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G. Les causes environnementales

I. MATERIEL ET METHODE

1) Question de recherche, hypothèse et objectifs

La question posée dans ce travail de thèse est la suivante : que ressentent les médecins généralistes vis-à-vis des patients malodorants et quelles stratégies mettent-ils en place pour les prendre en charge ?

L’hypothèse émise est la suivante : la mauvaise odeur d’un patient, selon sa cause, peut altérer la relation médecin-malade, en conséquence le patient malodorant risque d’être moins bien pris en charge.

L’objectif principal de cette étude est de recueillir et d’analyser les diverses émotions ressenties par des médecins généralistes vis-à-vis des patients malodorants et leurs réactions pour comprendre en quoi la relation médecin-patient peut être affectée, et ainsi pouvoir en tenir compte dans la pratique médicale.

Les objectifs secondaires sont le recueil des stratégies mises en place par les médecins généralistes pour remédier aux difficultés de prise en charge des patients malodorants, et de faire apparaître de nouvelles stratégies possibles dans le but d’améliorer la prise en charge de ces patients.

2) Type d’étude

Pour traiter cette problématique du ressenti de médecins généralistes, le choix s’est porté sur une étude qualitative. En effet, une étude quantitative aurait par définition nécessité une quantification, or le ressenti étant avant tout subjectif, il paraît difficilement quantifiable. Il était donc préférable de se tourner vers une étude qualitative par entretiens afin de recueillir les données. La technique des focus groupes est alors apparue comme intéressante et adaptée au sujet : d’après la méthodologie décrite par le Dr Touboul (57), le focus groupe permet à la fois d’explorer des terrains inconnus, correspond à un problème « spécifique et complexe », défini comme « difficile à mesurer objectivement », en fournissant un « éventail d’idées, d’expériences ou de réactions personnelles », le but final étant de déterminer des pistes d’amélioration éventuelles. Le focus groupe a été préféré aux entretiens individuels en considérant que le sujet se prêtait à l’expression en groupe sans 40

générer de gêne majeure chez les participants, et en présupposant que la dynamique de groupe permettrait de faire émerger des idées nouvelles sur une question qui n’est pas fréquemment posée aux médecins, et sur laquelle ils n’ont peut-être pas l’habitude de se pencher (hypothèse émise compte tenu de la difficulté à trouver de la bibliographie sur cette question précise).

De plus, le focus groupe s’avère souvent porteur d’une riche « intensité émotionnelle » (58), ce qui est particulièrement intéressant dans cette étude qui s’intéresse aux affects, et apporte beaucoup d’informations.

3) Population étudiée

La population étudiée est celle de médecins généralistes libéraux, installés ou non, de toutes tranches d’âge, femmes et hommes, actuellement en activité. Les autres médecins spécialistes et salariés n’ont pas été sollicités car la question de recherche voulait mettre en avant le rôle du généraliste dans son exercice libéral, en particulier au niveau de la relation médecin-patient, ce qui sous-entend un suivi des patients pris en charge dans leur globalité.

Les médecins ont été recrutés par sollicitation téléphonique selon leur lieu d’exercice, « en escargot », c’est-à-dire en partant des médecins les plus proches géographiquement des lieux de déroulement des focus groupes, fixés préalablement : deux focus groupes auraient lieu à Etauliers les 8 et 23 juin 2016 (canton de Saint Ciers sur Gironde, Haute Gironde) et un à Saint Gervais le 14 juin 2016 (canton de Saint André de Cubzac, Haute Gironde), et en étendant le recrutement géographiquement jusqu’à atteindre un nombre de participants suffisant. Ce choix a été fait pour privilégier la participation d’un maximum de médecins, en leur facilitant l’accès géographique au focus groupe. Les lieux ont été choisis pour la facilité d’obtenir une salle adaptée au focus groupe via les mairies de ces communes. Les médecins des cantons de Saint Ciers sur Gironde, de Blaye, de Bourg sur Gironde, de Saint André de Cubzac, leurs remplaçants ainsi que des connaissances géographiquement proches ont été contactés pour participer à cette étude.

Le type d’étude a l’avantage de ne pas nécessiter de représentativité stricte de l’échantillon puisque chaque opinion est intéressante et n’a pas vocation d’être généralisable (57), par conséquent il n’est pas nécessaire de randomiser les participants. Cependant, une attention particulière a été portée afin que la diversité soit la plus complète possible : modes d’exercice différents (installé, remplaçant, en milieu urbain ou rural), présence des deux sexes, tranches d’âge différentes. Ces caractéristiques ont été explorées par un court questionnaire rempli par les participants à la fin de chaque focus groupe, et retransmises dans les résultats de l’étude (Tableau 1).

4) Recueil de données

Le focus groupe, afin d’être valide, nécessite que le nombre de participants soit compris entre 4 et 12 (57, 59), l’idéal visé était de 6 à 8 participants par session. Le recrutement devait donc inclure au moins sept acceptations de participation par groupe pour pallier aux éventuels désistements, assurant statistiquement ainsi un minimum de quatre participants via un « sur-recrutement » d’au moins 30% (57).

Il a été décidé d’emblée de réaliser au moins trois focus groupes, minimum pour atteindre la saturation de données, et d’en organiser un quatrième dans un second temps si nécessaire en fonction de l’analyse des données.

