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1.1.4.2 L’allongement de l’espace QT est-il véritablement à l’origine de la survenue des

CHAPITRE III APPROCHE CARDIOVASCULAIRE NON INVASIVE DE L’ACTIVITE DU

III. 1.1.4.2 L’allongement de l’espace QT est-il véritablement à l’origine de la survenue des

De plus en plus de preuves expérimentales et cliniques tendent à montrer que l’apparition des torsades de pointe pourrait être moins reliée à la sévérité de l’allongement de l’espace QT qu’à la dispersion électrique transmurale (97-99).

 Un exemple, le syndrome du QT long (LQTS)

L’allongement de l’espace QT peut être observé lors de désordres congénitaux ou lors de l’administration de médicaments qui prolongent la durée des potentiels d’action des myocytes ventriculaires. Bien que ces différentes formes de syndrome du QT long s’expriment par des phénotypes parfois distincts, ils partagent tous un allongement de l’espace QT visible sur l’électrocardiogramme, des troubles du rythme ventriculaires (les torsades de pointe) et dans de nombreux cas, un risque accru de mort subite (100-102).

Les syndromes du QT long d’origine congénitale sont actuellement supportés par 10 génotypes (LQT1 à 10) qui diffèrent par les mutations affectant différents canaux ioniques et une protéine de structure. Les syndromes du QT long acquis résultent quant à eux soit de l’effet d’un ou de plusieurs médicaments connus pour prolonger le potentiel d’action ventriculaire, soit de l’allongement de l’espace QT secondaire à des cardiomyopathies (hypertrophiques ou dilatées) ou encore de bradycardies associées ou non à des désordres électrolytiques. La majorité des médicaments à l’origine d’un syndrome du QT long acquis bloquent le courant IKr, nombre d’entre eux bloquent en outre IKs et quelques-uns augmentent le courant retardé INa.

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Les formes acquises du syndrome du QT long apparaissent plus fréquentes que les formes congénitales (prévalence des formes congénitales : 1-2/10 000) et certains auteurs évoquent l’existence d’une prédisposition génétique.

Que ce soient dans les syndromes du QT long acquis ou congénitaux, l’amplification de la dispersion spatiale de la repolarisation à l’échelle du myocarde ventriculaire plus que l’allongement de l’espace QT a été identifiée comme le principal substrat d’arythmogénicité, à l’origine de torsades de pointe. L’accentuation de la dispersion spatiale, secondaire à une augmentation de la repolarisation transmurale, transseptale ou apico-basale et le développement de phénomènes de dépolarisation précoce représentent le substrat nécessaire à la survenue de torsades de pointe (103).

 L’intervalle (Tapex - Tfin) : un index de la dispersion transmurale de la repolarisation

L’intervalle (Tapex - Tfin) a été montré in vivo comme le reflet de la dispersion transmurale de la repolarisation. Bien qu’aucun paramètre équivalent ne puisse être envisagé à l’échelle d’un cœur entier, certains auteurs ont émis l’hypothèse que l’intervalle (Tapex – Tfin) obtenu à partir d’un enregistrement électrocardiographique puisse être considéré comme un indice clinique non invasif de la dispersion spatiale de la repolarisation et en particulier de la dispersion transmurale. Bien que ce concept nécessite des preuves cliniques supplémentaires, diverses études ont d’ores et déjà été tentées pour valider cette approche. Ainsi, Lubinski et al ont démontré que cet intervalle était augmenté chez des patients présentant un syndrome de QT long congénital (103). Des études récentes suggèrent même que l’intervalle (Tapex – Tfin) puissent être à la fois un indice particulièrement utile de la dispersion transmurale de la repolarisation et un facteur pronostique de risque de survenue d’arythmies dans différentes conditions. Takenaka et al ont récemment démontré une augmentation de cet intervalle lors d’exercice physique réalisé par des patients atteints de syndrome du QT long QTL1, et pas chez ceux atteints de QTL2 (104). Ces observations de même que celles de Schwartz et al (105) – qui montraient une association entre exercice et risque de survenue de torsades de pointe chez des patients atteints de syndrome du QT long QTL1, et pas chez ceux atteints de QTL2 –

