Puis, avec une couronne de trépan, nous en avons
fait sauter
une rondelle. De cette façon, il nous a été
permis d'atteindre
facilement la muqueuse nasale et les cornets.
Nous commencions d'abord par altérer la muqueuse,
soit
avec un tampon imbibé d'ammoniaque
liquide, soit
avecle
thermocautère, soit enfin simplement avec
l'extrémité d'un
stylet.
— 28 —
Après inoculation successive de culture
d'Aspergillus,
soit seule, soit diluée dans un peu de glycérine, nous avons refermé la plaie avec quelques points de suture et nous avonsappliqué un pansement au collodion.
Les lapins, dont l'état général n'a été d'ailleurs en aucune
façon altéré, ont été sacrifiés douze jours après.
Notre premier soin a été de rechercher si nous ne trouve¬
rions pas dans les autres organes, reins, poumons, foie, intes¬
tin, des lésions pseudo-tuberculeuses que nous pourrions rapporter à VAspergillus fumigatus. Car il a été suffisamment démontré par de nombreux expérimentateurs que l'injection
dans une veine du lapin de spores
d'Aspergillus
fumigatusdéterminait chez lui une affection grave qui le tuait : à l'au¬
topsie, on trouvait surtout du côté des reins des lésions iden¬
tiques à celles produites par le bacille de Ivoch et qui, au
microscope ou ensemencées sur du liquide de Raulin, ont été reconnues être d'origine aspergillaire.
Dans notre cas, nous n'avons jamais pu déceler la présence
d'aucune lésion pseudo-tuberculeuse sur aucun des viscères examinés. Restait doncla lésion locale.
Lapin n° 1.
Ce lapin avait étéinoculé avec une culture d'Aspergillus diluée dans de l'eau légèrement glycérinée, la muqueuse nasale ayant été au
préalable largement cautérisée avec un tampon imbibé de solution
d'ammoniaque.
La plaie était bien guérie; pas d'adhérences de lapeau autissu
sous-jacent. Pas de présence de production mycosique sur les bords de l'orificetrépané.
Avec la gouge nous faisons sauter la voûte supérieure de la cavité nasale etnous pouvonsalorsexplorer tous les cornets.
Ici pas lamoindre traced'altération; la muqueuse,rosée, paraît nor¬
male. Tout au plus trouve-t-on danslapartie qui aété dilacéréepar le trépanun peud'hyperémie autour des parcelles d'Aspergillusque nous retrouvons d'ailleurs presque intactes, telles que nous les y avions introduites.
L'examen au microscope que nous en avons fait immédiatement, a
— 29 —
confirmé notre diagnosticpar la présence de spores et de filaments
nombreux.
L'ensemencementdans leliquide de Raulin, même au bout de huit jours d'étuve à 37°, n'a rien donné du tout.
Lapin n° 2.
Ce lapin avait été cautérisé au moyen du thermocautère et inoculé
commeleprécédent.
En enlevant la couche de collodion qui recouvrait la plaie, on se trouve en présence d'un orifice béant, aux bords déchiquetés, duquel
sortuneassezgrande quantité de matière blanchâtre, épaisse, caséeuse.
L'ablation de la voûte nousmet en présenced'une poche de la gros¬
seur d'une petite noisette, nettement délimitée par une enveloppe et remplie parcette mêmematière caséeuse.
Toutautourontrouveles cornets déformés etcongestionnés.
Examen microscopique. —Cellulesépithéliales ayant subi la dégé¬
nérescencegraisseuse, globulesde pus et enfin quelques filaments my-céliens; maisces derniers très rares.
L'ensemencement dans le liquide de Raulin a été également négatif.
Lapin n° 3.
La muqueuse de ce lapin a été simplement dilacérée avec une tige
rigide, puis inoculée avecune culture d'Aspergillus, sans glycérine.
Plaie cicatrisée. On trouve dans larégion correspondant aupoint d'in¬
troduction du champignon une petite poche de la grandeur d'un petit
pois, enkystée et remplieégalement de matière caséeuse.
La muqueuse pituitaire toutautourest congestionnée. Notons
aussi la
présence, à côtéde la plaie, d'unepoche remplie desang noircoagulé.
