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Le matérialisme : philosophie de vie et expression d’un élitisme ?

PARTIE 2 – PEINDRE L’HOMME PAR SES LECTURES, LES GOUTS ET CURIOSITES

C. Le matérialisme : philosophie de vie et expression d’un élitisme ?

Le réinvestissement du matérialisme offre une réponse à toutes les interrogations que révèle la lecture. Elle se transforme alors en véritable philosophie de vie qui répond à toutes les angoisses du temps. Comme le précise Franck Salaün : « le matérialisme occupe une place importante dans la société française du XVIIIe siècle, à la fois comme tendance culturelle, danger imaginaire,

et courant de pensée »248. Toutes les inquiétudes, qui trouvaient autrefois une

justification dans la religion chrétienne, sont relues par Charles d’Herculais grâce au matérialisme249. Afin d’illustrer cette hypothèse, développons l’exemple de la

mort.

Elle apparaît fréquemment dans les deux ensembles d’extraits de lectures, principalement comme une crainte250. Quelques passages évoquent également sa

nécessité251. Cette attention se manifeste par la rédaction de deux préfaces dans les

Extraits de mes lectures252. Dans son Système de la Nature, d’Holbach affirme que

fermement le déisme et le théisme, voir le chapitre 7 du deuxième tome du Système de la Nature

intitulé « Du Théisme ; du Déisme, du Système de l’Optimisme ; des causes finales », pp. 191- 231.

247 Voir annexe B-20. En guise d’exemple parallèle entre la préface « sur la mort » et le Système de la

Nature.

248 Franck Salaün, L’ordre des mœurs : essai sur la place du matérialisme dans la société française au XVIIIe

siècle (1734-1784), Paris, Kime, 1996, p. 303.

249 Voir annexes A11-et A-12. La morale fait également l’objet d’une réévaluation grâce au

matérialisme

250 Voir annexe B-21.

251 BMG, Ms R8839, Recueil d’anecdotes …, op. cit., vol. 5, pp. 80-81 et 81-85. APH, Extraits de mes

lectures, op. cit., vol. 41 : « la douleur et la mort sont des suites nécessaires de notre nature », vol. 20 « la mort est le fin de tout pour nous ».

135 l’âme dépend entièrement du corps et qu’elle est soumise à tous ses mouvements253. Le même principe est repris par d’Herculais :

Toutes les facultés de l’homme sont le résultat de son organisation Quelque obstacle arrête-t-il le jeu des parties essentielles à la vie ? La mort s’ensuit. De même une pendule cesse de marquer les heures, lorsque son intérieur est dérangé254

L’image de la pendule fait écho à l’œuvre de d’Holbach qui utilise celle de l’horloge : « L’être organisé peut se comparer à une horloge, qui une fois brisée, n’est plus propre aux usages auxquels elle était destinée »255, mais aussi à un

extrait de L’Homme Machine recopié dans le septième volume des Recueils

d’anecdotes au cours duquel La Mettrie conclue que « le corps n’est qu’une horloge »256. Si le lien avec la lecture est évident, les extraits se rapportant à l’âme

étant fréquent257, le fait de prétendre une telle vision moniste permet de se défaire

des craintes de la douleur liées à la mort :

Outre la nécessité de la mort, il faut encore envisager qu’après notre vie nous n’avons absolument rien à craindre. Nous ne sentons que par le moyen de nos organes. Or, ceux-ci étant détruits, il ne peut plus exister de sentiment. Le cœur n’a pas plutôt cessé de battre, que nous sommes devenus insensibles, que nous n’avons plus la conscience de notre existence258

Par ailleurs, en partant du principe qu’il n’existe plus de force transcendante pour expliquer l’ordre de l’univers, les matérialistes ont recours à une forme de déterminisme, qui prétend que seules les lois physiques peuvent rendre compte de la marche du monde. Par conséquent, ils nient absolument la liberté de l’homme, élément longuement énoncé par notre lecteur dans la préface « de l’ordre, du destin, de la liberté, des causes finales »259, qui peut se résumer

ainsi : « La nécessité qui règle les mouvements du monde physique, règle aussi

253 Pierre Naville, D’Holbach …, op. cit., p. 269. 254 Voir annexe A-7.

255 Paul-Henri Thiry, baron d’Holbach, Systême de la Nature …, op. cit., t. 1, p. 262 256BMG, Ms R8839, Recueil d’anecdotes …, op. cit., vol. 7, p. 313.

