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CHAPITRE III APPROCHE CARDIOVASCULAIRE NON INVASIVE DE L’ACTIVITE DU

III. 1.1.1.2 Mesure de l’espace QT

L’espace QT dépend directement de la fréquence cardiaque. Mais hormis ce facteur de variation (cf. III.1.1.3), il est maintenant bien connu que l’espace QT est soumis à bien d’autres influences (72, 73, 80). Ainsi, divers facteurs de variations biologiques comme la variabilité nycthémérale (80), des modifications du système nerveux autonome, le sexe (72, 73), la concentration en électrolytes et l’action de certains médicaments ont été identifiés. Cependant, des facteurs extrinsèques concernant

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l’environnement, la qualité et les modalités d’obtention du tracé électrocardiographique ainsi que la mesure de l’espace QT pour un même observateur et d’un observateur à l’autre (présence de bruits de fond, variations morphologiques de l’onde T, présence d’ondes U…) peuvent être à l’origine des variations observées. Une grande partie de cette variation proviendrait donc d’un biais induit par l’observateur, provenant notamment du fait que l’espace QT n’a jusqu’à présent pas fait l’objet d’une standardisation de sa mesure (80, 81). En effet, dans une enquête récente, Allen LaPointe et al. (82) rapportent que si 61% des médecins sont capables d’identifier l’espace QT sur un enregistrement électrocardiographique, seulement 36% le mesurent correctement.

En effet, en théorie, l’espace QT est simple à mesurer. Mais il peut vite se révéler plus difficile à mesurer de façon précise et reproductible entre deux observateurs, entre deux patients et chez le même patient à différentes périodes. L’espace QT se définit de façon standard comme l’intervalle entre le début du complexe QRS et la fin de l’onde T. Sur un enregistrement électrocardiographique avec des complexes QRS normaux et une onde T unique et distincte, il s’avère donc facile à mesurer. Il apparaît cependant difficile de reproduire des mesures en pratique (83). Des modifications du complexe QRST introduisent des incertitudes dans la mesure. De plus, des troubles du rythme cardiaque comme les blocs de branche peuvent raccourcir l’espace QT sans nécessairement altérer la repolarisation ventriculaire. L’onde T peut être bifide, voire biphasique, rendant plus difficile l’identification précise de sa fin. Des ondes de repolarisation tardives peuvent ainsi faire partie de l’onde T et incluses dans la mesure de l’espace QT ou considérées comme une onde U distincte et exclues. Le fait que la durée totale de repolarisation doive inclure le complexe QT-U en entier est à l’heure actuelle un sujet de controverse (84). La mesure de l’espace QT à partir d’une seule dérivation peut aussi conduire à des erreurs analytiques. On peut parfois ainsi observer des variations importantes de l’espace QT d’une dérivation à l’autre et par voie de conséquence, introduire des variations sur d’autres paramètres comme la dispersion du QT qui représente un facteur prédictif de mortalité à valeur pronostique.

De plus, lors de la recherche de modifications de la durée de l’espace QT, il convient aussi de s’interroger sur le moment le plus opportun de réalisation de l’enregistrement.

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Une étude a en effet montré l’importance particulière de la durée de l’intervalle QT à l’exact moment de survenue des torsades de pointe. Le dernier espace QT immédiatement avant la survenue des torsades de pointe est significativement plus long que ceux survenant avant la pause annonciatrice des torsades de pointe (85) En outre, il apparait que le moment optimal pour mesurer l’espace QT soit largement influencé par l’objectif de l’étude. Ainsi, selon que l’on cherche à identifier une influence médicamenteuse (« allongement aigu » lors de l’instauration d’une nouvelle thérapeutique) (1) ou que l’on vise à caractériser un allongement durable lors d’une affection donnée (2), les modalités d’enregistrement varient. (1) Lors de l’administration d’un médicament connu pour allonger l’espace QT, il est recommandé de réaliser un enregistrement électrocardiographique avant le début du traitement afin d’établir des valeurs de référence puis de multiplier des enregistrements électrocardiographiques quotidiens et de les répéter plusieurs jours de suite. (2) Lors de l’étude de l’espace QT dans une situation physiopathologique ou une affection donnée, d’une part, il apparaît plus difficile de standardiser le moment optimal de la mesure de l’espace QT. D’autre part, il n’y a pas la possibilité d’avoir des valeurs initiales de référence, qui rendent plus facile et plus sensible la détection de possibles allongements ou raccourcissements de l’espace QT. De plus, dans certaines affections, l’allongement de l’espace QT peut ne pas être permanent mais se produire épisodiquement. Ceci sous-entend que l’espace QT peut ne présenter un allongement de sa durée qu’à des moments précis, qui rendent difficiles l’identification de son existence. La mesure isolée d’un espace QT sur un seul enregistrement électrocardiographique ne peut jamais suffire. Des enregistrements continus de la fréquence cardiaque sur plusieurs heures et l’analyse d’une multitude d’espaces QT s’avèrent potentiellement plus riches de renseignements que des tracés électrocardiographiques de quelques minutes même répétées plusieurs fois.

En raison de nombreux biais liés tant à l’opérateur qu’au patient et qui peuvent artificiellement modifier l’espace QT et conduire à des conclusions erronées, il apparaît donc essentiel de souligner l’importance de maîtriser au mieux les conditions d’enregistrement et d’analyse. Si les modifications de la durée de l’espace QT peuvent être riches de renseignements, sa mesure, lorsqu’elle n’est pas standardisée et/ou réalisée isolément, peut être source de nombreuses erreurs et de mauvaises interprétations.

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III.1.1.2- Recommandations pour la mesure de l’espace QT :