Examenmicroscopique. —Dans la matière caséeuse noustrouvons quelques filaments mycéliens, des cellules épithéliales et des
globules
purulentstrèsnombreux.
Li ensemencement dans le liquide de Raulin nous a permis de cons¬
tater après trois jours déjà d'étuve à37°, partantde
la parcelle de
fon-gosité qui setrouveau fond, unnuageblanchâtre qui
s'élève
peuà
peuetqui, le huitièmejour, atteintpresque la surfacedu liquide.
Le douzième jour, toute la surface du liquide est recouverte d'une
couche uniforme de mycélium qui netarda pas à fructifier.
Lemicroscope nous apermis, en effet, de constater nettement
la pré¬
sence, dans ce duvet de filaments droits, des spores et des
capitules
sporifères deVAspergillus fumigatus.
— 30 —
On peut tirer de ces expériences différentes conclusions: la
première est assurément l'impossibilité pourle champignonde
se développer sur une muqueuse saine. Le mucus nasal, alors
très abondant, s'oppose au développementdu parasite.
C'est sansdoute aussi son action défensive qui a
empêcbé
la puliulation du champignon sur la muqueuse pourtant préa¬lablement altérée du premier lapin autopsié. Mais constatons que, même dans ce cas, le champignonaperdusavitalité.
Dans la deuxième expérience, nous avons noté la formation d'un énorme abcès caséiforme dans lequel les filaments
mycé-liens se sont dispersés sans avoir pu se développer. Peut-être
faut-ilvoir danscetteréaction intense de la muqueuse et dans l'intervention des microbes normaux des cavités nasales la
cause de la mort du champignon.
Enfin, le troisième cas nous est plus favorable. Ici, le cham¬
pignon, s'il ne s'est pas étendu à droite et à gauche, a eu
cependant suffisamment de vitalité pour résister à l'action du
mucus et à l'envahissement
leucocytaire,
et pour s'accroître légèrement. Mais il n'y a pas eu à proprement parler produc¬tion d'une colonie de moisissure, puisque, àl'examen direct,
si ontrouvait des filaments on ne rencontrait pas de spores ni
de capitules sporifères.
Pour que l'Aspergillus se développe sur une muqueuse, y gagne en étendue et fructifie même, il faut donc un ensemble de conditions difficiles à réaliser
expérimentalement,
mais qui, pourtant, ontpu être quelquefois naturellement réunies, ainsique le prouveront les observations que nous publierons dans
un chapitre suivant.
Siebenmann,
qui a fait de longues études sur le développe¬ment des Aspergillus sur les muqueuses, a remarqué qu'une
muqueuse qui était le siège de sécrétion purulente abondante devenait également impropre au développement et à la repro¬
duction des Aspergillus. Aussi, dans l'ozène, dans les rhinites
purulentes, jamais n'a-t-il pu isoler les filaments mycéliens.
Cependant nous verrons que dans deux observations
d'As-pergillose des sinus, le champignon s'était
développé
aumilieu- 31 —
d'une sécrétion très abondante. Nous pensons que c'est là l'exception. Dans tousles autres cas, lesmuqueuses
desquam-mées étaient le siège d'une inflammation superficielle sans
suppuration.
Des modifications superficielles de la muqueuse produites
par des microbes préparent pour ainsi dire le terrain au. déve¬
loppement successif de parasites d'un autre ordre, tels que YAspergillus fumigatus par exemple. Ilen est de l'organisme
comme des milieux en putréfaction où on assiste à une suc¬
cessionininterrompue de microorganismes, bactéries diverses, moisissures, travaillantà la destruction de la matière et prépa¬
rantles voies à des êtres appartenant au règne animal (vers, acariens, etc.), véritables travailleurs de la mort.
Sans doute, l'action pathogène de YAspergillus fumigatus
estbien établie. Ce n'est plusun saprophyte vulgaire se trou¬
vant sur les lésions comme parhasard; mais c'estun parasite
actif capable de créer sur un organisme déjà affaibli une maladie grave ayant des symptômes bien établis, une