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A. LES TROUBLES DE PERSONNALITE SONT-ILS ASSOCIES AU

2. MATERIEL ET METHODES

a) Déroulement de l’étude

Il s’agit d’une étude prospective multicentrique longitudinale qui s’est déroulée entre mai 2006 et novembre 2007 au sein des services de gynécologie des Centres Hospitalo-Universitaires de Tours et Poitiers. Cette étude a été financée par l’Institut National du Cancer (INCa) à hauteur de 87°990 Euros et par les comités départementaux de la ligue contre le cancer d’Indre et Loire et de la Vienne à hauteur de 14°000 Euros.

Le protocole de recherche a été évoqué aux patientes dans un premier temps par le gynécologue qui les prenait en charge, le recueil des données était ensuite effectué par des psychologues, attachés spécifiquement à ce projet de recherche. Trois évaluations ont eu lieu pour chaque patiente :

 une première évaluation après le diagnostic et avant le début du traitement (T1). Ce premier entretien a été effectué par la psychologue, au cours d’entretiens cliniques réalisés dans le service de gynécologie, après avoir présenté le protocole à la patiente, et recueilli son consentement. Cette première phase comprend le recueil de données socio-démographiques, médicales, la passation de la MINI (Mini International Neuropsychiatric Interview) et évaluation des stratégies de coping avec l’échelle Brief-COPE.

Une seconde évaluation a eu lieu après l’intervention chirurgicale à environ 3 mois de l’inclusion (T2). Elle se déroulait lors d’un entretien clinique avec la psychologue, soit à l’occasion d’une séance de radiothérapie ou chimiothérapie soit après fixé un rendez-vous avec la patiente. Cette visite comprend la passation de la VKP (Vragenlijst voor Kemmerken van de Persoonlijkheid), soit au moyen d’un ordinateur, soit en version papier.

Le troisième temps d’évaluation à 7 mois de l’inclusion, à la fin de la première phase de traitement (T3). Les patientes ont été contactées par la psychologue pour fixer un rendez-vous, elles sont ensuite à nouveau reçues lors d’un entretien clinique. Ce dernier temps

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d’évaluation comprend la passation de la MINI et évaluation des stratégies de coping avec l’échelle Brief-COPE.

b) Population étudiée

La population étudiée est la même que présentée dans l’étude 1.

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c) Variables mesurées

Les variables mesurées sont résumées dans le tableau 1, dans l’étude 1, récapitulatif du déroulement de l’étude.

Nous avons mesuré les variables suivantes à T1 : caractéristiques socio-démographiques, parcours de soins (enregistrement des modalités de prise en charge de la maladie cancéreuse et des autres traitements éventuels reçus par la patiente), évaluation catégorielle des troubles anxieux et troubles de l’humeur avec le MINI et évaluation des stratégies de coping utilisées avec l’échelle Brief-COPE.

A T2, nous avons mesuré les troubles de personnalité de manière catégorielle avec l’échelle VKP.

A T3, les troubles anxieux et de l’humeur sont à nouveau évalués de manière catégorielle avec le MINI et les stratégies de coping avec l’échelle Brief-COPE.

(1) Caractéristiques socio-démographiques (T1), Parcours de soins, types de traitement, gravité de la maladie

Ces variables sont définies dans l’étude 1.

(2) Evaluation catégorielle des troubles anxieux et des troubles dépressifs (T1 et T3) :

L’échelle utilisée pour ces évaluations (MINI) est détaillée dans l’étude 1.

(3) Troubles de la personnalité (T2) : évaluation catégorielle

Les troubles de personnalité sont évalués de manière catégorielle à l’aide du questionnaire VKP (Vragenlijst voor Kemmerken van de Persoonlijkheid), cette échelle est décrite dans l’étude 1.

