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Chapitre III : Caractérisations des défauts dans les HEMTs

III- 3) Mesures capacité-tension

Comme nous l’avons déjà évoqué précédemment, les mesures capacitives restent une méthode moins complexe pour expliquer quelques phénomènes responsables des anomalies

présentes dans les caractéristiques de sortie des transistors. Avec ce type de mesures nous ne serons pas confrontés à plusieurs effets tels que l’auto-échauffement, les effets de survitesse des électrons dans le canal et l’ionisation par impact des porteurs.

Dans cette partie, nous allons effectuer une étude cryogénique de la capacité en fonction de la polarisation inverse CGS(VGS) sur des FATFET 100x160 µm2 de la plaque AEC1388. Ce type de géométrie a été choisi car la capacité mesurée est 400 fois plus grande que celle des transistors à faible longueur de grille. Les mesures ont été réalisées entre la grille et la source du composant à une fréquence de 1MHz. La figure III.9.a montre l’évolution de la capacité pour différentes températures allant de 100 K à 500K avec un pas de 25 K. A basse température, le changement brusque de la capacité entre -3 V et -3.5 V correspond à la déplétion totale du gaz 2D dans la zone interfaciale de l’hétérojonction AlGaN/GaN. Lorsque la température augmente, cette zone s’étale de plus en plus vers les tensions plus positives et la capacité diminue au fur et à mesure qu’on chauffe l’échantillon. Ceci provient de l’augmentation du courant de fuite de grille (tunnel et autres) à haute température qui entraine une accumulation des porteurs dans la couche barrière limitant l’effet de la déplétion du gaz 2D.

Nous pouvons aussi remarquer un décalage de « la queue » des caractéristiques pour les tensions -4 V<VGS< -3.5 V. Par rapport à la mesure à 100 K, ce décalage varie dans le sens positif des tensions puis au delà de 250 K revient dans le sens négatif. Pour mieux observer cet effet, nous avons représenté en 3D sur la figure III.9.b la dérivée de la capacité par rapport à la tension inverse dCGS/dVGS (pF/V) pour les différentes températures. Le maximum de la Figure III.9 : (a) Mesures en fonction de la température de la capacité CGS(VGS) sur un FATFET 100x160 µm2

courbe correspond au point d’inflexion de la capacité à l’hétérointerface donc à la tension de seuil du transistor. A partir de ce graphe nous pouvons distinguer le décalage positif de la tension de seuil à basse température. En effet, nous remarquons qu’entre la mesure à 100 K et celle à 150 K, le seuil s’est décalé vers la droite d’une valeur de +100 mV puis à partir de 175 K revient vers la valeur initiale. Nous assistons au même phénomène que celui observé dans le paragraphe précédent lors de l’extraction de la tension de seuil à partir des mesures IDS(VGS). En revanche, le décalage observé par cette méthode capacitive |ΔVth C-V | reste inférieur à celui obtenu par les mesures de courant |ΔVth Id-Vg | qui était de l’ordre de 350 mV. Le comportement similaire des deux mesures montre qu’un même mécanisme est responsable du décalage de la tension de seuil. Cet effet semble provenir des états de surface responsables de la déplétion locale du canal puisque dans les mesures CGS(VGS) les effets tels que l’ionisation par impact ou l’auto-échauffement du canal ne peuvent pas intervenir.

L’évolution du pic des courbes dCGS/dVGS nous montre aussi certains effets qui accompagnent la déplétion du gaz 2D au voisinage de la tension de seuil. Dans la figure III.10.a, nous avons tracé dCGS/dVGS en fonction de VGS pour les températures comprises entre 100 K et 300 K.

