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Mesure de la motivation

Chapitre 2 : État de l’art

2.4 Étude de la motivation

2.4.3 Mesure de la motivation

Vu la complexité du concept de la motivation et ses composantes, la mesure de la motivation reste une question fondamentale et vivement débattue. Plusieurs indices, implicites ou explicites, et plusieurs techniques, objectives ou subjectives, ont été employés dans l’espoir de mesurer la motivation. Une présentation d’un rapide aperçu de différentes possibilités de mesure de la motivation est nécessaire tout en soulignant les limitations de chacune d’entre elles.

31 2.4.3.1 Questionnaires « self-report »

Les questionnaires sont toujours la méthode explicite pour évaluer la motivation. Ils constituent les outils les plus utilisés dans les études de motivation. Un ensemble de questions est présenté à la personne à évaluer. Généralement, un choix limité et précis de réponses est possible pour éviter toute ambigüité. L’analyse de ces réponses permet d’obtenir un niveau de motivation de la personne évaluée. Les questionnaires peuvent permettre d’évaluer des caractéristiques personnelles, la perception d’un élément ou d’une activité par un individu, etc. A titre d’exemple, l’Échelle de Motivation en Éducation (ÉMÉ), développée par Vallerand et ses collègues (Vallerand, et al. 1989), est un questionnaire de motivation très utilisé dans le système éducatif. Cet instrument est basé sur la théorie d’autodétermination. Il se présente sous la forme de 28 items répartis en 7 sous-échelles comprenant chacune 4 items, sur lesquels l’élève prend position sur une échelle en 7 points. Ce questionnaire examine trois types de motivations intrinsèques (à la connaissance, à l’accomplissement et à la stimulation), trois types de motivations extrinsèques (identifiée, introjectée et à régulation externe) et l’amotivation.

Les questionnaires d’auto-évaluation (self-report) ont l’avantage d’être simples à mettre en œuvre. Cependant, on peut aussi leur associer quelques défauts tels que décrits par quelques travaux (Breinholt et Krueger 1999), à savoir la subjectivité des réponses (l’apprenant interrogé peut en effet interpréter de manière personnelle ou erronée les questions posées), le non synchronisme (la détermination d’informations relatives à la motivation ne peut être que postérieure à la situation qui l’a provoquée) et le séquençage des sessions d’apprentissage (il sera nécessaire d’entrecouper une session d’apprentissage de périodes d’évaluation pour mettre à jour le profil motivationnel de l’apprenant).

2.4.3.2 Fichiers journaux

Les fichiers journaux (en anglais logfiles) peuvent être décrits comme un protocole d’écriture automatique des actions et des processus au sein d’un environnement informatique (par exemple, taux de clic, la durée, les erreurs, etc.). Le fichier journal est généré en arrière-plan et l’apprenant n’est pas conscient de

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l’enregistrement des données. Grâce à l’utilisation des outils d’évaluation et de fouille de données dans les fichiers journaux, il est possible d’acquérir des nouvelles connaissances sur les comportements des utilisateurs durant une activité d’apprentissage donnée. Par ce biais, il est possible de recueillir des données quantitatives et qualitatives à partir des réponses et des interactions de l’apprenant avec la machine. Les techniques de datamining et d’apprentissage machine peuvent donner un sens à ces données et fournir des informations utiles pour améliorer l’apprentissage. Par exemple, Mihaela Cocea et Stephan Weibelzahl (Cocea et Weibelzahl 2009) ont analysé des fichiers log pour la détection du désengagement (un aspect de mesure de la motivation) dans un environnement d’apprentissage à distance. Leur étude porte sur la possibilité de prédire le niveau de motivation des apprenants, en mettant l’accent sur ceux qui sont désengagés.

Les fichiers journaux évitent les trois précédents défauts des questionnaires mais présentent d’autres limitations importantes telles que la surcharge d’information (une énorme quantité de données possibles peut causer des difficultés à identifier les variables essentielles dans l’activité) et la signification des données (cet inconvénient est très étroitement lié à l’avantage majeur de cette méthode d’évaluation : puisque les fichiers journaux comprennent des données purement objectives, cela implique aussi que la signification concrète et subjective des données reste incertaine) (Breinholt et Krueger 1999). En définitive, la méthode de fichiers journaux ne peut être vue comme une fin en soi, mais plutôt comme un complément à d’autres techniques d’évaluation de la motivation.

2.4.3.3 Capteurs électro-physiologiques

Parmi les capteurs électro-physiologiques qui sont généralement utilisés dans la mesure d’états émotionnels et/ou cognitifs, on peut citer :

Le capteur BVP (Blood Volume Pulse) : ce capteur mesure le nombre de battements du cœur par minute. On peut déduire le rythme cardiaque à partir de la pression sanguine volumique BVP (Blood Volume Pulse). Le BVP mesure l’impulsion cardio-vasculaire à travers le corps humain. Il existe une corrélation linéaire significative positive entre le pic du rythme cardiaque et la valence (la valence décrit la nature, positive ou négative, de l’émotion).