(4) Stratégies de Coping

Le coping est un concept décrit initialement par Lazarus et Wolkman,en 1966 puis développé en psychologie de la santé et défini comme « les réponses, réactions que l’individu va élaborer pour maîtriser, réduire ou simplement tolérer la situation

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aversive » (Bruchon-Schweitzer, 2001). Les individus vont développer une série de réactions cognitives, émotionnelles et comportementales pour évaluer les difficultés et pouvoir y faire face (Razavi & Delvaux, 2002). Les travaux menés sur le coping ont conduit à définir deux grandes catégories de coping : celui centré sur le problème : qui vise à réduire les exigences de la situation ou augmenter ses propres ressources pour mieux y faire face et celui centré sur l’émotion qui vise à gérer les réponses émotionnelles induites par la situation.

Le coping semble trouver ses déterminants dans les caractéristiques dispositionnelles de la personne (génétique, traits de personnalité, croyances…), dans la nature de l’événement et de l’environnement et enfin dans les transactions entre le sujet et son environnement (évaluation de la situation, stress perçu, lieu de contrôle perçu…).

Dans l’étude, les stratégies de coping employées par les patientes sont mesurées lors des visites du temps 1 (T1) et du temps 3 (T3) à l’aide du Brief-COPE.

(a) Brief-COPE

Il s’agit d’une version abrégée du COPE, de 28 items, validée théoriquement et empiriquement. L’instrument du COPE a été développé par Carver en 1989 et l’échelle Brief-COPE en 1997 (Carver, 1997) et ils sont largement utilisés en recherche pour évaluer les stratégies de « coping » ou « faire face ».

Des études de validation de cet instrument ont été réalisées et trouvent des coefficients de consistance interne satisfaisants, il a également été validé auprès de population de patientes atteintes de cancer du sein (Bussell et al., 2010), avec un coefficient alpha de Cronbach de 0,90. Ce questionnaire a également été validé en version française par Müller et al. (2003), mettant en évidence de bonnes qualités psychométriques, sa structure factorielle apparaît congruente avec celle proposée par Carver. Selon leur étude, le Brief-COPE possède également une bonne validité externe (corrélations avec autre instrument évaluant l’équilibre psychologique montrant des résultats cohérents).

Une autre étude a permis sa validation en version française, elle porte sur une population de femmes atteintes de cancer du sein et traitées par radiothérapie (Fillion et al., 2002) : elle met en évidence une bonne fiabilité (coefficient de consistance

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interne entre 0,69 et 0,89 selon les dimensions avec une moyenne à 0,77, coefficient test-retest similaire à celui de l’échelle initial non abrégée, la COPE. La corrélation avec deux échelles validées (CHIP : The Coping with Health Injuries and Problems et POMS : Profile of Mood States) a été effectuée et est satisfaisante.

Un des intérêts de cette échelle réside dans le temps de passation réduit qui permet une souplesse d’utilisation.

La Brief-COPE évalue 14 dimensions de coping, de 2 items chacune. Il existe quatre possibilités de réponse (de 1 « jamais » à 4 « toujours ») pour chaque item, les scores des 2 items correspondant à la même dimension doivent être additionnés, les scores varient de 2 à 8 (plus le score se rapproche de 8, plus le sujet utilise cette stratégie de coping). Un score est donc obtenu pour chaque dimension.

Les dimensions évaluées sont : le coping actif, la planification, la recherche de soutien social instrumental, la recherche de soutien social émotionnel, l’expression des sentiments, le désengagement comportemental, la distraction, le blâme, la réinterprétation positive, l’humour, le déni, l’acceptation, la religion et l’utilisation de substances.

d) Analyse statistique

Les analyses descriptives sont effectuées avec des variables qualitatives, exprimées sous forme de pourcentage et des variables quantitatives exprimées sous forme de moyenne et écart-type.

Nous avons comparé la prévalence des principaux troubles psychiatriques entre T1 et T3 (trouble anxieux généralisé, trouble panique avec ou sans agoraphobie, phobie sociale, état de stress post-traumatique, trouble obsessionnel compulsif et épisode dépressif majeur) à l’aide d’un test de Chi-Deux de Mac Nemar.

Nous avons réalisé des analyses de régression logistique univariées afin de rechercher l’association statistique entre l’existence de trouble anxieux généralisé à T3 et les critères socio-démographiques, les différents traitements, la présence de troubles de la personnalité et le type de trouble de la personnalité, les différentes stratégies de coping, l’estime de soi, les résultats au MINI à T1 et T3 et les résultats à l’HAD à T1 et T3.

