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Mesure 4.4.1, Investissements non productifs, Plantation de haies et d’éléments

1. Les instruments de la PAC favorables aux systèmes agroforestiers

1.1. Les aides de la PAC pour le développement rural

1.1.2. Mesure 4.4.1, Investissements non productifs, Plantation de haies et d’éléments

Cette mesure soutient la plantation de haies et d’éléments arborés qui sont considérés comme des « investissements non productifs liés à la réalisation d’objectifs

agro-environnementaux et climatiques »31. La dimension environnementale et non productive des éléments arborés est ainsi clairement formulée. Toutefois, il convient de remarquer qu’en France cette mesure issue du FEADER est mise en œuvre dans le cadre du Plan de Compétitivité et d’Adaptation des Exploitations agricoles (PCAE)32. Or, ce plan est une des traductions du projet agro-écologique pour la France mis en place par le ministère en charge de l’agriculture (MAAF, 2013). Celui-ci opère une forme de rupture dans la prise en compte des problématiques environnementales dans la mesure où la biodiversité et les processus écologiques ne sont pas uniquement considérés pour des raisons environnementales, mais dans une perspective économique visant à intégrer la biodiversité dans les logiques de production des exploitations agricoles et des territoires ruraux. En 2013, le ministre de l’agriculture, Stéphane Le Foll, précise en effet qu’il s’agit d’«aborder ces questions de l’écologie et de l’agriculture, non pas en les

segmentant et en les séparant, mais en les inscrivant dans des logiques de système. C’est la nouveauté de ce projet sur l’agro-écologie » (MAAF, 2013 :16). Le projet agro-écologique

pour la France s’est traduit notamment par la loi d’avenir sur l’agriculture,

30 Arrêté préfectoral de la région Midi-Pyrénées, n°2011/ relatif aux conditions de financement par des aides publiques des travaux forestiers d’amélioration de peuplements existants, mesure 122-A du Plan de Développement Rural Hexagonal

31 Article 17 du Règlement UE 1305/2013 relatif au soutien au développement rural par le FEADER, p.21

32 Arrêté ministériel du 26 août 2015 relatif au plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations agricoles mis en œuvre dans le cadre des programmes de développement rural

l’alimentation et la forêt qui a inscrit l’agro-écologie dans le code rural. Les « systèmes de production agro-écologiques » y sont ainsi définis :

« Ces systèmes privilégient l’autonomie des exploitations agricoles et l’amélioration de

leur compétitivité, en maintenant ou en augmentant la rentabilité économique, en améliorant la valeur ajoutée des productions et en réduisant la consommation d’énergie, d’eau, d’engrais, de produits phytopharmaceutiques et de médicaments vétérinaires, en particulier les antibiotiques. Ils sont fondés sur les interactions biologiques et l’utilisation des services écosystémiques et des potentiels offerts par les ressources naturelles, en particulier les ressources en eau, la biodiversité, la photosynthèse, les sols et l’air, en maintenant leur capacité de renouvellement du point de vue qualitatif et quantitatif. Ils contribuent à l’atténuation et à l’adaptation aux effets du changement climatique »33.

L’objectif affiché du projet agro-écologique pour la France est de tendre vers des systèmes de production conciliant performance économique et environnementale. Au-delà de la gestion de la biodiversité, il accorde une importance à l’action collective, notamment via la création de Groupements d’Intérêts Economique et Environnemental (GIEE), ainsi qu’au développement des énergies renouvelables sur les territoires agricoles. Il s’agit ainsi de répondre conjointement aux enjeux relatifs à la compétition économique et à la transition écologique. Cette loi constituerait par conséquent un terreau particulièrement fertile pour la germination de l’agroforesterie sous la forme de RCAF.

Dans le même ordre d’idées, le plan pour le développement de l’agroforesterie, sans être inscrit dans la loi d’avenir de 2014, constitue un des « leviers essentiels » du projet agro-écologique pour la France du ministère en charge de l’agriculture qui, pareillement à la loi d’avenir, affiche cette volonté d’intégrer la gestion de la biodiversité aux logiques économiques de production.

