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Les matériaux carbonés graphitiques : une nouvelle aubaine pour l’électrochimie

CHAPITRE I : ÉTUDE BIBLIOGRAPHIQUE

I.5. Les matériaux de l’électrode positive

I.5.2. Les matériaux carbonés graphitiques : une nouvelle aubaine pour l’électrochimie

I.5.2.1. Définition et avantages

Le graphite est un mille-feuille constitué de plans (feuillets) de graphène (Figure I.12A). C’est une espèce minérale, allotrope naturel du carbone [67]. Deux types d’interactions chimiques composent sa structure : des liaisons très fortes dans le plan, et des interactions faibles entre les plans. Les fortes liaisons chimiques au sein des plans confèrent au graphite une bonne stabilité thermique (> 3000 °C) et une bonne conductivité thermique (10 fois celle du cuivre). Les faibles interactions chimiques lui confèrent, quant à elles, une bonne conductivité électrique (semi-métal), une grande fragilité (possibilité de rompre ces liaisons par simple exfoliation) et rendent sa conductivité sensible

24 aux défauts, dopages et distorsions au sein de la matrice. Le graphène a été isolé pour la première fois, en 2004 par Andre Geim qui a été récompensé par un prix Nobel en 2010. Il s’agit d’un cristal bidimensionnel, constitué d’un pavage régulier d’hexagones en structure de nid d’abeille, voir Figure I.12B [68].

Il est ultraléger (0,77 mg.m-2 ; à titre d’exemple le papier est 100 fois plus lourd) et aussi fin qu’un atome de carbone, mais 100 fois plus résistant que l’acier [69]. Ce matériau possède donc des propriétés mécaniques exceptionnelles. Il devrait bientôt permettre de révolutionner l’électronique, les panneaux solaires, les dispositifs de stockage d’énergie et de nombreux secteurs industriels. Il présente également de nombreux avantages en électrocatalyse, à savoir, une grande surface spécifique, une bonne conductivité électrique et une bonne stabilité vis-à-vis de la corrosion [70]. En effet, grâce à son réseau d’électrons délocalisés au sein de la matrice carbonée sp2, la circulation électronique est favorisée et les atomes de carbone sont plus difficilement sujets à l’oxydation. M. Fuher et al. ont étudié la mobilité des charges électriques présentes dans un graphène. Il s’agissait d’étudier le déplacement de charges au sein du matériau sous l’effet d’un potentiel. Ainsi la mobilité électrique est de 200 000 cm2 V-1 s-1 pour un graphène, et seulement de 1 400 cm2 V-1 s-1 pour le silicium [71].

Figure I.12 A) Schéma d’une structure de type graphite en empilement AB ; B) Image d’un graphène issue d’un microscope à effet tunnel (STM : scanning tunneling microscope).

I.5.2.2. Les méthodes de synthèse

Il existe différentes méthodes de synthèse des graphènes, par voie physique ou par voie chimique [72, 73]. De plus, la stratégie envisagée peut être ascendante ou descendante. L’approche ascendante se caractérise par une suite de processus de croissance qui tend vers l’élaboration de

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25 graphène, à partir d'éléments de base plus petits. Par contre, la stratégie descendante implique la décomposition du graphite en graphène.

Voici une liste non-exhaustive des différentes méthodes de synthèse :

- La méthode par dépôt chimique en phase vapeur (CVD : chemical vapor deposition) - La synthèse de macromolécules en solution

- L’exfoliation micromécanique (Scotch-tape)

- L’ouverture des nanotubes de carbone ou de fullerène - La sublimation avec contrôle par épitaxie

- L’exfoliation en phase liquide

La méthode CVD consiste à décomposer une source de carbone en phase gazeuse, en général un hydrocarbure (le plus ouvent du méthane CH4) sur un support métallique (généralement du cuivre ou du nickel). Les gaz hydrocarbonés sont transformés en radicaux au sein d’une chambre catalytique sous haute température et sous vide, et viennent se réarranger à la surface d’un métal. Une dernière étape de croissance permet la conception de graphène. En faisant varier les conditions opératoires (comme la température et la composition métallique du support), il est alors possible de modifier la structure carbonée résultante [74].