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Une analyse de régression logistique multivariée a permis de déterminer les facteurs prédictifs de trouble anxiété généralisée à T3 (variable dépendante), en étudiant notamment l’impact des différents troubles de la personnalité (variable indépendante) après ajustement sur l’anxiété généralisée à T1 (variable dépendante).

Les résultats sont donnés avec la valeur du chi ² et par le calcul d’odds-ratio avec un intervalle de confiance à 95%. L’odds-ratio n’est précisé que lorsque le p est significatif.

Pour toutes les analyses statistiques, nous retiendrons le seuil de significativité α=0,05 (bilatéral).

Le logiciel utilisé est le logiciel Statview.

e) Ethique

Cette étude a reçu l’avis favorable du comité d’éthique du CHU de Tours etdu Comité Consultatif de Protection des Personnes se prêtant à la Recherche Biomédicale de Tours le 28/03/2006.

Pour chaque patiente incluse dans l’étude, la signature d’un consentement éclairé a été recueillie.

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3. RESULTATS

a) Caractéristiques de l’échantillon

(1) Caractéristiques socio-démographiques, gravité de la maladie, type de prise en charge

Ces résultats sont présentés dans le tableau 1 dans la première étude.

Les résultats à l’échelle Brief COPE sont présentés dans le tableau 15.

Tableau 15. Evaluation des différents styles de coping dans la population (scores obtenus à l’échelle Brief-COPE) et score moyen obtenu à l’échelle de Rosenberg : estime de soi.

Moyenne (±DS) Nombre de patientes (%) Styles de coping (évaluation Brief-COPE)

Coping actif 4,82 (±1,94)

Planification 4,68 (±2,08)

Soutien Instrumental 4,94 (±1,97)

Soutien Emotionnel 4,82 (±1,99)

Expression des sentiments 4,7 (±1,77)

Réinterprétation positive 5,07 (±1,83) Acceptation 6,19 (±1,79) Déni 3,46 (±1,88) Blâme 2,83 (±1,32) Humour 2,69 (±1,35) Religion 3,05 (±1,66) Distraction 3,86 (±1,96) Utilisation de substances 2,26 (±0,83) Désengagement comportemental 2,38 (±0,79)

b) Caractéristiques associées à un trouble anxieux généralisé à T3

Nous avons testé les liens entre les caractéristiques socio-démographiques, les variables associées au cancer et son traitement, les résultats au MINI concernant

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les troubles anxieux et dépressifs, les troubles de personnalité, les stratégies de coping et l’estime de soi et la présence d’une anxiété généralisée à T3.

(1) Facteurs prédictifs de Trouble Anxieux Généralisé à T3

Dans un premier temps, nous effectuons des analyses univariées afin de confirmer l’hypothèse d’une influence de certains facteurs sur le TAG à T3.

(a) Caractéristiques socio-démographiques

La présence d’un trouble anxieux généralisé à T3 n’est pas significativement associée au fait que la patiente vive seule (p=0,34).

Le niveau d’études n’est pas non plus associé significativement à la présence du trouble anxieux généralisé à T3 : niveau école secondaire (p=0,18) et niveau étude supérieure (p=0,78).

(b) Caractéristiques liées au cancer et au traitement

Dans notre étude, nous ne retrouvons pas de lien significatif entre le stade du cancer et le TAG à T3 (pour score TNM : T : p = 0,09 ; N : p = 0,35).

Nous ne retrouvons pas d’association significative entre la présence d’un trouble anxieux généralisé à T3 et le type de traitement chirurgical du cancer :

 tumorectomie (p=0,35),

 mastectomie (p=0,49).

On ne constate pas non plus d’association significative entre le traitement adjuvant et le trouble anxieux généralisé à T3 :

 curage ganglionnaire (p=0,16),

 chimiothérapie (avant chirurgie : p=0,67, après chirurgie : p=0,44),

 radiothérapie (p=0,33),

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(c) Troubles anxieux et dépressifs (diagnostics MINI- évaluation catégorielle) à T1

Certains diagnostics MINI sont associés de manière significative à la présence d’une anxiété généralisée à T3. Les résultats sont résumés dans le tableau 16.