257 Voir annexe B-22. 258 Voir Annexe A-15. 259 Voir annexe A-10.

136 ceux du monde moral, où tout est par conséquent soumis à la fatalité »260. Ainsi, à

partir du moment où l’homme est conscient de ce fatalisme, il n’a plus à craindre la mort :

Ô homme ! Cesse donc d’être étonné de l’idée de ta mort. Tu frissonnes à l’aspect de la Parque ! Tu voudrais te soustraire à la loi générale ! Comment ne vois tu pas que, pour réaliser un pareil souhait, il faudrait que tu eusses le pouvoir d’arrêter la marche éternelle de la nature !261

Pourtant, la préface sur le suicide illustre une contradiction dans l’attitude de d’Herculais. Sa réflexion démontre que la seule liberté de l’homme se trouve dans le choix qu’il a de s’ôter la vie, chacun est « maître de son existence »262. De son

côté, d’Holbach prétend que même cet acte est dicté par une force supérieure car « une nature qui s’obstine à rendre notre existence malheureuse nous ordonne d’en sortir ; en mourant nous remplissons un de ses décrets »263. Par conséquent,

même si l’influence du « gros baron » est indéniable, l’écriture est aussi un moyen pour d’Herculais d’affirmer son individualité et de faire le lien avec la lecture. En effet, au cours de notre analyse des extraits, nous avons relevé des passages qui se rapportent au suicide au sein desquels les figures de Caton et de Brutus, mentionnées dans son écrit, sont évoquées264.

Si le matérialisme permet de se détacher de l’angoisse de la mort, c’est aussi une réponse à une question récurrente au sein des recueils de lecture : le bonheur. Les extraits relevés cherchent avant tout à le définir : est-ce un plaisir ou une suite continue de plaisir ?265 Est-ce l’affaire de la raison ou du sentiment ?266 Peut-il

s’accorder avec la société ?267 Ces réflexions sont aussi très présentes dans les

260 Voir annexe A-10. 261 Voir annexe A-15. 262 Voir annexe A-16.

263 Paul-Henri Thiry, baron d’Holbach, Systême de la Nature …, op. cit., t.1 p. 306.

264 BMG, Ms R8839, Recueil d’anecdotes …, op. cit., vol. 5, pp. 365-366 et APH, Extraits de mes lectures,

op. cit., vol. 29.

265 BMG, Ms R8839, Recueil d’anecdotes …, op. cit., vol. 3, pp. 192-196, vol 4 pp. 178-181. 266 Ibid., vol. 2, p. 161, vol. 6, p. 178.

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Extraits de mes lectures. Bien que les entrées se limitent souvent à « sur le bonheur », «ou « réflexion sur le bonheur », on peut retrouver une idée déjà développée dans les Recueils d’Anecdotes : la richesse et la grandeur contribuent- elles au bonheur ?268 Cet intérêt est à mettre en parallèle avec le siècle des

Lumières où le bonheur, affranchi du dogme religieux, n’a de cesse d’être évoqué par les philosophes qui tentent de le définir et cherchent à mettre au jour les moyens pour l’atteindre269. Dans sa dernière préface des Extraits de mes lectures,

Charles d’Herculais semble avoir trouvé la solution en se contentant « des plaisirs simples que la nature [lui] offre d’une main libérale ». Toutefois, il part du principe qu’ « une ligne de démarcation » sépare le bonheur des gens pauvres et des gens aisés270. Le pauvre, contraint de travailler pour vivre, ne recherche qu’un

bonheur simple alors que les riches, lassés de futilités, sont soumis à l’ennui et la recherche du bonheur devient plus difficile. C’est la même idée qui est proposée par d’Holbach dans son Système de la Nature lorsqu’il prétend que :

L’âme du pauvre toujours en action ne cesse de former des désirs, tandis que le riche et le puissant sont souvent dans le triste embarras de ne savoir que souhaiter ou de désirer des objets impossibles à se procurer. Son corps habitué au travail connaît les douceurs du repos ; ce repos est la plus rude des fatigues pour celui qui s’ennuie de son oisiveté. L’exercice et la frugalité procurent à l’un de la vigueur et de la santé ; l’intempérance et l’inertie des autres ne leur donne que des dégoûts et des infirmités.271

Ces quelques considérations démontrent que d’Herculais a été sensible au matérialisme et qu’il a trouvé dans cette philosophie, les réponses posées par le siècle des Lumières. Pourtant peut-on y déceler une originalité de notre lecteur ? Déjà, Paul Hazard, dans la Pensée Européenne au XVIIIe siècle, insistait sur le fait

que D’Holbach ait trouvé un écho important dans la société et qu’il se soit « fait

268 BMG, Ms R8839, Recueil d’anecdotes …, op. cit., vol. 6, pp. 65-66, vol. 7, p. 224,

APH, Extraits de mes lectures, op. cit., vol. 27 : « les grandeurs ne font pas le bonheur » ; « sur le bonheur des grands et des riches ».

