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L’existence d’une relation entre la présence d’une activité et la patrimonialité n’a pas été prouvée. Cependant, la littérature montre que l’abandon de parcelles agricoles a un impact sur leur diversité floristique. Une étude menée dans les Alpes a permis de montrer que l’abandon de systèmes culturaux diminue la richesse floristique (Maurer, 2006). Cette perte de diversité floristique est principalement due à la compétition pour la lumière puisque la succession végétale tend vers le développement de ligneux notamment les saules, les bouleaux et les aulnes (Falinska, 2000 in Joyce, 2014). Ainsi, les espèces les plus compétitives tels que les roseaux, la molinie ou la reine des prés sont favorisées au détriment des autres espèces végétales. Les espèces rares et protégées sont souvent les premières à être menacées par la colonisation des milieux (Joyce, 2014). On peut citer à titre d’exemple le genre Dactylorhiza ou certains Carex. Le maintien d’une activité est donc favorable vis-à-vis de la diversité floristique, cependant, tout dépend des pratiques mises en place et de leur intensité.

En effet, il a été mis en avant que les prairies mixtes et les mosaïques sont des milieux prioritaires vis-à-vis des enjeux importants qu’elles présentent à l’inverse des prairies de pâture. L’intérêt des mosaïques est certainement dû à la présence de milieux différents ce qui augmente les espaces d’interface, souvent moins impactés par les activités présentes. Dans le cas des lisières de forêt, elles sont souvent plus riches en espèces végétales car elles regroupent des espèces des milieux adjacents (Alignier et al., 2013). Quant aux prairies de pâture, la richesse en espèces en danger est impactée par la présence du bétail qui induit un piétinement, pression plus ou moins bien supportée en fonction des espèces végétales. Plantes rhizomateuses, cespiteuses et peu appétentes résistent mieux. Ainsi, Cynosorus cristatus, Agrostis stolonifera, Holcus lanatus, Ranunculus sp., Trifolium sp. ou Juncus inflexus par exemple (Ménard, 2014b) peuvent dominer des prairies humides surpâturées. Les espèces en danger sont aussi sensibles à la forte teneur en nutriments (Bucher et al., 2016) engendrée par les bêtes car elles sont très souvent inféodées aux milieux oligotrophes. Leur rareté dans le secteur d’étude oriente le CENB à préconiser une exploitation agricole plus extensive que ce soit pour la fauche ou le pâturage. Même pratiqué de manière extensive, le pâturage diminue la diversité des communautés végétales par rapport à une fauche tardive, comme l’a montré une étude comparative menée dans le nord-est de la France (Muller, 2003). Quant au pâturage, son effet peut être controversé. Sans se focaliser sur la patrimonialité, la diminution de la charge du troupeau n’a pas d’effet probant sur la diversité globale d’une parcelle comme on pourrait le croire mais a toutefois un impact positif sur les espèces végétales dont la vitesse de croissance est lente (Kruess et Tscharntke, 2002) comme c’est le cas pour les espèces rares et protégées. Le choix doit se faire en fonction du contexte local. Dans le cas du secteur d’étude, les prairies de fauche extensive étant rares, la pratique de la fauche est plutôt à privilégier, avec si possible, exportation afin de réduire au maximum l’apport de nutriments. Cependant, en cas de présence d’espèces invasives, il est préférable d’opter pour du pâturage extensif qui réduit leur compétition vis-à-vis des autres espèces tandis que la fauche est totalement inefficace contre les espèces invasives à rhizome (De Cauwer et Reheul, 2008) et peut, au contraire, favoriser leur propagation par bouturage et/ou par dispersion de leurs graines. La restauration des milieux oligotrophes est un travail à mener sur le long terme : aux Pays-Bas, après 25 ans d’arrêt d’apport de fertilisants et de mise en place de fauche avec

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exportation, les parcelles suivies n’ont toujours pas retrouvé les communautés végétales oligotrophes qu’elles accueillaient à l’origine (Bakker et al., 2002).

Il faut aussi revenir sur le facteur de la surface qui a un rôle direct sur les pratiques agricoles. En effet, l’intensification des pratiques depuis le XXème siècle a poussé les exploitants à posséder de grandes surfaces en lien avec l’utilisation de machines. Les petites parcelles sont alors délaissées. Malgré la fermeture du milieu qui les attend, ces espaces sont moins eutrophes et préservés de l’impact de l’intensification. Cela peut expliquer le fait que les mosaïques de grande taille ont moins de chance d’abriter de la patrimonialité que si elles étaient petites. Le résultat inverse, à savoir qu’une surface croissante augmente la chance de trouver de la patrimonialité, suggéré par le modèle de régression mis en œuvre est certainement dû au biais de l’observation de terrain. En effet, il est raisonnable de supposer que plus la surface est grande, plus la chance de trouver une espèce d’intérêt, ne serait-ce qu’un individu, est élevée.

Le gestionnaire, dans le sens de la personne qui décide des activités mises en place sur une parcelle, est donc un contact essentiel à privilégier lors de la mise en œuvre d’une politique de préservation des zones humides. Les résultats issus de la recherche cadastrale ne soulignent pas la présence d’un intérêt floristique lié aux parcelles communales.

Les facteurs qui jouent un rôle sur les milieux humides à petite échelle viennent d’être abordés mais il faut se rappeler qu’ils s’insèrent dans un contexte plus global notamment dans une matrice paysagère. Les tests n’ont pas mis en évidence un effet de la place des MHE dans la TVB qui est d’ailleurs limitée à la distance qui sépare les MHE entre eux. Cette notion est toutefois plus large et inclut des éléments structuraux du paysage tels que les haies ou boisements qui peuvent influencer la fonctionnalité des zones humides en modifiant les flux hydriques. La présence de ces arbres ralentit les ruissellements de surface et favorise l’infiltration de l’eau (Viaud, 2004) lorsqu’ils forment une ligne perpendiculaire à la pente et redirigent les écoulements dans les autres cas. De manière générale, l’occupation du sol sur l’espace de fonctionnalité a un impact sur les flux hydriques superficiels en modifiant la capacité d’infiltration. Plus complexe, il ne faut pas aussi oublier que les zones humides sont connectées aux eaux souterraines. En effet, un bilan hydrologique effectué sur une zone humide alluviale du bassin de la Seine a montré que son alimentation en eau provenait aux trois-quarts de la nappe sous-jacente, le reste étant fourni par les précipitations (Weng, 2000 in Vernoux et al., 2010). Les zones humides de vallée alluviale et de terrains en pente sont souvent alimentées par un aquifère proche de la surface (Vernoux et al., 2010). Des interactions en sens inverse ont aussi lieu et une zone humide peut ainsi contribuer à alimenter une nappe et à améliorer la qualité des eaux souterraines grâce à son rôle épurateur par immobilisation dans le sol des substances polluantes dissoutes ou stockage dans les végétaux (Ducharne et al., 2003). Vis-à-vis des rôles hydrauliques que présentent les zones humides, le CENB privilégie les grandes surfaces, choix conforté par les résultats obtenus. Cependant, il est important de conserver une hétérogénéité au sein d’un territoire afin de préserver la faune liée à différents milieux. Certaines espèces d’amphibiens, par exemple, peuvent être observées dans des zones humides à courte hydropériode mais absentes lorsqu’elle est longue (Snodgrass et al., 2000), hydropériode dépendante de la surface de la zone humide.

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