Tableau 16- Analyse par régression logistique des diagnostics MINI à T1 prédicteurs potentiels d’un trouble anxieux généralisé à T3. (TAG = trouble anxieux généralisé)

Diagnostic MINI à T1 Chi 2 Valeur de p Odds-Ratio CI (à 95%)

TAG 5,64 0,0176 3,81 [1,26 – 11,47]

Trouble Panique avec agoraphobie 5,1 0,024 14,4 [1,42 – 145,67] Trouble panique sans agoraphobie 1,06 0,304

Phobie sociale 2,42 0,12

TOC 1,06 0,304

ESPT 4,31 0,038 7,13 [1,12 – 45,46]

EDM actuel 17,37 <0,0001 10,20 [3,42 – 30,4]

Le risque de présenter un trouble anxieux généralisé (TAG) à T3 est statistiquement associé à la présence d’un TAG à T1 (OR = 3,81 [1,26 – 11,47], p=0,018), mais aussi à la présence d’un trouble panique avec agoraphobie à T1 (OR= 14,4 [1,42 – 145,67], p=0,024) et d’un état de stress post-traumatique (ESPT) à T1 (OR = 7,13 [1,12 – 45,46], p=0,038). Cependant, on n’observe pas d’association significative entre les autres troubles anxieux (trouble panique sans agoraphobie, phobie sociale, trouble obsessionnel compulsif) à T1 et le TAG à T3.

On retrouve également une association significative statistiquement entre la présence d’un Episode Dépressif Majeur (EDM) à T1 et la survenue d’un TAG à T3 (p<0,0001).

(d) Stratégies de coping

Nous avons cherché l’existence d’une association entre les stratégies de coping utilisées à T1 et à T3 avec la présence d’un trouble anxieux généralisé à T3.

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Tableau 17. Analyse en régression logistique de l’association entre stratégies de coping à T1 et TAG à T3

Style de coping Chi 2 Valeur de p Odds-Ratio CI (à 95%)

Coping actif 0,03 0,85

Planification 0,38 0,53

Soutien instrumental 2,69 0,1 Soutien émotionnel 0,93 0,34 Expression des sentiments 2,7 0,1 Réinterprétation positive 2,12 0,15 Acceptation 4,49 0,034 0,76 [0,60 – 0,98] Déni 4,95 0,026 1,3 [1,03 – 1,63] Blâme 2,99 0,084 Humour 1,17 0,28 Religion 0,01 0,91 Distraction 1,1 0,29 Utilisation de substances 2,17 0,14 Désengagement comportemental 3,6 0,058

Tableau 18. Analyse en régression logistique de l’association entre stratégies de coping à T3 et TAG à T3

Style de coping Chi 2 Valeur de p Odds-Ratio CI (à 95%)

Coping actif 0,21 0,64

Planification 0,001 0,98

Soutien instrumental 3,73 0,053 Soutien émotionnel 2,3 0,12 Expression des sentiments 2,2 0,14

85 Réinterprétation positive 2,55 0,11 Acceptation 11,65 0,0006 0,65 [0,51 – 0,83] Déni 11,66 0,0006 1,86 [1,30 – 2,67] Blâme 12,4 0,0004 1,79 [1,30 – 2,48] Humour 0,82 0,36 Religion 0,01 0,91 Distraction 1,11 0,29 Utilisation de substances 4,64 0,031 Désengagement comportemental 5,79 0,016 1,76 [1,11 – 2,79]

(e) Troubles de personnalité et trouble anxieux généralisé à T3

Il apparaît une association statistiquement significative entre certains types de personnalité pathologique et l’anxiété généralisée à T3.