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constituent une preuve du lien pouvant exister entre l’allongement de l’intervalle (Tapex – Tfin) et sa valeur prédictive de survenue de torsades de pointe. Yamaguchi et coll (106) concluent même leur étude en affirmant que l’intervalle (Tapex – Tfin) est un facteur prédictif plus fiable de survenue de torsades de pointe que la dispersion du QT ou du QT corrigé chez les patients souffrant de syndrome du QT long acquis. Shimizu et al (107) ont montré que l’intervalle (Tapex – Tfin), contrairement au QT corrigé, permettait de prédire le risque de mort subite d’origine cardiaque chez des patients souffrant de cardiomyopathie hypertrophique. Bien que d’autres études cliniques soient encore nécessaires à l’évaluation de la pertinence de cet indice et à sa valeur pronostique pour la survenue d’arythmies, les preuves s’accumulent tendant à confirmer l’hypothèse selon laquelle la dispersion transmurale de la repolarisation, plus que l’allongement de l’espace QT représente le substrat nécessaire au développement des torsades de pointe (108, 109).

 Illustration par les effets conjoints sur l’espace QT et la dispersion transmurale de la repolarisation de quelques médicaments in vitro (Figure 3.2)

Des bloqueurs exclusifs du courant IKr comme le sotalol, la dofetilide ou l’erythromycine induisent un allongement dose-dépendant de l’intervalle QT associé à une augmentation dose-dépendante de la dispersion transmurale de la repolarisation (98). Lorsque la dispersion transmurale de la repolarisation atteint un certain seuil (90 ms dans une préparation in vivo de cardiomyocytes de chien), les phénomènes de ré-entrée apparaissent et les torsades de pointe surviennent.

Avec des médicaments dont le mode d’action s’avère plus complexe comme le cisapride et la quinidine, Antzelevitch et al observent une relation dose-réponse biphasique évoluant en parallèle sur les deux paramètres. Ainsi, il a été constaté un allongement dose-dépendant de l’espace QT jusqu’à des concentrations qui inhibent les courants ioniques entrants, conduisant alors à une diminution dose-dépendante de l’espace QT. Les torsades de pointe surviennent seulement au moment où la dispersion transmurale de la repolarisation atteint une valeur seuil autorisant les phénomènes de ré-entrée.

D’autres preuves pharmacologiques sont apportées par des médicaments qui entraînent une augmentation dose-dépendante de l’espace QT mais induisent peu

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d’augmentation voire une diminution de la dispersion transmurale de la repolarisation. Avec ces médicaments, le seuil de déclenchement des torsades de pointe n’est pratiquement jamais atteint. Il s’agit de médicaments bloquant préférentiellement le courant IKs comme le chromanol 293B ou de médicaments agissant sur plusieurs canaux ioniques à la fois comme le pentobarbital, l’amiodarone et la ranolazine (un nouveau médicament anti-angineux). Ces derniers allongent l’espace QT sans variation de la dispersion transmurale de la repolarisation. Le risque de torsades de pointe apparaît quasi-nul lors de leur utilisation.

L’ensemble de ces observations semblent donc indiquer que l’arythmogénicité résulte moins de l’allongement de l’espace QT que d’une augmentation de la dispersion transmurale de la repolarisation, qui accompagne cependant souvent mais pas systématiquement un allongement de l’espace QT.

De plus, il apparaît que les stimulations sympathiques intenses qui augmentent cette dispersion puissent expliquer en partie les observations cliniques réalisées chez les patients atteints de QTL1 et QTL2. En effet, il a été observé que chez ces malades les évènements cardiaques tels que les torsades de pointe surviennent préférentiellement lors de stress physique et émotionnel. D’un point de vue physiopathologique, ces dernières observations constituent des preuves cliniques du lien entre système nerveux autonome, dispersion de la repolarisation et mort subite.

84 Torsades de pointe Absence ou présence de rares torsades de pointe A u g m e n ta ti o n ( m s ) A u g m e n ta ti o n ( m s ) Seuil de déclenchement des TdP A u g m e n ta ti o n ( m s ) Seuil de déclenchement des TdP Médicament Médicament Médicament

Figure 3.2 : Effets des médicaments sur l’espace QT et la dispersion transmurale de la repolarisation (TDR) et corrélation avec la survenue de

torsades de pointe (TdP)

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