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Mesure de la tension interfaciale des gouttes

CHAPITRE 3 : SYNTHESE ET CARACTERISATION DES MATERIAUX

V. Caractérisation des gouttes fonctionnalisées

V.6.   Mesure de la tension interfaciale des gouttes

Comme nous l’avons vu dans la première partie, les émulsions sont caractérisées par une tension interfaciale 𝜎 qui informe notamment sur la déformabilité des gouttes. Il existe plusieurs méthodes de mesure de la tension superficielle (Gast and Adamson, 1997). Dans notre cas, nous avons utilisé la technique classique de la goutte pendante.

Cette méthode est basée sur la forme d’une goutte à l’équilibre. Lorsque les effets gravitationnels (dépendants du volume de la goutte) et les effets de la tension superficielle de la goutte maintenue à l’extrémité d’une pipette verticale sont à l’équilibre, on peut déterminer à travers la forme de la goutte obtenue la tension superficielle (cf.Figure 3.28). La tension superficielle s’écrit donc:

𝜎 =𝜌  𝑔  𝑉!"# 2π  R  

où 𝜌  désigne la densité du liquide en g.cm-3,  𝑔 = 9.8 m.s-2 l’accélération de la pesanteur, 𝑉!"# le volume maximal de la goutte, R le rayon extérieur du tube. En pratique, nous analysons la forme d’une goutte de solution aqueuse plongeant dans un bain d’huile de soja. Le forme de la goutte est analysée par analyse d’image avec un tensiomètre Kruss (Drop Shape Analyzer – DSA30) présent au LCMD (ESPCI).

Figure 3.28. Représentation schématique d’une goutte pendante à l’extrémité d’un tube. Image adaptée de (ESPCI).

  100 (pH = 7.1, 20 mM) et un tampon physiologique DMEM (pH = 7.4). Comme notre protocole de formulation implique deux tensioactifs, nous avons mesuré l’effet de leur présence dans la phase aqueuse.

Nous avons vu précédemment que certains des ingrédients utilisés dans notre formulation étaient sensibles au vieillissement, notamment par hydrolyse ou oxydation. Du fait de leur dispersion en gouttes et de l’augmentation de surface d’échange avec la phase continue, les cinétiques de vieillissement sont potentiellement différentes de celles qui peuvent exister dans un grand volume de ces produits. Autrement dit, la technique de la goutte pendante crée une interface qui n’est pas forcément identique à celle de l’objet tel que nous l’avons formulé.

Yeung et al. (Yeung et al., 2000) ont développé une méthode de mesure de tension interfaciale de gouttes d’émulsions basée sur la technique de micropipettes qui est fréquemment utilisée pour caractériser les propriétés mécaniques des membranes cellulaires et des bicouches lipidiques (Herant et al., 2005).

Couplée à un système d’aspiration, la micropipette permet d’attraper une goutte individuellement et de la soumettre à une pression dont la valeur est connue. La gouttelette est alors observée au microscope optique pour permettre une mesure précise de la valeur du rayon de la pipette mais aussi du diamètre de la goutte (cf. Figure 3.29).

Figure 3.29. (a) et (b) La chambre d’observation est constituée de deux lamelles où des gouttes sont diluées dans du tampon PB à 0,2%m/m Tween20 pour éviter l’adhésion aux parois de la pipette. (c) La goutte est soumise à une aspiration controlée par une différence de pression. (d) La mesure du rayon de la goutte et de celle de la pipette permet de mesurer la tension interfaciale.