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Tableau 19- Analyse en régression logistique de l’association entre troubles de personnalité et le trouble anxieux généralisé à T3

Trouble de personnalité (tdp) Chi 2 Valeur de p Odds Ratio CI (à 95%) Cluster A Paranoïaque 18,54 <0,0001 11,79 [3,83 – 36,23] Schizoïde 1,73 0,19 Schizotypique 0,002 0,96 Cluster B Antisociale 0,001 0,98 Borderline 7,81 0,0052 8,70 [1,91 – 39,71] Histrionique 0,001 0,98 Narcissique Cluster C Evitante 17,72 <0,0001 9,49 [3,33 – 27,06] Dépendante 6,88 0,0087 20,21 [2,14 – 191] Obsess.-comp. 6,98 0,0082 5,35 [1,54 – 18,58] Non DSM-IV Passive-agres. 1,34 0,25 Dépressive 12,86 0,0003 20,78 [3,96 – 109,13] Au moins un tdp cluster A 17,72 <0,0001 9,49 [3,33 – 27,06] Au moins un tdp cluster B 9,11 0,0025 8,21 [2,09 – 32,2] Au moins un tdp cluster C 18,55 <0,0001 9,22 [3,36 – 25,35] Zéro tdp 16,51 <0,0001 0,12 [0,04 – 0;33] Au moins un tdp 16,51 <0,0001 8,62 [3,05 – 24,4] Deux tdp 6,52 0,0107 10 [1,71 – 58,6] Trois tdp 0,09 0,76

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(2) Impact des troubles de la personnalité évalués après ajustement sur le trouble anxieux généralisé à T1

A la suite des résultats précédents, les variables apparaissant comme significativement associées au trouble anxieux généralisé à T3 sont les troubles de personnalité, certaines stratégies de coping et certains troubles anxieux et dépressifs à T1. Afin de déterminer l’impact des troubles de personnalité, nous avons voulu le mesurer en ajustant statistiquement sur le trouble anxieux généralisé à T1. Nous avons choisi cette variable (TAG à T1) car elle était statistiquement liée au TAG à T3 et cela nous apparaissait comme un facteur associé puissant a priori.

Cette analyse a permis de mesurer l’impact indépendant de ces valeurs sur le développement d’un trouble anxieux généralisé.

Tableau 20. Analyse en régression logistique multivariée : influence comparées des troubles de personnalité (tdp) et du trouble anxieux généralisé (TAG) à T1 sur le TAG à T3 (variable dépendante)

Variables indépendantes Chi 2 Valeur de p Odds-Ratio CI (à 95%) Au moins un tdp 16,03 <0,0001 9,12 [3,09 - 26,89] TAG à T1 5,07 0,024 4,33 [1,21 - 15,47] Au moins 1 tdp cluster A 16,30 <0,0001 9,21 [3,13 – 27,09] TAG à T1 4,04 0,045 3,57 [1,03 – 12,36] Au moins 1 tdp cluster B 8,85 0,003 8,52 [2,08 – 34,97] TAG à T1 5,36 0,021 3,97 [1,24 – 12,73] Au moins 1 tdp cluster C 16,44 <0,0001 8,42 [3,01 – 23,58] TAG à T1 2,93 0,08 Zéro tdp 16,03 <0,0001 0,11 [0,04 – 0,32] TAG à T1 5,07 0,024 4,33 [1,21 – 15,47] Au moins 2 tdp 16,75 <0,0001 10,38 [3,38 – 31,82] TAG à T1 1,44 0,23 Personnalité Paranoïaque 17,43 <0,0001 11,88 [3,72 – 37,96] TAG à T1 4,48 0,034 3,87 [1,11 – 13,52] Personnalité Schizotypique 0,002 0,96 TAG à T1 1,92 0,17

