 10 μm de large, et l’évolution de la fluorescence a été enregistrée par vi-déomicroscopie. La Figure 35 montre d’une part le ciblage de noyaux cellulaires au sein d’un champ de microscope, et d’autre part la relocalisation de la protéine XRCC1-GFP sur les sites endommagés 1min30 après irradiation par 1000 ± 30 protons de 3 MeV.

Contrôle du nombre de particules déposées

Cette figure illustre notre capacité à visualiser, cibler et micro-irradier des cellules vivantes dans leur milieu de culture avec un nombre moyen de particules, puis à suivre en temps réel la dyna-mique de protéines d’intérêt et ce sans avoir à déplacer le puits de culture. La précision de tir du dispositif d’irradiation peut alors être déterminée en mesurant la distance moyenne entre le point ciblé et le centre du motif en croix apparaissant dans le noyau après irradiation. Sur 20 noyaux cellulaires, les points irradiés sont situés dans un cercle de rayon moyen de 2,0 ± 0,7 µm autour du point ciblé

La précision de tir du système de micro-irradiation permet donc de cibler sélectivement des noyaux cellulaires mais également de délivrer les particules suivent un motif géométrique d'une taille comparable à celle du noyau (cf. Figure 35). Cette précision permet également d'envisager le ciblage de structures plus petites qu'un noyau de cellule humaine comme par exemple les noyaux embryonnaires du nématode C. elegans (cf. chapitre F). On peut enfin noter que la préci-sion de tir de ce système est comparable à celle mesurée sur d’autres systèmes similaires (Peng et al 2001, Greif et al 2006, Hable et al 2009, Merchant et al 2012).