La loi de Laplace établit une relation entre la différence de pression et la tension superficielle qui peut être utilisée pour analyser les expériences de micromanipulation :

Δ𝑃 =  2𝜎 𝑅

Dans notre cas il y a deux différences de pressions, la première entre la goutte et le milieu extérieur et la deuxième entre la goutte et la pression exercée par l’aspiration dans la micropipette. Ce qui se traduit par ce qui suit :

Chapitre  3  :  Synthèse  et  caractérisation  des  matériaux     101 𝑃!"#$$%− 𝑃!"# =  2𝜎 𝑅! 𝑃!"#$$%− 𝑃!"#$%%$ =   2𝜎 𝑅!"#

Puisque la pression dans la goutte est homogène, on peut combiner les deux équations: 𝑃!"#− 𝑃!"!#$$# =  2𝜎  ( 1

𝑅!"# 1 𝑅!)

𝑃!"# est connue et constante, 𝑃!"!#$$# est fixée expérimentalement, le rayon de la pipette et le rayon de la goutte sont mesurés par microscopie, et la tension superficielle des gouttes que nous avons fabriquées peut donc être déduite simplement :

𝜎 =𝑃!"# − 𝑃!"!#$$#  2(𝑅1

!"#𝑅1 !)

Expérimentalement, le système de pression que nous avons utilisé est basé sur le principe des réservoirs hydrostatiques communicants. Un réservoir d’eau est lié à la pipette via un tube. Ce vase est soumis à un déplacement vertical micrométrique. Une seringue est reliée au système et permet de maintenir la goutte dans la micropipette. À l’aide d’un multimètre et d’une sonde de pression, on mesure la différence de pression à l’entrée de la pipette avant et après l’aspiration de la goutte (1 mV = 5 Pa). Le zéro de pression est fait en obtenant l’immobilité d’une poussière dans le tampon utilisé. Les objets dont on veut mesurer la tension et les pipettes sont incubées préalablement à l’expérience dans du tampon PB à 0,2%m/m Tween 20 pour éviter l’adhésion aux parois de la micropipette.

Méthode Matériau Condition Tension interfaciale

(mN m-1)

Micropipette Emulsion formulée PB + 0,2%m/m Tween 20 10±2

Goutte

Pendante Huile de soja

PB 6 PB+1%m/m Pluronic F68 6 PB + 0,2%m/m Tween 20 5,5 DMEM 4 DMEM 1%m/m Pluronic F68 4 DMEM + 0,2%m/m Tween 20 2,5

Table 3.6. Comparaison des mesures de tensions interfaciales réalisées avec des micropipettes ou la technique de la goutte pendante. Mesures effectuées à 25°C.

  102 micron. Pour les préparer d’une manière reproductible et précise, il existe des étireuses qui vont chauffer le capillaire par un faisceau laser tout en exerçant une traction sur chacune des extrémités pour le séparer en deux pointes fines. Le programme utilisé fournit des pointes avec des diamètres intérieurs de l’ordre du micron (3 – 5 µm) qui correspondent parfaitement au diamètre de nos gouttes.

La Table 3.6 présente les résultats obtenus avec les deux techniques. On remarque que les valeurs mesurées sont globalement assez faibles et sont toutes inférieures à la dizaine de mN.m-1. La tension de surface huile de soja/eau est de l’ordre de la trentaine de mN.m-1 mais Gaonkar a montré que la présente d’impuretés naturelles comme des mono- et diglycérides pouvait faire diminuer la tension à des valeurs proches de celles que nous observons (Gaonkar, 1989).

Les tensions interfaciales mesurées dans le DMEM sont systématiquement plus faibles que celles mesurées dans le PB, ce qui peut s’expliquer par la composition complexe du milieu de culture qui contient des molécules qui ont une légère activité de surface1 comme par exemple les acides aminés. La présence de Pluronic F68 ou de Tween 20 dans le milieu n’affecte que très peu la tension de surface de l’huile de soja. La tension superficielle mesurée directement sur les gouttes formulées par la méthode des micropipettes est égale à 10 ± 2 mN.m-1. Quelle que soit la technique utilisée, nous mesurons des valeurs qui sont très proches entre elles et nous ne pouvons pas conclure sur l’influence d’un surfactant par rapport à un autre à l’interface eau/huile pour les émulsions formulées.