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Variables indépendantes Chi 2 Valeur de p Odds-Ratio CI (à 95%) Personnalité Schizoïde 1,27 0,26 TAG à T1 5,2 0,023 3,66 [1,2 – 11,14] Personnalité Borderline 7,15 0,008 8,44 [1,77 – 40,32] TAG à T1 4,90 0,027 3,7 [1,16 – 11,78] Personnalité Antisociale 0,001 0,98 TAG à T1 5,54 0,019 3,76 [1,25 – 11,34] Personnalité Histrionique 0,001 0,98 TAG à T1 6,12 0,013 4,06 [1,34 – 12,33] Personnalité Narcissique TAG à T1 Personnalité Evitante 14,72 0,0001 8,17 [2,79 – 23,88] TAG à T1 2 0,16 Personnalité Dépendante 5,89 0,015 17,13 [1,73 – 169,9] TAG à T1 3,99 0,046 3,31 [1,02 – 10,73] Personnalité Obsessionnelle-Compulsive 7,01 0,008 5,71 [1,57 – 20,72] TAG à T1 5,68 0,017 4,05 [1,28 – 12,82] Personnalité Passive-agressive 0,61 0,44 TAG à T1 4,95 0,026 3,57 [1,16 – 10,93] Personnalité dépressive 10,67 0,001 16,79 [3,09 – 91,23] TAG à T1 2,16 0,14

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4. DISCUSSION

Notre étude recherche les facteurs influençant le développement d’un trouble anxieux généralisé à T3, soit à la fin de la première phase de traitement.

a) Influence des troubles de la personnalité

Dans un premier temps, le but de notre étude était d’étudier l’influence des troubles de personnalité sur la présence du trouble anxieux généralisé en fin de première phase de traitement (T3).

On observe un risque augmenté de développer un trouble anxieux généralisé à T3 chez les sujets ayant les personnalités pathologiques suivantes : dans le cluster A, seule la personnalité paranoïaque apparaît comme associée significativement (OR = 11,79 [3,83 – 36,23] ; p<0,0001), dans le cluster B, la personnalité borderline a une influence significative (OR = 8,7 [1,91 – 39,71] ; p = 0,0052), ce qui n’est pas le cas des personnalités histrionique, antisociale et l’absence de cas de personnalité narcissique dans notre échantillon ne nous permet pas de conclure sur le risque entraîné. Enfin une association significative est constatée pour toutes les personnalités du cluster C avec la présence du trouble anxieux généralisé à T3 : personnalité évitante : OR = 8,7 [1,91 – 39,71] ; p<0,0001, personnalité dépendante : OR = 20,21 [2,14 – 191] ; p = 0,0087 et personnalité obsessionnelle-compulsive : OR = 5,35 [1,54 – 18,58] ; p = 0,0082. La personnalité dépressive, qui n’appartient plus à la classification DSM-IV-TR, mais a été étudiée, est associée également de manière significative au risque de présenter un TAG à la fin de la première phase de traitement du cancer du sein (OR = 20,78 [3,96 – 109,13] ; p = 0,0003).

De plus, l’absence de trouble de personnalité apparaît comme protecteur vis-à-vis du développement du TAG à T3 (OR = 0,12 [0,04 – 0,33] ; p<0,0001).

L’analyse en régression logistique multivariée nous permet de constater la puissance de l’impact des troubles de la personnalité sur le développement ultérieur du trouble anxieux généralisé. En effet, l’association entre certains troubles de personnalité et le TAG à T3 reste significative après ajustement sur la présence d’un trouble anxieux généralisé à T1.

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Ces résultats confirment que les troubles de personnalité sont un facteur prédictif fort de développer un trouble anxieux généralisé en fin de première phase de traitement de cancer du sein.

Ainsi, lorsque l’on compare ces facteurs, l’influence sur le TAG à T3 d’au moins un trouble de personnalité cluster C, d’au moins 2 troubles de personnalité (tous clusters confondus), de la personnalité évitante et de la personnalité dépressive est si forte que l’influence du TAG à T1 n’est plus significative.

Dans cette analyse multivariée, le TAG à T1 reste significativement associé au TAG à T3 mais son influence est inférieure aux troubles de personnalité lorsqu’il s’agit des personnalités paranoïaques, borderline, dépendante et obsessionnelle-compulsive, ou plus généralement dès lors qu’on retrouve au moins un trouble de personnalité ou un trouble cluster A ou cluster B.

L’influence du TAG à T1 reste supérieure à celle des personnalités histrionique, antisociale, schizoïde et passive-agressive.