Différentes synthèses de graphène à partir de macromolécules sont possibles. Müllen et al. rapportent la synthèse de nanoruban en solution par polymérisation chimique en utilisant un couplage acétylénique ou encore une métathèse d’alcyne [73]. Cependant, ce type de synthèse par voie chimique présente de nombreux inconvénients. En effet, la formation d’agrégats ou encore la solubilisation de ces composés volumineux en milieu aqueux ou dans les solvants organiques, sont trop souvent sources de problème.

L’exfoliation micromécanique du graphite a été réalisée pour la première fois par l’équipe d’A. Geim et de K. Novoselov, et est la source des travaux qui ont permis l’obtention du prix Nobel en 2010 [75]. Il s’agit d’une méthode utilisant un morceau de ruban adhésif, qui permet de détacher progressivement les feuillets de graphène contenus dans la matrice graphitique, jusqu’à obtention d’une mono couche de graphène. Ce procédé très long permet d’obtenir un graphène de très haute pureté.

L’ouverture de nanotube de carbone ou de fullerène peut être réalisée à l’aide de coupure chimique, en présence d’un oxydant puissant en milieu acide. L’oxydation des carbones va donc permettre l’ouverture par « dézzipage » de la structure carbonée, jusqu’à obtention d’un feuillet de graphène [76]. Un autre type d’ouverture de nanotube de carbone ou de fullerène peut également être

26 réalisé par coupure plasma [77]. En modifiant la durée de découpe, il est possible d’obtenir des monocouches ou encore de nanorubans.

La sublimation du Silicium (Si) dans le SiC est également une technique de production du graphène [78, 79]. L’énergie de sublimation du Si étant plus faible que celle du carbone, le Si va pouvoir s’évaporer et le carbone resté en surface, puis se réorganiser en graphène. La qualité du graphène diffère selon la face exposée du substrat SiC.

L’exfoliation en phase liquide du graphite est réalisable au moyen des différentes techniques telles que l’électrochimie, les ultrasons, ou encore par l’utilisation de malaxeur. L’utilisation de tensioactifs, polymères, acides forts ou encore d’oxydants est nécessaire à sa mise en place. Et sa phase liquide peut être un solvant organique ou aqueux.

L’exfoliation assistée par électrochimie (EAE) est possible en utilisant un système à deux électrodes, une contre-électrode en platine et une électrode de travail de graphite. Ce processus a lieu en milieu aqueux, comportant différents sels inorganiques. Une tension (de 10 V) est appliquée à l’anode et est maintenue pendant 3 à 5 minutes, durée de l’exfoliation du graphite. Pendant ce temps, une réaction de réduction de l’eau, a lieu à la cathode et va permettre la formation de HO- ou de radicaux [80]. Ces éléments réactifs vont, par attaque nucléophile, s’intercaler entre les feuillets de graphite et ainsi permettre l’exfoliation. Selon les surfactants utilisés, les tensions et durées appliquées, différentes qualités de graphène de largeur variables sont obtenues. Récemment, Cooper et al. ont élaboré une nouvelle AEA grâce à un chemin cathodique [81]. Cette exfoliation est basée sur l’intercalation de composés de type alkylammonium au sein des multicouches de graphite, en milieu non aqueux.

Un malaxeur à fort cisaillement permet d’obtenir un graphène de haute pureté. Son utilisation est très simple, avec un temps raisonnable. Un solvant organique, un stabilisant et du graphite en poudre sont insérés dans un malaxeur, puis par broyage du graphène est obtenu [82].

Les ultrasons sont des ondes de chocs, formées par implosion de bulles microscopiques. Par effet de cisaillement et de fragmentation, du graphène peut être obtenu. Cependant, l’exfoliation directe du graphite en graphène par ultrasons n’est pas possible. C’est pourquoi, il est inévitable de passer par un processus d’oxydation chimique des couches composants le graphite.

