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C - Les effets néfastes d’une prolongation excessive des séjours

Carte 1. Mesures d’hospitalisation sans consentement, évolution 2005-2009 35

D’office (HO) A la demande d’un tiers (HDT)

Il en est allé de même pour les hospitalisations à la demande d’un tiers (HDT), numériquement stables (62 880 en 2005, 62 832 en 2008), soit une baisse de 3 % par 100 000 habitants compte tenu de la croissance démographique.

Là aussi, ce nombre a tantôt augmenté, comme dans les Hautes-Alpes (+ 74 %, de 40 à 73 mesures) ou en Guadeloupe (+ 69 %, de 375 à 642), tantôt diminué, comme dans le Gard (- 34 %, de 725 à 501) ou en Meurthe-et-Moselle (- 77 %, de 812 à 185).

Les disparités des pratiques sont confirmées en termes de part des hospitalisations à la demande d’un tiers dans les hospitalisations complètes, qui varie de 1 à 48 %. Cette part, en moyenne nationale, a légèrement progressé, à 11 % des entrées en hospitalisation complète, contre 10,2 % en 2005, mais atteint 48 % dans le Finistère, 38 % en Côte-d’Or, contre 1 % en Haute-Corse, 2 % dans la Creuse et en Corse-du-Sud, 3 % dans l’Eure.

De même, le pourcentage des hospitalisations d’office au sein des hospitalisations sans consentement (16 % nationalement) s’élève à 45 % dans le Var, à 37 % dans l’Yonne et en Haute-Corse, à 36 % en Martinique, mais à 4 % dans le Nord.

Le nombre élevé des mesures d’hospitalisation sans consentement et leur évolution erratique d’un département à l’autre ne peuvent que susciter de multiples questions. Aucune analyse en profondeur de cette situation n’est cependant disponible, faute qu’ait encore abouti l’étude

35 Pour 100 000 habitants, à partir des rapports d'activité 2009 des commissions départementales des hospitalisations psychiatriques. Une même mesure peut correspondre à plusieurs hospitalisations successives du même patient, en cas de sorties d’essai supérieures à 48 heures.

financée sur ce point par la direction générale de la santé depuis 2009.

Aucune tentative d'harmonisation en fonction d'objectifs thérapeutiques ne peut de ce fait être mise en œuvre.

b) Une progression limitée des droits des personnes

Lors de l'élaboration du plan, une circulaire du 14 février 2005 avait rappelé la mission des commissions départementales des hospitalisations psychiatriques (CDHP), chargées d’examiner la situation des patients hospitalisés en raison de troubles mentaux au regard du respect des libertés individuelles et de la dignité des personnes.

L’élargissement législatif annoncé de leurs compétences36, qui aurait été le bienvenu, a été abandonné : étaient visées les mesures de placement en chambre d’isolement, de contention, de placement en service fermé de personnes en hospitalisation libre. Seuls des ajustements mineurs ont été opérés, permettant de renouveler indéfiniment les membres de ces instances, de revaloriser leur indemnisation, notamment pour les médecins libéraux, et de renforcer la confidentialité des transmissions.

La charte de l’usager en santé mentale, signée en 2000, n’a pas été mise à jour comme le plan le prévoyait, malgré la loi du 4 mars 2002 sur les droits des malades. Le plan prévoyait que la Haute Autorité de santé établisse des protocoles de soins sur des pratiques mettant en jeu les libertés individuelles, notamment le recours à la contention, mesure qui n'a pas été concrétisée, l'administration centrale indiquant qu'elle a été mobilisée dès 2007 pour la réforme qui a conduit à la loi du 5 juillet 2011 (cf. encadré page suivante).

D’autres travaux ont toutefois été poursuivis par la Haute Autorité de santé dans le champ de la psychiatrie, en dehors du plan et postérieurement à lui, notamment en matière de qualité et de facteurs de risque de violence. Leur conclusion et la parution d’une brochure relative aux droits des personnes hospitalisées sans leur consentement ont été différées jusqu'à l'adoption de la récente loi.