Malgré cette évolution du discours politique favorable à une intégration de la biodiversité dans les logiques de production, la mesure 4.4.1 reste marquée, dans son intitulé, par le discours environnementaliste de l’Union Européenne visant à opérer une distinction entre la préservation de l’environnement et la production agricole.

Toutefois, si l’on considère les bénéficiaires de cette mesure et les conditions d’éligibilité, nous remarquons que la priorité accordée aux démarches collectives inscrites dans le projet agro-écologique pour la France montre que le discours politique prend en compte, dans une certaine mesure, les effets de seuils liés aux processus écologiques. L’arrêté relatif au plan de compétitivité et d’adaptation des exploitations agricoles (PCAE) précise en effet que les aides seront accordées en priorité aux Groupements d’Intérêt Economique et Environnemental (GIEE) qui sont identifiés par le ministère comme des « éléments clés pour atteindre les objectifs du projet agro-écologique »34. En 2016, plus d’une centaine de GIEE ont été créés35. En 2016, leur nombre dépassait les trois cents36. Mais nous remarquons que la dimension collective peut se situer à des échelles très variables, allant de la commune à la Région, en passant par la communauté de communes, la petite région agricole, l’aire d’alimentation de captage, les zones vulnérables vis-à-vis de la qualité de l’eau, les zones d’Appellation d’Origine Protégée, les Parcs Naturels Régionaux… Cette diversité d’échelles d’application fait que la création d’unités de gestion communes sur des exploitations contigües n’est pas nécessairement recherchée. C’est le cas par exemple d’un GIEE « Agroforesterie en Normandie » qui, en 2016, rassemblait dix agriculteurs situés sur les départements de l’Eure et de la Seine-Maritime. Dans ce cas de figure, le GIEE s’apparente davantage à un réseau d’expérimentation et d’échanges techniques qu’à un réseau de voisinage visant, sur un territoire donné, à apporter une réponse collective et concertée à des enjeux ciblés.

Au-delà du cadre national, les bénéficiaires de la mesure 4.4.1 sont définis à l’échelle régionale. En Midi-Pyrénées par exemple, les bénéficiaires sont des agriculteurs ou des groupements d’agriculteurs37. Dans ce cas, le cahier des charges reprend les termes du FEADER et exprime la possibilité de l’action collective. En Bretagne, sont éligibles les structures reconnues par le comité régional de sélection pour définir une politique locale en faveur du bocage (les collectivités locales et leurs groupements, les associations loi 1901 en lien avec le territoire, les acteurs ou la problématique

34 Arrêté ministériel du 26 août 2015 relatif au plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations agricoles mis en œuvre dans le cadre des programmes de développement rural

35 Plaquette d’information du MAAF « l’agro-écologie en marche, Cap des 100 GIEE » (septembre 2015)

36 http://agriculture.gouv.fr/plus-de-300-giee-qui-sengagent-dans-lagro-ecologie

37 Région Midi-Pyrénées, Appel à projets, 2016, Dispositif 4.4.1, Investissements non productifs pour la préservation de la biodiversité,

bocagère)38. Le cahier des charges de la mesure 4.4.1 s’inscrit alors dans la continuité du programme régional Breizh-Bocage qui repose sur la centralisation des demandes d’aides à la plantation au sein de structures collectives, telles que les intercommunalités, pour favoriser la cohérence territoriale des actions.

Les critères de sélection des projets éligibles varient également selon les régions. En Midi-Pyrénées sont favorisés « les projets inscrits dans le cadre de démarches territoriales

tels que les Plans d’Action Territoriaux (PAT) ou les Contrats Territoriaux de l’Agence de l’Eau Adour-Garonne, ainsi que les projets réalisés dans un programme pluriannuel de gestion des cours d’eau mis en œuvre par une structure de gestion possédant un technicien rivière »39. En Bretagne, la sélection est conditionnée par l’inscription du projet dans une stratégie territoriale. A la différence de Midi-Pyrénées, celle-ci est plus spécifiquement liée à la problématique bocagère. La « cohérence externe du projet avec d’autres

interventions en lien avec le bocage sur le territoire » est notamment recherchée40.