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Le capteur GSR (Galvanic Skin Response) : ce capteur est utilisé pour mesurer la conductivité de la peau. Cette dernière est influencée par l’activité des glandes sudoripares. La conductivité de la peau augmente quand la peau transpire. Peter J. Lang (Lang 1995) a montré qu’il existe une corrélation linéaire entre la conductivité de la peau et l’excitation (l’excitation représente l’intensité de l’émotion mesurée).

Le capteur RSP (Respiration) : la respiration permet d’indiquer la rapidité et l’intensité (profondeur) de la respiration d’une personne. Selon quelques chercheurs la respiration est influencée par l’intensité de l’émotion (Prendinger, et al. 2003). D’autres chercheurs (Haag, et al. 2004) affirment qu’une respiration profonde et rapide peut indiquer l’excitation (la colère, la joie, etc.), alors qu’une respiration ralentie et profonde peut exprimer un état de relaxation. Une respiration rapide et peu profonde pourrait manifester une anticipation tendue (la panique, la concentration, etc.) alors qu’une respiration ralentie et peu profonde est susceptible d’indiquer un état passif (la dépression, etc.).

Le capteur EMG (Électromyogramme) : ce signal enregistre l’activité électrique globale au niveau des muscles avec des électrodes placées à la surface de la peau. Selon des recherches existantes, le signal EMG est corrélé avec la valence dépendamment du muscle où il était mesuré. Par exemple, le signal mesuré du muscle zygomatique a une corrélation quadratique positive avec la valence, de dimension r = 0.9 (Lang 1995). Tandis que, le signal EMG mesuré du muscle corrugateur varie linéairement et négativement avec la valence, dimension r = -0.9 (Lang 1995).

Le casque EEG (Électroencephalogramme) : un électroencéphalogramme (EEG) est une représentation graphique de l’activité neuronale dans le cerveau que l’on désigne habituellement par le terme d’activité cérébrale. Les hémisphères cérébraux droit et gauche ont chacun leurs spécialités. Ils sont par ailleurs divisibles en plusieurs régions (postérieure, latérale, antérieure, supérieure, dorsale, ventrale, inférieure) correspondant à différents traitements cognitifs (Demos 2005). Par exemple, la région postérieure de l’hémisphère gauche est spécialisée dans le traitement des problèmes reliés aux mathématiques et à la logique alors que la

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région postérieure de l’hémisphère droit traitera plutôt les problèmes reliés à l’orientation spatiale et à la reconnaissance des visages.

Plusieurs recherches ont intégré des capteurs électro-physiologiques pour mesurer (détecter) l’état émotionnel et cognitif des apprenants en interaction avec un système d’apprentissage (Alzoubi, et al. 2009; Conati 2002; Fairclough et Ewing 2010; Healey et Picard 2000). Par exemple, Par exemple, Cristina Conati (Conati 2002) a présenté un réseau de décision dynamique pour mesurer l’état émotionnel d’un apprenant en fonction de variables physiologiques comme la fréquence cardiaque, la conductance de la peau, et le positionnement des sourcils. Dans son étude, elle a proposé un modèle probabiliste appliquant la théorie de la décision pour choisir l’action optimale du tuteur. Le modèle proposé avait comme objectif de maintenir un équilibre entre la motivation et l’apprentissage. De point de vue neurologique, plusieurs travaux ont étudié l’évaluation de l’attention, l’engagement et la charge cognitive (en anglais cognitive workload) avec l’électroencéphalographie (EEG). Ils se sont servis de cette évaluation pour plusieurs finalités : prédire le succès ou l’échec des apprenants à résoudre les problèmes mathématiques (Cirett Galán et Beal 2012), diagnostiquer certains états émotionnels des apprenants dans un STI (Chaouachi et Frasson 2012), détecter les manques d’attention au niveau des apprenants pour déclencher l’assistance d’agents adaptatifs (Szafir et Mutlu 2012), prédire le niveau de stress d’un apprenant (Heraz, et al. 2009), etc.

Cependant, le travail de Genaro Rebolledo-Mendez et ses collègues (Rebolledo-Mendez, et al. 2010) constitue l’unique étude (à notre connaissance) de la motivation des apprenants en utilisant les données EEG dans le domaine d’enseignement assisté par ordinateur. En utilisant la technologie ThinkGear de NeuroSky pour la collecte de données EEG, ces chercheurs ont évalué des corrélations entre les données physiologiques et les scores d’attention et de motivation obtenus par le questionnaire ARCS de Keller, mais ils n’ont pas trouvé des résultats significatifs. Ils ont conclu que l’analyse cérébrale faite dans leur étude (uniquement des ondes Bêta) était limitée et reflétait qu’un aspect partiel de l’attention des apprenants et que des analyses EEG plus avancées seront nécessaires dans le futur.

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