Nous pouvons clairement remarquer le décalage de la tension de pincement entre 100 K et 150 K puis le retour à la même valeur à 300 K. La diminution de l’amplitude du pic peut être expliquée par une variation plus lente de la capacité. Ceci provient d’une baisse de la mobilité des porteurs dans le gaz 2D lorsque la température augmente et surtout lorsqu’on s’approche de la tension de pincement. Les mesures de magnétorésistance effectuées par Antoszewski et al. [12] ont montré que la mobilité des porteurs dans le canal peut diminuer d’un facteur 10

Figure III.10 : dC/dV en fonction de VGS à différentes températures (a) entre 100 K et 300 K avec un pas de 50 K et (b) entre 300 et 500 K avec un pas de 100 K.

lorsque qu’on s’approche de la tension de pincement. Selon d’autres travaux, la chute de la mobilité des porteurs a été attribuée à plusieurs facteurs tels que la rugosité de la surface et de l’interface AlGaN/GaN. Il a été démontré que l’inhomogénéité du cristal à l’interface pourrait induire des fluctuations de potentiel très localisées qui influent beaucoup sur les propriétés du gaz 2D [13, 14]. Nous allons aussi montrer lors de l’étude du courant de grille (voir chapitre IV) que les fluctuations locales du potentiel de surface peuvent induire plusieurs effets indésirables sur la qualité du contact Schottky.

Les courbes dCGS/dVGS de la figure III.10.b montrent un épaulement et l’apparition d’un autre pic autour de VGS= -3.2 V lorsque la température dépasse 400 K. Ce pic indique la présence d’un autre plan d’accumulation de charges au voisinage de l’interface du côté de la couche barrière. La présence de ces porteurs dans la couche barrière peut avoir des conséquences néfastes sur le confinement du gaz 2D puisqu’on assiste à une délocalisation des électrons de l’interface vers la couche tampon de GaN et vers la couche d’AlGaN. Ce passage de porteurs pourrait être à l’origine de plusieurs effets tels que le passage par effet tunnel des électrons à travers la barrière à haute température et/ou le piégeage des porteurs par activation thermique des centres profonds dans cette couche.

Un autre effet qui pourrait être lié à la qualité de l’interface a été observé en effectuant des mesures « aller-retour » de la capacité en augmentant puis en diminuant la tension. La figure III.11 montre un effet d’hystérésis observé à 230 K lors des mesures CGS(VGS). La mesure de retour (de -4 V à 0 V) montre une diminution de la capacité lorsqu’on s’approche de la tension de pincement autour de VGS= -3.4 V. Ce comportement provient très probablement d’une accumulation de charges dans des centres recombinants ailleurs que dans le canal lors de sa déplétion (mesure de 0 à -4 V).

Récapitulatif

Au cours de ces mesures statiques, nous avons pu voir certains effets que nous avons trouvés marquants pour expliquer quelques aspects liés aux dysfonctionnements des transistors.

Nous avons vu que les caractéristiques statiques en régime continu présentent un courant IDS

plus faible que celui obtenu en régime pulsé. Cet effet, généralement observé dans ce type de composants, provient de l’auto-échauffement du canal.

Avec l’étude en température, nous avons observé un effet kink dans les caractéristiques IDS(VDS) et un décalage de la tension de seuil Vth lors des mesures IDS(VGS). Ces effets sont plus significatifs à basse température. Plusieurs hypothèses peuvent être à l’origine de ces anomalies parmi lesquelles nous retenons les effets de piègeage par les états de surface et l’ionisation par impact des porteurs sous l’action du fort champ électrique entre grille et drain. Le même comportement de la tension de seuil a été observé lors des mesures de la capacité CGS(VGS) à basse température.

L’effet hystérésis mesuré à 230 K sur les courbes CGS(VGS) et l’accumulation des charges aux hautes températures à l’hétérointerface du côté de la couche barrière témoignent de la présence de centres recombinants à l’interface AlGaN/GaN.

C’est dans cette logique que nous avons opté pour une étude plus approfondie sur les mécanismes liés aux dysfonctionnements de nos composants. Cette étude sera l’objet de la

Figure III.11 : Mesures d’hystérésis de la capacité CGS à 230 K pour des tensions VGS comprises entre -4 V et -3 V.

partie suivante qui va porter sur une analyse spectroscopique de transitoire des centres profonds par la technique DLTS et qui nous permettra de clarifier certaines hypothèses.

IV) Spectroscopie des défauts dans les HEMTs :

IV-1) Etude des HEMTs AlGaN /GaN de la plaque AEC1388 : DLTS