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1.3 Théorie des matroïdes

1.3.4 Matroïdes et approximation en multi-objectif

Dans ce qui suit, nous nous intéressons à la version multi-objectif du problème de la base de poids maximum (ou minimum) définie comme suit : soit un matroïde M = (X, F) et soit B la collection des bases de M. On définit n ≥ 2 fonctions additives ui : X → IR+ et n objectifs où l’objectif i consiste à trouver une base

B ∈ B qui maximise (ou qui minimise) ui(B) pour i = 1, ..., n.

Ehrgott (1996) s’intéresse aux deux problèmes qui consistent à déterminer l’en-semble de Pareto et le problème de la base B qui minimise maxi=1,...,nui(B). Les problèmes de décision associés sont NP-complets, ∀n ≥ 2 (Camerini et Vercellis, 1984; Warburton, 1985; Ehrgott, 1996). Ehrgott (1996) s’intéresse également à l’adjacence des bases Pareto-optimales : deux bases sont dites adjacentes si elles contiennent r(M) − 1 éléments en commun. Considérons le graphe dont les som-mets sont les bases Pareto-optimales et il existe une arête entre deux bases si et seulement si ces dernières sont adjacentes. Ehrgott (1996) montre que l’en-semble des bases Pareto-optimales supportées4 est connexe en utilisant la propriété d’échange d’un élément (théorème 1.3, page 27).

Gorski (2010) s’intéresse dans sa thèse à un problème de matroïde bi-objectif où le premier objectif peut prendre des valeurs positives entières mais le second objec-tif prend des valeurs binaires uniquement. Gorski prouve la connexité de l’ensemble des bases Pareto-optimales et propose un algorithme pour générer l’ensemble de ces bases qui est inspiré de l’algorithme d’intersection de matroïdes.

Nous citons également le problème du sac-à-dos matroïdal (multi-constrained

matroidal knapsack problem) (Camerini et al., 1989) qui est la version budget du

problème multi-objectif de la base de poids maximum (ou minimum). Le problème consiste à trouver une base de poids maximum avec p ≥ 1 contraintes de budget (chaque élément a p différents coûts et chacun des p coûts de la base sélectionnée doit être inférieur à un budget fixé). Camerini et al. (1989) proposent un algo-rithme basé sur la relaxation Lagrangienne pour calculer des bornes sur la valeur de la solution optimale et qui fournit également une solution approchée avec une garantie probabiliste.

Certains travaux sur les arbres couvrants multi-objectifs (base du matroïde gra-phique multi-objectif) ont été généralisés aux bases multi-objectifs. Par exemple, le PTAS de Ravi et Goemans (1996) a été généralisé au problème de la base de poids minimum avec une contrainte de budget. Le EPTAS5 de Hassin et Levin

4. Une solution Pareto-optimale est dite supportée si elle appartient à l’enveloppe convexe des solutions Pareto-optimales.

5. EPTAS pour Efficient Polynomial Time Approximation Scheme : classe intermédiaire entre PTAS et FPTAS, c’est-à-dire qu’il existe un algorithme qui fournit une (1 + ǫ)-approximation pour un problème de minimisation pour tout ǫ > 0, de complexité O

 1 ǫ O(1 ǫ) . 40

1.3. Théorie des matroïdes (2004) est également valide pour ce même problème. Pour p ≥ 2 contraintes de budget, Grandoni et al. (2009) montrent que le problème admet un PTAS multi-critère en violant les contraintes de budget à un facteur (1 + ǫ) pour tout ǫ > 0. Si une solution réalisable consiste en un ensemble indépendant (et pas forcément une base) alors Grandoni et Zenklusen (2010) proposent un PTAS.

Les travaux de Berger et al. (2011) sur le problème de couplage de poids maxi-mum ont également été généralisés au problème d’intersection de deux matroïdes de poids maximum avec une contrainte de budget où ils montrent que le problème admet un PTAS.

Quant à l’approximation de l’ensemble de Pareto du problème de la base de poids maximum (ou minimum) multi-objectif avec une ou plusieurs solutions, à notre connaissance peu de résultats existent. Il est cependant possible d’utiliser le PTAS du problème de la base de poids minimum avec une contrainte de budget (Ravi et Goemans, 1996) pour approcher l’ensemble de Pareto du problème de la base de poids minimum bi-objectif (voir la section 1.2.2, page 18).

Une question intéressante est l’existence d’un FPTAS pour déterminer une approximation de l’ensemble de Pareto des bases d’un matroïde multi-objectif. Une piste pour avoir un tel algorithme serait de généraliser la routine polynomiale qui résout le problème GAP (problème 14, page 199) de l’arbre couvrant multi-objectif aux bases d’un matroïde multi-objectif. Cela permettrait également d’utiliser le FPTAS proposé par Vassilvitskii et Yannakakis (2005) pour approcher le point d’articulation (la meilleure solution approchée du point idéal).

