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La mesure de l’efficacité de ces traitements antiplaquettaires au niveau pharmacodynamique est réalisée par plusieurs méthodes. L’agrégométrie à transmission lumineuse est considérée comme le « gold standard » alors que des tests de réactivité plaquettaire plus récents comme le VASP ou le VerifyNow rendent la mesure plus simple et sont spécifiques des récepteurs P2Y12, donc de l’action antiplaquettaire du clopidogrel ou du prasugrel.

Cependant, les valeurs seuils qui permettraient de déceler les patients qui ne répondraient pas au traitement ne sont pas clairement définies et ces méthodes doivent être validées en recherche clinique.

3.1 L’agrégométrie à l’ADP

L’agrégométrie à l’ADP repose sur le principe de la transmission lumineuse : un faisceau lumineux traverse la suspension plaquettaire dans un plasma riche en plaquettes (PRP).

Lorsque les plaquettes ne sont pas agrégées, la solution est trouble et un agent agrégeant tel que l’ADP ou l’acide arachidonique est ajouté pour provoquer l’agrégation des plaquettes et ainsi rendre plus limpide la solution et rendre plus propice la transmission lumineuse.

Toutes les analyses se font à l’aide d’un agrégomètre qui mesure en parallèle l’agrégation d’un plasma témoin en présence du même agent agrégant que le plasma-test dans des conditions physiologiques, à 37°C.

L’étude quantitative des courbes d’agrégation permet d’identifier les mécanismes biochimiques et physiologiques qui contrôlent l’agrégation et permet de déterminer l’effet des médicaments qui inhibent l’agrégation plaquettaire et de comprendre leur mécanisme d’action.

Cette technique présente cependant quelques inconvénients : il y a une grande variabilité des résultats entre différents laboratoires, la procédure est complexe et nécessite un savoir- faire spécifique ainsi que des préparations pré-analytiques relativement longues. De plus, l’analyse doit être faite dans les 3 heures après le prélèvement sanguin (57).

3.2 Le VASP

Un nouveau test d’agrégation plaquettaire basé sur l’état de phosphorylation de la protéine VASP est désormais très utilisé. Il présente l’avantage d’être spécifique des récepteurs P2Y12, contrairement à l’agrégométrie à l’ADP (58). Le VASP est une technique sensible et reproductible avec une procédure standardisée qui limite la variabilité analytique.

L’échantillon sanguin peut être conservé pendant 24h (59).

La protéine VASP appartient à la famille des Ena/VASP. C’est une protéine intracellulaire

régulation de l’expression de la glycoprotéine GPIIb/IIIa dans les plaquettes et cette activité dépend de l’état de phosphorylation de la protéine VASP. La protéine VASP phosphorylée correspond à une relaxation plaquettaire alors que lorsque la protéine n’est pas phosphorylée, elle montre une activation plaquettaire. En effet, lorsque l’ADP se fixe sur ses récepteurs P2Y12, l’adénylate cyclase est inhibée via une protéine Gi qui provoque également une diminution de l’AMPc. La diminution de l’AMPc résultera en une inhibition de la PKA, protéine responsable de la phosphorylation de VASP. Ainsi, la protéine VASP non-phosphorylée va activer le récepteur GPIIb/IIIa qui va se lier au fibrinogène et entraîner l’activation plaquettaire. La prostaglandine E1 (PGE1) est à l’opposé un activateur de la l’agrégation plaquettaire en empêchant la phosphorylation de VASP.

Le clopidogrel ou le prasugrel, qui empêchent l’ADP de se fixer sur ses récepteurs P2Y12, vont donc permettre la phosphorylation de VASP et vont ainsi favoriser la relaxation des plaquettes. Le principe du test d’agrégation VASP est donc basé sur l’étude de la phosphorylation de la protéine VASP induite par les inhibiteurs des récepteurs P2Y12 (59, 62).

Des kits commerciaux existent actuellement dont le plus connu est le Platelet VASP®.