L’exemple de ces deux régions montre bien la volonté de concentrer les aides sur des territoires à enjeux bien ciblés, visant à répondre à des enjeux environnementaux. Toutefois, la « cohérence de voisinage » telle que nous la définissons, c’est-à-dire la création d’unités de gestion communes sur des exploitations contigües, ne conditionne pas la contractualisation de la mesure. La « cohérence externe » des projets avec d’autres interventions en lien avec le bocage mentionnée par la Région Bretagne peut s’inscrire dans la recherche d’une forme de continuité spatiale. Mais elle ne vise pas la création d’unités de gestion communes rassemblant plusieurs exploitations. Néanmoins, cette logique territoriale peut constituer le terreau favorable à la création future d’unités de gestion communes.

C’est également le cas avec les Plans d’Action Territoriaux (PAT). Ils concentrent des moyens en faveur d’une amélioration de la qualité de l’eau sur un territoire ciblé, permettant aux agriculteurs de contractualiser diverses mesures en lien avec l’objectif visé, notamment des MAE dans le cadre d’un Projet Agro-Environnemental tel que

38 Région Bretagne, Arrêté relatif aux Types d’Opérations 441 et 763 du RDR3, Programme Breizh Bocage, Appel à projets 2016

présenté ci-dessus. Cependant, la contractualisation des mesures n’est pas conditionnée par le principe de cohérence de voisinage.

Des améliorations pourraient être apportées concernant les conditions d’attribution des aides pour prendre en compte les effets de seuils sylvicoles et environnementaux en encourageant les opérations groupées, car les conditions actuelles ne le permettent pas. Les aides versées dans le cadre de la mesure 4.4.1 par exemple sont soumises à des montants plancher de subvention. En Centre-Val-de-Loire par exemple, la mesure fixe un plancher de subvention à 2500€. Sachant que le taux d’aide est de 80 %, si nous retenons un coût de plantation équivalent à 10€/ml, le seuil minimal est d’environ 300 ml. En Midi-Pyrénées, le plancher d’investissement éligible est fixé à 1000€. Le seuil est donc encore plus bas. Dans ces conditions, les mesures de soutien à la plantation n’incitent pas au regroupement.

Les mesures forestières, les aides à la plantation de brise-vent au Danemark, ainsi que les mesures pastorales, fourniraient alors des exemples dont pourraient s’inspirer les mesures de soutien agroforestières.

En effet, à titre de comparaison, le dispositif de l’Association pour un Développement Equilibré de la Forêt en Limousin (ADELI) nous paraît particulièrement intéressant dans la mesure où il respecte dans une certaine mesure le principe de cohérence de voisinage. Selon le règlement41 relatif à l’aide aux propriétaires forestiers pour la réalisation de chantiers d’améliorations sylvicoles, l’aide financière est accordée dans l’objectif d’inciter les propriétaires des petites et moyennes parcelles (moins de 4 ha) à se rapprocher de leurs voisins en vue de constituer un chantier de surface suffisante pour assurer la réalisation d’améliorations sylvicoles dans des conditions économiques convenables. La surface minimale du chantier regroupé doit atteindre au moins 4 ha pour les peuplements de feuillus dans un périmètre géographique restreint (rayon n ‘excédant pas 2 km). Cette condition permet de tendre vers une continuité spatiale. L’ensemble des peuplements constituant le regroupement doit faire l’objet d’une mise en marché commune des travaux (une seule entreprise ou coopérative). En cela, le dispositif prévoit la mise en place d’unités de gestion communes. Celles-ci peuvent alors se faire dans le cadre formel de la création d’institutions dédiées au regroupement, telles

des associations syndicales, mais également dans le cadre d’un groupement informel. Ainsi, en recherchant la continuité spatiale et l’unité de gestion communes, le dispositif de l’ADELI respecte, dans une certaine mesure, le principe de cohérence de voisinage.

