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Mesure de la vitesse de lecture chez un échantillon adulte franco-québécois

Chapitre 1 Introduction

1.4 Mesure de la vitesse de lecture chez un échantillon adulte franco-québécois

Le devis expérimental précédemment décrit apparaît donc nécessaire dans un contexte où peu d’outils sont disponibles pour mesurer les habiletés en lecture chez des adultes francophones du Québec. En effet, une recension récente des outils d’évaluation du langage pour la population franco-québécoise fait état de ressources limitées, particulièrement pour la clientèle adulte (Monetta et al., 2016). De plus, la majorité des outils disponibles ne répond pas aux standards psychométriques (Bouchard, Fitzpatrick, & Olds, 2009). Notamment, aucun outil construit pour évaluer les habiletés en lecture chez les adultes de cette population ne rapporte d’informations quant à la fidélité test-retest et aucun ne dispose d’une version parallèle. Dans le cadre de cette

dernière contribution est de développer un outil d’évaluation de la lecture permettant d’en faire la mesure à plusieurs reprises, sans se soucier d’un effet de pratique associé à l’utilisation du même matériel, pour d’éventuels projets.

Une difficulté particulière à l’adaptation en français d’épreuves développées dans d’autres langues est liée notamment à l’ensemble des variables lexicales qui doivent être

contrôlées et qui sont difficilement transposables d’une langue à l’autre, ainsi qu’à la disparité de fréquence d’usage de mots correspondants d’une langue à l’autre ou même entre groupes

distincts partageant la même langue (p. ex., francophones du Québec versus de France) (Monetta et al., 2016). Peu de tests d’évaluation de la lecture traduits en français pour la population

québécoise ou franco-canadienne sont passés à travers ce processus rigoureux. Parmi eux, nous retenons le test d’évaluation de la vitesse de lecture MNRead, qui a été développé en anglais par Legge, Ross, Luebker, et Lamay (1989), pour ensuite être adapté pour une utilisation clinique par Mansfield, Ahn, Legge, et Luebker (1993). Celui-ci a été adapté et validé en français pour les élèves franco-québécois de troisième année du primaire (Senécal, 2001). L’épreuve du MNRead demande simplement au participant de lire des phrases courtes à voix haute. Un intérêt de cette tâche est que les phrases-test sont construites selon des critères quantitatifs très spécifiques (elles comptent toutes 60 caractères incluant le point final) et qu’elles présentent une grammaire et une syntaxe simples et accessibles. Les qualités psychométriques de l’adaptation française sont par ailleurs satisfaisantes (Senécal, 2001). Une application intéressante des phrases-test du MNRead est avec la méthode de présentation visuelle sérielle rapide (Kwon et al., 2007), bien connue sous son acronyme anglais RSVP (c.-à-d. « Rapid Serial Visual Presentation »).

1.4.1 MNRead et application en présentation sérielle visuelle rapide.

La technique RSVP a été utilisée abondamment pour l’étude de la cognition visuelle, notamment pour mesurer la vitesse de lecture (Fine & Peli, 1998; Harland, Legge, & Luebker, 1998). Il s’agit de présenter une séquence de mots constituant une phrase qui se succèdent un à la fois au centre de l’écran, avec une durée de présentation des mots variable à travers les phrases. Il s’agit d’une méthode de lecture qui devrait éventuellement être de plus en plus courante dans la vie quotidienne, notamment avec les petits appareils électroniques portatifs (p. ex., montre intelligente) et certaines applications mobiles ont déjà été développées pour permettre de lire différents textes de cette façon sur les téléphones cellulaires (Benedetto et al., 2015; Gannon, He, Gao, & Chaparro, 2016).