Dans cette thèse, nous proposons, à notre connaissance, les premiers résul-tats d’approximation du point idéal du problème de la base de poids maximum multi-objectif (Chapitres 4 et 5). Nous proposons également des résultats d’ap-proximation du point idéal de plusieurs variantes d’un problème bi-objectif défini sur un matroïde pondéré colorié (Chapitre 6).

Chapitre

2

Problèmes d’allocation de ressources et

notions d’équité

Dans le chapitre 1, il a été mentionné que le problème classique d’allocation de biens indivisibles peut être modélisé par les matroïdes. En raison de notre intérêt pour cette application dans cette thèse, nous présentons dans ce chapitre le cadre général des problèmes d’allocation de ressources et les critères d’équité classiques qui déterminent la qualité d’un partage.

Sommaire

1.1 Théorie de l’approximation en optimisation mono-objectif . . . 11 1.1.1 Généralités sur l’approximation . . . 12 1.1.2 Conception d’algorithmes d’approximation . . . 14 1.2 Approximation en optimisation multi-objectif . . . 15 1.2.1 Approche budget (ǫ − constraint) . . . . 17 1.2.2 Approximation de l’ensemble de Pareto . . . 18 1.2.3 Approximation du point idéal . . . 21 1.2.4 Inapproximabilité en optimisation multi-objectif . . . . 23 1.3 Théorie des matroïdes . . . 24 1.3.1 Généralités sur les matroïdes . . . 24 1.3.2 Exemples de matroïdes . . . 27 1.3.3 Matroïdes pondérés . . . 31 1.3.4 Matroïdes et approximation en multi-objectif . . . 40

2.1 Problème générique d’allocation de ressources

Nous présentons dans cette section un problème générique d’allocation de res-sources, dit aussi problème MA en référence à Multi-Agents. La ressource est un ensemble R = {e1, ...., em} de m éléments. Chaque élément est assimilé à un ob-jet ou à un bien indivisible. Soit R ⊆ 2R une collection de sous-ensembles de R

Chapitre 2. Problèmes d’allocation de ressources et notions d’équité

représentant les portions de la ressource qu’il est possible d’allouer (dites aussi al-locations admissibles). Cela signifie que la ressource est soumise à des contraintes

d’admissibilité qui est un ensemble de conditions imposées sur la ressource, qui

restreint l’ensemble des allocations possibles (voir Bouveret (2007) pour une dé-finition formelle). Nous nous intéressons aux ensembles S ∈ R qui satisfont la définition suivante.

Définition 2.1 (Ensemble maximal pour l’inclusion) Un ensemble S ∈ R

est dit maximal pour l’inclusion s’il n’existe pas S ∈ R tel que S ⊂ S.

Cette hypothèse est communément admise et fait référence au critère de maxi-malité pour la cardinalité en tant que critère d’efficacité (Bouveret, 2007). Notons Rmax ⊆ Rla collection des ensembles maximaux pour l’inclusion. Dans ce qui suit, nous nous restreignons aux ensembles S ∈ Rmax.

Les données du problème MA comportent aussi un ensemble N de n = |N| agents. Une solution réalisable du problème MA, aussi appelée allocation, est un vecteur de n ensembles (S1, ..., Sn) dont l’union S = ∪i∈NSi est un ensemble de Rmax. Si est un sous-ensemble de R et un membre de 2R, et il représente la part de l’agent i ∈ N. Nous supposons que les biens ne sont pas partageables, c’est-à-dire qu’il n’est pas possible d’allouer une même portion de la ressource à différents agents. Ainsi, Si∩ Sj = ∅ pour tout i 6= j. Cette dernière contrainte est également connue sous le nom de contrainte de préemption (Bouveret, 2007). Finalement, {S1, ..., Sn} est une partition de S ∈ Rmax.

Les agents peuvent exprimer des préférences sur les parts admissibles. Ces pré-férences peuvent être répertoriées en deux classes, selon qu’elles soient ordinales ou

cardinales. Une préférence ordinale est basée sur une relation binaire sur des

por-tions de la ressource, notée , qui est réflexive1 et transitive2 (et éventuellement totale3) (Chevaleyre et al., 2006). Une préférence cardinale peut être représentée par une échelle d’intervalle définie à une transformée affine positive près. Les agents peuvent représenter leurs préférences (ordinales ou cardinales) avec des fonctions d’utilité. Si les préférences sont ordinales, alors la fonction d’utilité est un codage numérique de l’ordre établi et est définie à une transformée strictement croissante près.