Au total, 54 médecins ont été contactés par téléphone, soit directement soit via leurs secrétaires, puis relancés soit par téléphone, soit par mail, soit par SMS selon les moyens à disposition. Les différents lieux et dates leur étaient proposés, qu’ils pouvaient librement choisir.

Neuf praticiens ont accepté de participer au premier focus groupe, aucun d’eux ne s’est désisté ; sept autres ont choisi de participer au deuxième focus groupe, deux se sont désistés au dernier moment ; enfin neuf praticiens ont accepté de participer au troisième focus groupe, trois se sont désistés au dernier moment. Des relances avaient été effectuées la veille et le jour des focus groupes par SMS, mail ou par rappel à la secrétaire selon le mode de communication privilégié par les médecins.

Une trame été réalisée à destination du modérateur, à type de questions ouvertes pour guider les entretiens, tout en restant souple, modifiable et évolutive tout au long des différents focus groupes. Cette trame comportait une introduction au focus groupe, explicitant la démarche aux participants, une première question d’introduction dont l’objectif était de briser la glace sur les différentes causes de mauvaises odeurs rencontrées, puis quatre questions ouvertes pour développer le ressenti et les stratégies, puis une question fermée (« pensez-vous que ces patients soient moins bien soignés ? ») et enfin une question ouverte sur les pistes d’amélioration. L’ordre des questions pouvait être modifié selon le déroulement des entretiens et leur évocation spontanée par les participants.

Les focus groupes se sont déroulés en soirée (début à 20h30) pour permettre une meilleure disponibilité des médecins, dans des salles mises à disposition par les mairies d’Etauliers (lieu d’exercice de l’observateur et directeur de thèse) et de Saint Gervais (lieu de résidence du modérateur et thésarde). Ils étaient précédés un petit buffet dînatoire et de boissons permettant de faire brièvement connaissance et de détendre l’atmosphère. Puis les participants se sont installés autour d’une table pour l’entretien lui-même.

Un modérateur et un observateur étaient présents. Il m’a paru important de jouer le rôle du modérateur (57) (ou animateur (58, 59) selon les auteurs) afin que mon implication dans ce travail soit totale, et ce malgré mon inexpérience totale dans ce domaine. Il s’agissait d’animer la séance, de veiller à ce que chacun ait la parole, que le discours reste clair, compréhensible et ciblé sur le thème abordé, et de reformuler si besoin des questions ou des réponses, mais surtout de gérer la dynamique du groupe.

L’observateur, rôle joué par le directeur de thèse, a pris des notes tout au long des entretiens, géré l’enregistrement par cassettes, puis en fin d’entretien a fait préciser certains points soulevés par les participants et posé des questions. Enfin, il a résumé et débriefé la séance avec le modérateur.

Les focus groupes ont été enregistrés avec l’accord des participants, afin de retranscrire en verbatim les entretiens pour analyse, de façon double à l’aide d’un enregistreur numérique et d’un enregistreur à cassette. Aucune vidéo n’a été réalisée afin de ne pas générer de gêne chez les participants. La retranscription des entretiens a ensuite été réalisée manuellement sur logiciel de traitement de texte Word, en tenant compte des expressions non verbales (rires, silences, hésitations…).

L’enregistrement du premier focus groupe a duré 58 minutes 51 secondes pour l’entretien et 22 minutes et 34 secondes pour l’intervention et les questions de l’observateur. Pour le deuxième focus groupe, l’entretien a duré 41 minutes et 38 secondes, l’intervention de l’observateur 22 minutes et 13 secondes. Enfin, lors du troisième focus groupe, l’entretien a duré 28 min et 4 secondes, 24 minutes et 3 secondes pour l’intervention de l’observateur.

5) Analyse des résultats

Les enregistrements ont été retranscrits mot à mot, en respectant les répétitions, les erreurs grammaticales et en précisant entre crochets les indications non verbales telles que les rires par exemple ; les hésitations ou inflexions ont également été précisées par des points de suspensions.

Les retranscriptions verbatim ainsi réalisées, il a fallu en analyser le contenu pour faire ressortir les idées principales, à la fois clairement énoncées et sous-entendues. Cette analyse se devait d’être rigoureuse et reproductible pour assurer la validité de l’étude.

Le choix de l’analyse des résultats s’est porté sur une analyse manuelle par encodage du verbatim et catégorisation sémantique (60) dans un premier temps, avec fréquence d’occurrence des thèmes, puis analyse évaluative (60) (c’est-à-dire de la valeur positive ou négative attribuée au référent-noyau « odeur ») et une tentative d’analyse de l’énonciation (60) (analyse de l’implicite, des difficultés d’expression, de la construction du discours et des figures de style), qui est particulièrement adaptée à l’analyse du ressenti. Cette analyse sur plusieurs niveaux paraissait plus difficile à réaliser sur un logiciel type NVivo qui est plus adapté à la réalisation de l’analyse sémantique seule.

Ainsi, des tableaux de fréquence d’occurrence (c’est-à-dire de la fréquence d’apparition d’un thème) pour chaque focus groupe ont été réalisés, puis secondairement ces thèmes ont été catégorisés. Pour l’analyse du deuxième focus groupe, la trame des 84 thèmes du premier focus groupe a été reprise, et 14 nouveaux thèmes sont apparus. Lors du dernier focus groupe, aucun nouveau thème ne s’est détaché : nous avons donc considéré avoir atteint la saturation de données, ce qui paraissait logique d’après les éléments bibliographiques (57, 59).