L’intérêt particulier de la procédure RSVP est qu’elle élimine la composante des mouvements oculaires de l’évaluation de la vitesse de lecture (Legge et al., 2001) et,

évidemment, la vitesse de lecture obtenue de cette manière est généralement plus élevée qu'avec la lecture d’un texte continu (Gannon et al., 2016; Harland et al., 1998). Il demeure toutefois plusieurs points à éclaircir concernant cette méthode de lecture. Nous en spécifions deux ici. D’abord, cet outil de lecture devrait être sensible aux différences individuelles en vitesse de lecture. Toutefois, à notre connaissance, aucune démonstration entre normo-lecteurs et

dyslexiques n’a été faite avec un outil de lecture en RSVP. Évidemment, il est permis d’avancer que les normo-lecteurs obtiendront une vitesse de lecture supérieure aux dyslexiques avec un tel type de tâche, notamment puisque la vitesse de lecture mesurée corrèle avec la taille de l’empan visuel (Legge et al., 2007). La taille de cet empan est inversement reliée à l’effet

d’encombrement (He & Legge, 2017) et les dyslexiques sont plus sensibles à l’effet

vitesse de lecture peut toutefois s’avérer très variable entre les études en raison des différents protocoles utilisés (Primativo, Spinelli, Zoccolotti, De Luca, & Martelli, 2016). La similarité de cette estimation chez un même individu, avec différents échantillons de phrases construits sur la base des mêmes critères, demeure ainsi à démontrer.

L’adaptation française du MNRead existante souffre d’une faiblesse majeure en raison du faible nombre de phrases disponibles dans la liste, soit 38. À moins qu’une seule mesure de la vitesse de lecture soit utilisée ou alors que celle-ci soit mesurée à l’intérieur d’un protocole contrebalancé, ceci peut s’avérer problématique dans le cadre d’une évaluation répétée de la vitesse de lecture sans pour autant répéter l’utilisation des phrases servant à cette évaluation. Un objectif de ce dernier projet est de construire quatre nouvelles listes dont les phrases-tests respecteront les critères du MNRead. De plus, ces listes compteront davantage de phrases-tests que le MNRead. Le but est donc de créer quatre nouvelles listes de 75 phrases-test similaires dans la mesure de la vitesse de lecture obtenue chez un même individu.

1.4.2. Normalisation et validation de la mesure de vitesse de lecture en

RSVP avec différentes listes de phrases-tests.

Il apparaît important de soumettre l’outil créé à un exercice de normalisation et de validation, afin d’observer dans quelle mesure celui-ci rencontre différents standards

psychométriques. Le but de la normalisation est d’établir des normes de vitesse de lecture chez un échantillon de normo-lecteurs universitaires avec un protocole RSVP du MNRead en utilisant nos cinq listes de phrases, le MNRead et les quatre nouvelles. Nous pouvons évaluer la fidélité test-retest pour ces nouvelles listes de phrases et corriger un sous-ensemble des protocoles par deux juges indépendants pour obtenir un indice de fidélité inter-juges. Ensuite, nous validons ce nouveau test d’évaluation de la vitesse de lecture à travers une comparaison des performances

d’un groupe d’adultes dyslexiques à un groupe contrôle apparié (âge, QI) de normo-lecteurs. Il est attendu que les participants dyslexiques présentent des performances globalement inférieures à celles du groupe contrôle et que leur vitesse de lecture soit inférieure. Les vitesses de lecture mesurées vont être comparées avec un indice de vitesse de lecture de l’Alouette-R, en vue d’obtenir un indice de validité de construit. La capacité de l'outil à discriminer les participants dyslexiques des normo-lecteurs sert à établir sa validité discriminante sur la base des intervalles de confiance obtenus à partir du groupe normatif par la présentation des indices de sensibilité (c.- à-d. dans quelle proportion l’instrument arrive à identifier les dyslexiques à l’intérieur de notre échantillon) et de spécificité (c.-à-d. dans quelle proportion ceux qui sont catégorisés comme dyslexiques le sont réellement) de cet outil (Lalkhen & McCluskey, 2008).