• Aucun résultat trouvé

Chapitre 1 Introduction

5.1. Retour sur chaque expérience

5.1.2. Article 2

. L’importance de la contribution visuo-attentionnelle en lecture dans un contexte plus large que la reconnaissance de mots a été démontrée dans cette thèse à l’aide d’un

entraînement visuo-attentionnel présentant des bénéfices sur les habiletés en lecture de texte et le traitement phonologique chez des dyslexiques adultes. Deux groupes de dyslexiques ont pris part à notre paradigme d’entraînement. Au départ, ces groupes étaient appariés sur l’âge, le fonctionnement intellectuel, le genre, la dominance manuelle, la vitesse et la précision de lecture de texte et leurs habiletés phonologiques. Un groupe débutait par un entraînement actif de l’attention visuelle (NeuroTracker) et poursuivait ensuite avec un entraînement placebo (2048) tandis que l’autre groupe débutait avec l’entraînement placebo avant d’entreprendre l’entraînement actif. Chaque entraînement comptait six rencontres d’environ vingt-cinq minutes, totalisant un entraînement d’une durée de cent cinquante minutes. L’évaluation des habiletés de lecture de texte et de traitement phonologique a eu lieu dans un premier temps avant tout entraînement, dans un deuxième temps entre le premier et le deuxième

entraînement, et finalement, à la suite du deuxième entraînement.

Après la première phase d’entraînement, il s’est avéré impossible de distinguer l’effet de l’entraînement actif sur les habiletés de lecture de celui résultant de l’entraînement placebo puisqu’une amélioration des performances à certaines épreuves sélectionnées de l’ÉCLA-16+ et à la tâche du MNRead en RSVP est présente chez les deux groupes de participants. Il semble que ces améliorations de performance soient attribuables à un effet de pratique

tendance à une amélioration de la précision dans la tâche d’inversion de phonèmes, qui se manifeste exclusivement avec l’entraînement visuo-attentionnel.

L’efficacité de l’entraînement actif se révèle de manière plus évidente à la suite du deuxième entraînement par rapport à l’entraînement placebo. En effet, entre la deuxième et la troisième évaluation, la lecture de texte et les opérations phonologiques deviennent plus efficaces, comme le démontrent les performances améliorées en vitesse de lecture et en vitesse de complétion d’opérations phonologiques (suppression et inversion de phonèmes) chez le groupe ayant fait l’entraînement actif, contrairement au groupe ayant fait l’entraînement placebo pour qui les performances demeurent similaires.

De façon générale, les bénéfices associés à un entraînement avec JVA ou

NeuroTracker semblent avoir la capacité de se généraliser à des épreuves faisant appel à des fonctions attentionnelles et cognitives qui ne sont pas directement sollicitées par ces

entraînements (Bediou et al., 2018; Gori & Facoetti, 2014). Notamment, en lecture, un effet bénéfique de la pratique de JVA s’observe sur la mémoire de travail phonologique et la lecture de pseudo-mots chez des participants neuro-typiques (Antzaka et al., 2017; Oei & Patterson, 2013; Vartanian et al., 2016).

Concernant les bénéfices d’un tel entraînement avec des dyslexiques, les résultats obtenus dans cette étude répondent à trois grandes critiques formulées par Bavelier et al. (2013) en réponse à l’étude originale de Franceschini et al. (2013). D’abord, les effets s’observent chez des dyslexiques d’âges et de langages différents. Puisque des bénéfices semblables ont été obtenus avec des dyslexiques anglophones (Franceschini et al., 2017) et ici des francophones, ceux-ci ne sont pas attribuables spécifiquement à différents facteurs uniques à un langage, notamment, la transparence orthographique. La transparence orthographique

constitue un indice de correspondance entre les phonèmes et les graphèmes d’une langue. L’Italien est une langue dite transparente, où le degré de correspondance est très élevé. Le Français et l’Anglais sont considérés comme des langues opaques, où ce degré est plus faible. Parmi ces protocoles également, des dyslexiques d’âges très variés ont aussi pu tirer profit de ces entraînements puisque les différentes études menées jusqu’ici incluent des jeunes de 8 à 14 ans, mais aussi des adultes (Franceschini et al., 2013; Franceschini et al., 2017; Gori et al., 2015).

Ensuite, un second enjeu relevé concerne la spécificité des exigences fonctionnelles d’un JVA dans les gains observés. Ici, nous utilisons un programme d’entraînement qui n’est pas un JVA, mais qui recoupe les exigences fonctionnelles tenues pour responsables des bénéfices observés suite à leur utilisation (Green & Bavelier, 2006); vitesse élevée, charge optimale, indépendance des stimuli et sollicitation des processus visuels périphériques. Ceci vient donc appuyer la notion voulant que ce soit la présence de ces exigences à l’intérieur d’un entraînement qui est responsable des effets bénéfiques subséquent en lecture. Un

questionnement additionnel peut alors être soulevé ici : est-ce qu’un de ces deux entraînements, les JVA ou le NeuroTracker, est préférable à l’autre?

Un avantage du NeuroTracker sur les JVA est qu’il présente la particularité d’être un entraînement flexible. La vitesse de déplacement des balles s’adapte aux performances de l’utilisateur et le nombre de balles à poursuivre est lui aussi modifiable, ce qui permet d’adapter la charge optimale de la tâche à un niveau individuel et permettre ainsi à tous de s’améliorer rapidement (Faubert & Sidebottom, 2012). Dans un contexte où les bénéfices associés à un entraînement avec JVA ne s’observent que chez ceux s’étant améliorés au fil des rencontres (Franceschini & Bertoni, in press), le NeuroTracker apparaît ainsi plus approprié

pour la prise en charge d’une population de tous âges, mais aussi grandement hétérogène à d’autres égards. Un autre avantage que présente le NeuroTracker sur les JVA est qu’il apporte plus de bénéfices attentionnels et cognitifs que les JVA dans le cadre d’un entraînement court (Pakdaman Lahiji, 2016). Notamment, l’entraînement appliqué ici durait cinq fois moins longtemps que l’entraînement le plus court utilisé jusqu’à maintenant avec des JVA pour améliorer les habiletés en lecture chez des dyslexiques.

Un dernier enjeu concernant l’étude originale de Franceschini et al. (2013)

d’entraînement visait l’interprétation des résultats démontrant des bénéfices en lecture de pseudo-mots. Selon ceux-ci, ce gain serait attribuable à la conscience phonologique, qui bénéficierait également de l’entraînement. Toutefois, comme Bavelier et al. (2013)

l’indiquent, il est difficile d’isoler l’apport de la conscience phonologique dans une tâche de lecture de pseudo-mots, puisque ces stimuli sont visuels. La question de la généralisation des effets d’un tel entraînement à la conscience phonologique même demeurerait ainsi à

déterminer plus clairement. Ici, nous démontrons que des manipulations phonologiques n’impliquant aucun matériel écrit, et donc, visuel, sont effectuées plus rapidement par les dyslexiques suite à l’entraînement visuo-attentionnel avec le NeuroTracker.

En somme, ces résultats, observés conjointement à une augmentation de la vitesse de lecture avec un entraînement utilisant le NeuroTracker, constituent un appui considérable à l’hypothèse d’un déploiement spatio-temporel de l’attention altéré chez les dyslexiques (Vidyasagar & Pammer, 2010).