Le seul progrès majeur intervenu pendant la durée du plan a été indépendant de lui : la nomination d’un contrôleur général des lieux de privation de liberté en 2007, compétent pour veiller au respect des droits des personnes hospitalisées pour maladie mentale.

36 Page 43 du plan.

La loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux

modalités de leur prise en charge

"Cette loi établit une distinction fondamentale entre deux types de mesures ordonnées sans le consentement de la personne hospitalisée : l’hospitalisation complète et un ensemble de modalités particulières de soins, comme par exemple l’hospitalisation à temps partiel (de jour ou de nuit) ou encore les soins à domicile. (…)

Le juge des libertés et de la détention (JLD) doit être obligatoirement saisi avant le 12e jour suivant l’admission de la personne admise en hospitalisation complète. Il doit statuer avant l’expiration du 15e jour suivant cette admission, même le samedi et le dimanche. Il doit ensuite statuer à l’issue de chaque période de 6 mois à compter de la précédente décision judiciaire. Dans le cas où l’hospitalisation sans consentement a été ordonnée directement par la juridiction pénale ; le premier contrôle a lieu dans les 6 mois [et…] est ensuite renouvelé tous les 6 mois. Le JLD peut, soit maintenir l’hospitalisation complète, soit en ordonner la mainlevée.

Audience au siège du tribunal, dans une salle aménagée de l’établissement hospitalier ou par visioconférence: En principe, le JLD statue au siège du tribunal de grande instance. Toutefois, il pourra décider de siéger dans une salle située au sein de l’établissement hospitalier si une salle a été spécialement aménagée pour assurer la clarté, la sécurité et la sincérité des débats et lui permettre de statuer publiquement. Le JLD pourra également, en l'absence d'opposition du patient et si son état médical ne fait pas obstacle à ce procédé, décider que l’audience se déroule par visioconférence ; dans ce cas, le patient se tiendra dans la salle au sein de l’établissement hospitalier.

Les personnes entendues à l’audience : En principe, le JLD ne peut statuer sans avoir mis la personne hospitalisée sans son consentement en mesure d’être entendue. Celle-ci a la possibilité de ne pas comparaître, de comparaître en personne avec ou sans l’assistance d’un avocat ou d’être représentée par un avocat. De façon exceptionnelle, le JLD peut décider de ne pas entendre la personne au vu d’un avis médical circonstancié. La personne sera alors nécessairement représentée par un avocat choisi ou à défaut commis d’office.

La possibilité pour le JLD de prévoir un effet différé à sa décision de mainlevée: Il appartient désormais au JLD, au vu des éléments du dossier du patient, d’apprécier s’il convient ou non de différer l’effet de sa décision pendant une durée qui ne peut excéder 24 heures. Si tel est le cas, l’ordonnance de mainlevée doit faire l’objet d’une motivation spéciale. Le législateur a prévu cette possibilité afin de garantir la continuité des soins"37.

37 Source: Ministère de la justice et des libertés, juillet 2011. La loi est entrée en application le 1er août 2011.

Le cercle vicieux que le plan entendait rompre n’a pas été cassé : la saturation des lits continue à entraîner des admissions tardives et non programmées, à leur tour sources de séjours prolongés, nécessitant des solutions d’aval (réinsertion, resocialisation, réautonomisation) de plus en plus lourdes.

Dans un contexte d’insuffisance des prises en charge en amont et en aval de l’hospitalisation complète, le plan s'est efforcé de développer les alternatives à l'hospitalisation, mais il n’a de fait pas réussi à réserver, comme cela devrait être le cas, l’hospitalisation complète en psychiatrie à la prise en charge de cas lourds, dans un objectif thérapeutique précis, d’une durée brève, et relayée dès que possible par des prises en charge alternatives, sanitaires ou médico-sociales, et cela faute d’avoir pu assez développer et décloisonner celles-ci.

IV - L’insuffisance des alternatives à