Nous supposons dans cette thèse que les préférences sont cardinales et nous définissons la fonction d’utilité ui : 2R → IR+ attribuée par l’agent i ∈ N (et qui lui est propre) à chaque portion de la ressource, représentant de façon précise son

1. Une relation S est réflexive si et seulement si xSx pour tout x.

2. Une relation S est transitive si et seulement si xSy et ySz ⇒ xSz pour tout triplet (x, y, z). 3. Une relation S est totale si et seulement si xSy ou ySx pour tout couple (x, y).

2.1. Problème générique d’allocation de ressources degré de préférence4 conformément à l’échelle établie.

En vue du nombre très grand de portions admissibles que peut contenir la ressource R, il convient de définir des langages permettant de restreindre l’énumé-ration des préférences à certaines portions de R. Par exemple, lorsque la ressource contient m éléments, on peut utiliser des fonctions d’utilité additives. Cela signifie qu’on dispose de l’utilité d’un agent pour tout bien de R et qu’on définit ui(R), l’utilité de l’agent i pour la part R ∈ R, comme étant la somme des utilités de i pour les éléments de R. Pour ne pas alourdir les notations, il est courant de noter

ui(e) l’utilité de l’agent i pour e ∈ R. On a donc tantôt ui: R → IR+ pour définir les utilités sur les biens pris séparément, tantôt ui : 2R→IR+pour définir les utili-tés des agents sur les parts. Dans ce cas, il suffit de connaître les utiliutili-tés des agents pour les biens individuels. Les agents auront alors à communiquer nm utilités au lieu de n2m. Chevaleyre et al. (2006) font un état de l’art sur les langages pour la représentation des préférences.

Dans certains cas, les agents peuvent attribuer des utilités très éloignées aux biens. Par exemple, l’utilité d’un premier agent pour son bien préféré e1 est 1, tandis que l’utilité d’un deuxième agent pour son bien préféré e2 est 1000. Cela ne signifie aucunement que le deuxième agent préfère e2 mille fois plus que le premier agent préfère e1, mais que les deux agents ont des échelles différentes pour évaluer les biens. Afin de pallier cette ambiguïté, on peut définir une échelle de grandeur commune pour tous les agents en normalisant l’instance comme suit.

Définition 2.2 (Instance normalisée à 1) Une instance du problème générique

d’allocation de ressources est normalisée à 1 si max

S∈Rui(S) = 1 pour tout i ∈ N.

Nous supposons ici que la part de l’agent i est l’intégralité de la solution S.

Nous nous focalisons dans cette thèse sur des collections R pour lesquelles l’optimum OP Ti = maxS∈Rui(S) de chaque agent i ∈ N se calcule en temps polynomial. Dans ce cas, la normalisation d’une instance peut être réalisée en temps polynomial pour des utilités additives. Il suffit de calculer OP Ti pour tout

i ∈ N, puis pour chaque élément e ∈ R, diviser l’utilité ui(e) par OP Ti pour le modèle additif, qui est le cas qui nous intéresse dans cette thèse.

Notons que nous nous appuyons sur une hypothèse de monotonie, c’est-à-dire que les agents ont des utilités positives pour tous les éléments. Ainsi, il ne sera jamais négatif pour un agent de recevoir un élément (Bouveret, 2007).

Un agent est un décideur pouvant prendre la forme d’une personne ou d’une entité. Un système multi-agents (SMA) fait référence à un groupe d’agents à qui

4. Formellement, il aurait fallu définir ui : 2R× Rmax → IR+ (i = 1, ..., n) car l’utilité d’un agent pour la part qu’il reçoit dépend de la solution qui a été partagée. Mais puisque ce modèle n’est pas traité et pour des raisons de simplicité, nous définissons ui: 2R→ IR+ (i = 1, ..., n).

Chapitre 2. Problèmes d’allocation de ressources et notions d’équité

la ressource est allouée. Les agents peuvent être des exécutants qui suivent les instructions d’un coordinateur, c’est le cas par exemple de personnes qui héritent des biens attribués par un exécuteur testamentaire. Les agents peuvent également interagir afin de construire ensemble une allocation, comme le ferait une colonie de fourmis pour partager la nourriture récoltée. Pour une description détaillée des SMA, voir par exemple Weiss (2013); Wooldridge (2009).

Nous supposons que les agents sont individualistes, c’est-à-dire que chacun souhaite que l’allocation soit au mieux pour lui, et non au mieux pour les agents en tant que collectivité. Pour un agent, cela revient à considérer sa part de façon absolue, ou relativement aux parts des autres agents. Mais l’objectif est de trouver une solution de compromis qui soit équitable pour ces agents. Nous développerons le concept d’équité dans la section 2.2, page 54. Finalement, le problème MA peut être résumé comme suit.

Problème MA

Instance : un ensemble R de m ≥ 1 éléments, une collection R ⊆ 2R, un ensemble N de n ≥ 1 agents et des utilités

ui : 2R→IR+, ∀i ∈ N.