Dans les années 1900, Staudenmaier, Brodie et Hummers sont les premiers à élaborer des méthodes de synthèse, permettant le greffage de groupements chimiques oxygénés à la surface des feuillets de graphène constituant la structure graphitique [72]. Cette oxydation n’est pas chose aisée, il est nécessaire d’utiliser un oxydant puissant tel que Mn2O7, par exemple. La distance inter-feuillet de la structure hexagonal du graphite est de l’ordre de 3,3 Å.

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27 Après oxydation, cette distance est plus de deux fois supérieure à celle du graphite : 7,4 Å en moyenne, pour l’oxyde de graphite (Figure I.13). Le greffage de groupements oxygénés au sein de la matrice graphitique est donc nécessaire, puisqu’en augmentant la distance entre les couches, l’exfoliation de celles-ci est alors possible, conduisant ainsi à des oxydes de graphène (GO). Différentes fonctions chimiques ont été identifiées par caractérisations physico-chimiques. Des groupements époxy, alcool, cétone, ester sont présents. De récentes études montrent un inconvénient à cette méthode chimique, il s’agit des débris d’oxydation (DO). La Figure I.13 illustre ces impuretés oxygénées qui sont des fragments polyaromatiques partiellement oxygénés, qui se forment en milieu acide concentré, et s’adsorbent à la surface des oxydes de graphène. La conséquence est une réduction sévère de la conductivité électronique du matériau [83]. De plus, l’incorporation d’éléments catalytiques à la surface du graphène est alors compromise, puisque ces débris d’oxydation rendent les points d’accroches inaccessibles. Ces DOs peuvent, cependant, être éliminés au moyen d’un lavage en milieu basique. Les carbones adjacents aux groupements oxygénés vont subir une attaque nucléophile, menée par les ions basiques et ainsi, par décarboxylation (élimination de CO2) et déshydratation (élimination de H2O), les débris seront alors éliminés.

Figure I.13 Voie de synthèse du RGO.

La dernière étape est la réduction des espèces oxygénées présentent à la surface des oxydes de graphène (GO), pour conduire à des oxydes de graphène réduits (RGO). Les groupements oxygénés,

28 à la surface du matériau, n’étant pas totalement éliminés, l’appellation graphène n’est donc pas utilisée, pour cette voie chimique. De plus, le RGO n’a pas une structure similaire à celle du graphène 2D parfait, puisque lors de l’étape de réduction, des défauts (trous, issus de perte de groupements carbonés) peuvent être observés à la surface des feuillets. De nombreuses méthodes de synthèse ont été décrites dans la littérature ; l’élimination des groupements chimiques oxygénés est possible à l’aide de certains réducteurs tels que l’hydrazine (N2H4), le tétrahydruroborate de sodium (NaBH4), ou encore l’iodure d’hydrogène (HI) [84]. Les oxydes de graphène réduits ainsi formés ont des caractéristiques physico-chimiques assez similaires à celles du graphène. En effet, ils possèdent une grande surface spécifique, une bonne conductivité électronique et une grande résistance à la corrosion. La taille des feuillets est un paramètre important et confère une modification électronique. La modification de ce paramètre est plus facilement modifiable par voie chimique que par voie physique.

Pour des applications électrochimiques, il n’est pas indispensable d’utiliser des mono-feuillets de graphène. Randviir et al. ont réalisé une étude électrochimique comparative sur plusieurs n-couches de graphène [85]. La cinétique du processus électrochimique est plus lente avec un mono feuillet de graphène que le graphite (n = 8 couches). Cependant, la surface spécifique d’un feuillet de graphène est plus importante que celle du graphite. Cela oblige donc les électrochimistes à trouver un compromis concernant les multicouches de graphène.

Figure I.14 Graphique schématique représentant les différentes voies de synthèse du graphène en fonction de sa qualité et du coût des méthodes de synthèse.

Les propriétés du graphène sont dépendantes de leur procédé d’élaboration. La Figure I.14 représente les différents avantages et inconvénients de ces procédés, la qualité du graphène est basée uniquement sur le caractère physique de conductivité. Cependant, la qualité du graphène dépend aussi

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29 de son domaine d’utilisation. En effet, selon l’application visée, le critère de conductivité peut être négligé. Comme le montre la Figure I.14, les procédés de synthèse ont des coûts et des capacités de production variables.

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