Au Danemark, dans le Jutland, le soutien à la plantation de haies brise-vent destinées à protéger les productions agricoles repose sur la création d’associations de propriétaires ou de fermiers. Ces associations doivent rassembler 20 km de haies brise-vent en projet pour initier une opération de plantation financée par l’État (Bazin, 1994). Les projets individuels bénéficient également de subventions de l’État, mais uniquement pour l’achat des plants. Dans le cas des projets collectifs, les subventions de l’État concernent l’élaboration du projet, l’arrachage des anciennes haies de résineux si nécessaire, le travail du sol, l’achat des plants, la plantation et trois ans de maintenance (Bazin, 1994). Ainsi, 90% des fonds consacrés à la plantation de haies brise-vent sont attribués à des projets collectifs. Aussi, le montant de la subvention est déterminé en fonction de la structure du brise-vent. Les haies brise-vent à trois rangs sont aidées à hauteur de 50%, alors que les brise-vent à six ou sept rangs sont aidés à hauteur de 70%.

Sans écarter la possibilité d’une contractualisation individuelle, la création de mesures supplémentaires dédiées aux opérations groupées, comme le prévoit le dispositif relatif aux systèmes herbagers pastoraux (mesure SHP_02), qui seraient conditionnées à une distance minimale entre les opérations qui se trouvent ainsi groupées, comme le prévoit le dispositif de l’ADELI, permettrait de renforcer la cohérence de voisinage de l’action publique. Pour répondre aux enjeux posés par les effets de seuils relatifs aux processus environnementaux, l’activation de la mesure collective pourrait également être conditionnée au fait que, sur un territoire donné, une surface minimale ou un linéaire minimum de contractualisation soit atteint (comme le prévoient les mesures forestières ou le modèle danois). Au-delà de l’intérêt sylvicole et environnemental, cette démarche limiterait par ailleurs les coûts relatifs aux entreprises de conseil et de travaux. Elles ne se déplaceraient pas pour « rien ». Cela réduirait par ailleurs les coûts de transaction publics pour les bailleurs de fonds en réduisant le nombre de dossiers à traiter pour un linéaire financé équivalent.

Dans notre modèle théorique des RCAF, à la différence des mesures individuelles, ces mesures collectives octroient un bonus visant à rémunérer le service environnemental supplémentaire rendu par l’action collective en prenant en charge, par exemple, les coûts relatifs au temps de travail qu’implique l’action collective pour que des voisins se convainquent entre eux d’adhérer au projet agro-environnemental et que des terrains d’entente soient trouvés concernant les modalités d’action collective. Cela rejoint en quelque sorte les travaux réalisés par Kuhfuss et al. (2014) au sujet des bonus d’agglomération qui pourraient être versés lorsqu’un certain nombre d’agriculteurs souscrivent au projet agro-environnemental. Ces travaux portent sur la souscription de MAE dans une région viticole. Malgré la possibilité offerte par un bonus d’agglomération de renforcer l’attractivité des MAE, celui-ci n’exercerait pas d’influence sur les viticulteurs les plus réfractaires aux contraintes imposées par les programmes agro-environnementaux. Autrement dit, si le bonus collectif pouvait se traduire par un engagement plus massif des viticulteurs, il n’emporterait pas l’adhésion de tous les viticulteurs, et notamment pas de ceux qui sont le plus attachés à l’utilisation des pesticides.

1.2. Paiement vert

Depuis 1992, les aides directes au revenu de la PAC sont versées aux agriculteurs pour compenser la baisse des prix, dans un contexte de marché mondial concurrentiel. Depuis 2005-2006, le montant de cette aide est découplé de la production des exploitations. C’est pour cela que ces aides sont dites découplées.

En 2015, les aides découplées ont évolué. Elles comprennent le Droit au Paiement de Base (DPB), le paiement vert, et le paiement redistributif. Au-delà de 52 ha, les aides découplées ne comprennent plus le paiement redistributif.