L’association du TAG avec les personnalités du cluster C ou personnalités anxieuses (personnalités évitante, dépendante et obsessionnelle-compulsive) peut se comprendre comme un continuum, une vulnérabilité à l’anxiété exacerbée. La personnalité dépressive correspond à un terrain favorable au développement de troubles psychiatriques, notamment à l’épisode dépressif majeur qui est fréquemment une comorbidité du TAG. L’association avec la personnalité borderline peut être expliquée par une perturbation émotionnelle et relationnelle forte avec des difficultés d’adaptation au stress. Enfin, la personnalité paranoïaque est caractérisée notamment par une psychorigidité et une probable difficulté à s’adapter face à des événements de vie stressants. Ces troubles de personnalité sont donc ceux à repérer préférentiellement. Les personnalités dites « anxieuses » et la personnalité dépressive sont très fortement associées au TAG, il est donc important de le dépister précocement. Une information du personnel quant aux caractéristiques spécifiques de ces personnalités ou un outil de dépistage simple et rapide pourrait être bénéfique pour favoriser la prise en charge de ces patientes.

Il n’a pas été retrouvé d’étude présentant une observation du lien entre les troubles de personnalité (évalués de façon catégorielle) et le trouble anxieux

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généralisé. Cependant, des travaux mettent en évidence l’influence de certains traits de personnalité avec une altération de la qualité de vie ou une augmentation de la détresse psychologique chez des patientes atteintes de cancer du sein. Ainsi, Van der Steeg et al. (2010) ont étudié l’impact de la personnalité, évaluée de manière dimensionnelle (cinq facteurs : névrosisme, agréabilité, ouverture, extraversion et caractère consciencieux, auxquels ils ont rajouté la dimension anxiété-trait), leurs travaux mettent en évidence une altération de la qualité de vie en lien significatif avec des scores élevés de névrosisme et d’anxiété-trait, un an après le début de la prise en charge des patientes atteintes de cancer du sein. De même, Den Oudsten et al. (2009) ont montré que les troubles psychiatriques comme la dépression un an après la prise en charge chirurgicale sont influencés par des traits de personnalité : notamment chez les sujets ayant un score élevé de névrosisme et bas en agréabilité.

Zenger et al. (2010), ont montré que la détresse émotionnelle et l’anxiété au cours du traitement du cancer du sein était corrélée au pessimisme, de même Schou et al.

(2004) ont les mêmes conclusions quand à l’influence du pessimisme sur la détresse psychologique. Mazanec et al. (2010) montrent quant à eux l’impact protecteur de l’optimisme face à la détresse psychologique.

Ces résultats mettent en évidence une vulnérabilité des sujets ayant des personnalités pathologiques en situation de stress. La personnalité peut intervenir dans les stratégies de coping utilisées par les patientes. En effet, nous avons vu que le coping est en partie déterminé par les caractéristiques dispositionnelles du sujet, dont sa personnalité.

b) Influence du coping

Notre étude montre que les stratégies de coping utilisées par les patientes peuvent avoir une influence sur l’anxiété généralisée. Deux évaluations du coping ont été réalisées (à T1 et T3).

Ainsi on observe une majoration du risque de développer un TAG à T3 chez les patientes ayant une stratégie de déni à T1 (OR=1,3 [1,03 – 1,63] ; p = 0,026) et à T3 (OR=1,86 [1,3 – 2,67] ; p = 0,0006), par contre, l’acceptation apparaît comme un facteur protecteur sur le TAG à T3, à la fois lors de l’utilisation de cette stratégie à T1 (OR=0,76 [0,6 – 0,98] ; p = 0,034) et à T3 (OR=0,65 [0,51 – 0,83] ; p = 0,0006). Il apparait également une augmentation du risque de TAG à T3 lors d’utilisation de

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stratégies telles le blâme à T3 (OR=1,79 [1,3 – 2,48] ; p = 0,0004) ou le désengagement comportemental à T3 (OR=1,76 [1,11 – 2,79] p = 0,016) (leur influence n’étant pas significative lorsque ces deux stratégies sont utilisées à T1).

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