Solution

réalisable : un vecteur de n ensembles deux à deux disjoints (S1, ..., Sn) dont l’union S = ∪i∈NSi ∈ Rmax ⊆ R.

Objectif : satisfaire un certain critère d’équité en tenant compte de (S1, ..., Sn) et (u1(S1), ..., un(Sn)).

Nous mentionnons dans ce qui suit un lien fort entre l’approche multi-agents (MA) et une autre approche, dite MO, en référence à l’optimisation Multi-Objectif.

En multi-objectif (MO), un décideur prend en compte et optimise différents attributs d’une solution (coût, durée, confort, etc.). Mais derrière chaque attribut, il n’y a pas d’entité (ou d’agent) qui se verrait lésée si l’attribut est négligé par rapport à un autre. À l’inverse, en MA, c’est le point de vue de chaque agent qui donne une dimension pour l’évaluation de la solution. Ainsi, en MO, chaque objectif i peut être évalué sur la solution S ∈ Rmax dans sa globalité et la valeur d’un objectif est une fonction ui : Rmax →IR+. La problématique MO est résumée comme suit :

2.1. Problème générique d’allocation de ressources Problème MO

Instance : un ensemble R de m ≥ 1 éléments, une collection R ⊆ 2R, un entier n ≥ 1 et des fonctions objectifs ui : Rmax →IR+,

i= 1, ..., n.

Solution

réalisable : un ensemble S ∈ Rmax.

Objectifs : maximiser ui(S), i = 1, ..., n.

Nous pouvons constater la différence entre les approches MA et MO à travers les exemples suivants.

Exemple 2.1 Prenons l’exemple énoncé par Ehrgott (2005) dans son introduc-tion. Un individu souhaite acheter une voiture. Il considère un ensemble R conte-nant différents modèles de véhicules. Pour faire son choix, cet individu tient compte de trois attributs qui sont le prix, le rendement du moteur et la puissance du vé-hicule. Il en découle 3 objectifs : minimiser le prix, maximiser le rendement et maximiser la puissance du véhicule. Le but est de sélectionner le meilleur compro-mis, c’est-à-dire le véhicule qui satisfait au mieux ces trois objectifs. Cependant, on ne s’intéresse pas au degré de satisfaction d’un objectif par rapport à un autre. De plus, chaque objectif est évalué sur le véhicule dans sa globalité. Cela correspond bien à la problématique MO.

Exemple 2.2 Une association caritative récolte un ensemble R de jouets. Elle décide de distribuer une partie de ces jouets à différentes familles à l’occasion de la journée de l’enfance. Les sous-ensembles de jouets qu’il est possible de donner sont répertoriés dans la collection R. L’objectif est de sélectionner un sous-ensemble de jouets dans R et de le partager sur les familles de façon équitable. L’intérêt des familles prime. Ainsi, l’utilité de chaque famille est évaluée sur les jouets qu’elle reçoit. De plus, l’équité du partage doit être pris en compte si les responsables de l’association ne veulent pas avoir de familles lésées. Il s’agit donc d’une probléma-tique MA.

En outre, un point commun entre les problématiques MA et MO est le fait qu’une solution est évaluée à l’aide d’un vecteur. En MO, le nombre d’objectifs est typiquement constant. À l’inverse des problèmes MA, la dimension du vecteur qui évalue une solution est le nombre d’agents, donc il est typiquement non constant.

Notons que la problématique MO peut être étudiée suivant une approche MA. Un cas illustratif sera donné dans l’exemple 2.5 (page 50). D’ailleurs, le problème MO peut être réduit à un problème MA en posant ui(Si) = ui(S) pour tout

Chapitre 2. Problèmes d’allocation de ressources et notions d’équité

utilités additives d’un point de vue MA), nous prouverons dans la section 2.1.2 (page 49) que le problème MA se réduit au problème MO.

Le problème générique d’allocation de ressources est difficile à résoudre. D’une part, la collection R peut contenir un nombre exponentiel d’ensembles. D’autre part, rechercher un sous-ensemble de R qui satisfait certaines performances peut être NP-difficile. Quelques exemples de problèmes NP-difficiles seront exposés dans la section 2.2. De ce fait, il serait intéressant d’étudier des collections R qui forment des structures particulières.

Un cas particulier intéressant est lorsque R = 2R. Dans ce cas, tout sous-ensemble d’éléments est admissible et l’unique solution réalisable (maximale pour l’inclusion) est R. Le problème MA consiste alors à allouer la ressource dans son intégralité aux agents. Ce problème est connu dans la littérature sous le nom du problème classique de partage ou d’allocation de ressources (biens indivisibles). Notons que le problème présenté dans cette section porte la mention de problème

générique d’allocation de ressources. Le problème classique est présenté dans la

section suivante.