Dans ce test, le sang citraté est incubé avec de la PGE1 ou avec PGE1 + ADP pendant 10 minutes et est ensuite fixé avec du paraformaldéhyde. Les plaquettes sont alors perméabilisées et mis en présence d’un anticorps monoclonal primaire dirigé contre la protéine VASP phosphorylée suivie d’une incubation avec un anticorps secondaire polyclonal de chèvre antisouris qui est conjugé à la fluoresceine isothiocyanate.

L’analyse par cytométrie en flux permet de comparer les deux conditions testées pour déterminer la capacité de l’ADP à inhiber la phosphorylation de VASP dans chaque échantillon. Un indice de réactivité plaquettaire (PRI) est ensuite calculé à partir de l’intensité de fluorescence médiane dans les échantillons incubés avec PGE1 ou PGE1+ADP selon la formule suivante :

PRI = [(MFI(PGE1)-MFI(PGE1+ADP))/MFI(PGE1)]x100

Deux petites études ont eu pour but de déterminer une valeur « cut-off » pour tenter de définir la résistance au clopidogrel. Une étude a mesuré le PRI 12h après une dose de charge de 600mg de clopidogrel chez 195 patients avec syndrome coronarien aigu nécessitant la pose d’un stent coronarien. Une valeur de cut-off de 53% de PRI a été déterminée pour détecter des patients à haut risque cardiovasculaire pendant le premier mois après l’angioplasie (63). Une autre étude a suivi 144 patients nécessitant une angioplastie incluant 26% avec syndrome coronarien aigu après une dose de 300mg de

clopidogrel. Une valeur de cut-off de 50% a été déterminée pour exclure un haut risque cardiovasculaire chez les patients sous clopidogrel (64).

La méthode Platelet VASP® est donc une méthode très utile afin de déterminer l’agrégation plaquettaire spécifique pour les inhibiteurs des récepteurs P2Y12. Cependant, une des principales limitations de cette technique est la nécessité d’un cytomètre en flux, appareil disponible seulement dans des laboratoires spécialisés. De plus, les valeurs seuils qui permettraient de « classer » les patients par rapport à leur réponse au traitement restent à être validées dans des études de plus grande ampleur.

3.3 Le VerifyNow

Le système VerifyNow est un appareil qui permet de mesurer l’agrégation plaquettaire au lit du patient sur du sang total prélevé dans un tube citraté et qui est inséré dans une cartouche à usage unique contenant les agonistes nécessaires à la mesure. La mesure d’agrégation se fait grâce à la transmission lumineuse. Trois types de cartouches sont disponibles pour différents types de médicaments antiplaquettaires : aspirine, clopidogrel et inhibiteurs du GPIIb/IIIa. Dans le cas du clopidogrel, un premier compartiment contenant un fort agoniste de l’activation plaquettaire indépendant de l’aspirine et du clopidogrel permet de déterminer une fonction plaquettaire maximale de base. Un deuxième compartiment contient l’ADP et la PGE1 pour mesurer l’agrégation plaquettaire sous clopidogrel (65, 66).

Quelques études de corrélation ont été réalisées pour comparer ces différentes méthodes.

Une étude a inclut 211 patients en attente d’une angioplastie avec pose de stent sur lesquels le test d’agrégation à l’ADP ainsi que le VerifyNow ont été réalisés. Une grande corrélation a été trouvée entre le pourcentage d’agrégation tardive mesuré par agrégation à l’ADP et les unités de réaction de P2Y12 (PRU) mesuré par le système VerifyNow (r=0.75) (67). D’autres recherches ont confirmé cette corrélation entre les différentes méthodes (68, 69).

Dans les études cliniques, on retrouve souvent deux méthodes de mesure de l’agrégation pour assurer la validité des résultats et pouvoir corréler les méthodes dans le même temps alors qu’en pratique clinique, le test va surtout dépendre des moyens à disposition. Le VerifyNow permet de contrecarrer les inconvénients de l’agrégométrie à l’ADP tels que le traitement immédiat de l’échantillon au laboratoire, la nécessité d’une personne qualifiée et d’un cytomètre en flux à disposition. Ce système permet de faire la mesure directement, d’avoir le résultat instantanément mais les résultats des études de corrélation avec les méthodes standards sont relativement récents et les appareils ainsi que les cartouches représentent un investissement important.