269 Philippe Roger, « Bonheur », in Vincenzo Ferrone et Daniel Roche (dir.), Le monde des Lumières,

op. cit., pp. 49-57.

270 Voir annexe A-17.

138 lire des savants et des ignorants, des duchesses et des femmes de chambre »272.

Pourtant, Dominique Varry affirme que des auteurs comme Diderot, d’Holbach et La Mettrie sont rarement attestés dans les bibliothèques des élites273. Cette absence

tient au fait que les œuvres des matérialistes sont interdites, et l’on sait désormais que les sources traditionnelles, utilisées par les historiens, ne citent qu’imparfaitement les « livres philosophiques »274. Les travaux de Robert Darnton

ont montré avec pertinence que les ouvrages du baron, issus de la littérature clandestine, ont largement été diffusés dans la France d’Ancien Régime. Le

Système de la Nature figure parmi l’un des ouvrages les plus commandés à la STN, juste après l’An 2440 de Mercier et les Anecdotes sur Mme la Comtesse du Barry275.

Par conséquent, les retrouver chez Charles d’Herculais n’est pas une surprise, en cela il suit les goûts de son époque. La lecture des œuvres holbachiques et des philosophes, dès sa première jeunesse, traduit peut être une simple mode, un goût aristocratique comme le rappelle le Comte de Ségur :

On recherchait avec empressement toutes les productions nouvelles des génies transcendants et des brillants esprits qui faisaient alors l’ornement de la France. Les ouvrages de Bernardin de Saint-Pierre, d’Helvétius, de Rousseau, de Duclos, de Voltaire, de Diderot de Marmontel, donnaient un aliment perpétuel à ces conversations, où presque tous les jugements semblaient dictés à la fois par la raison et par le bon goût276.

Néanmoins, la réappropriation du matérialisme dans les préfaces, bien qu’elle soit tout à fait relative, dans la mesure où les analogies avec les œuvres du « gros baron » donnent l’impression d’une philosophie à peine digérée, est sans doute un moyen pour lui de rappeler son appartenance à une élite sociale. En tant

272 Paul Hazard, La pensée Européenne au XVIIIe siècle : de Montesquieu à Lessing, Paris, Arthème

Fayard, 1963, p. 129.

273 Dominique Varry, « Grandes collections et bibliothèques d’élites », in Claude Jolly (dir.), Histoire

des bibliothèques françaises, t. 2, Les bibliothèques sous l’Ancien Régime 1530-1789, Paris, Éd. du cercle, 2008, pp. 295-344, ici p. 316.

274 Robert Darnton, Édition et sédition : l’univers de la littérature clandestine au XVIIIe siècle, Paris,

Gallimard, 1991, p. II.

275 Ibid., p. 165.

276 Arnaud de Maurepas, Les Français vus par eux-mêmes : le XVIIIe siècle : Anthologie des mémorialistes

139 qu’homme cultivé et éduqué, il peut se permettre de partager les idées des grands penseurs, ce que le vulgaire ne peut prétendre. Ainsi, cet attrait pour la philosophie des Lumières, jusqu’à la plus radicale, est peut-être un moyen pour lui de réinvestir dans le champ de la culture, ce que la naissance ne lui permet plus. D’autant plus qu’au moment où d’Herculais rédige ses préfaces, l’Empire à peine proclamé cherche à asseoir sa légitimité en recomposant une société hiérarchiquement ordonnée qui distingue une élite du peuple par son niveau de culture et de fortune277. Même s’il serait exagéré de penser que notre lecteur ait

cherché depuis sa retraite campagnarde à participer activement à la nouvelle aristocratie impériale, il n’en reste pas moins qu’il a sûrement été sensible à ce renouveau social.

Enfin, ce constat repose la question concernant le lien entre littérature clandestine et Révolution. Dans Édition et sédition : l’univers de la littérature

clandestine au XVIIIe siècle278, Robert Darnton a tenté de démontrer que la lecture du

livre prohibé a participé à la remise en cause de l’Ancien Régime, en minant ses fondements bien avant la chute de Bastille. Comme nous avons pu le voir, l’intérêt de Charles d’Herculais pour ce genre de littérature ne s’est pas traduit par une adhésion aux idées révolutionnaires. Au contraire, l’intérêt pour l’une des philosophies les plus radicales de son temps, est sans doute un moyen de rappeler son statut social. Le cas de Charles d’Herculais reflète avec pertinence que chaque lecteur participe activement à la réception d’un texte et qu’il est lui-même producteur de sens.

277 Michel Biard, Philippe Bourdin, Silvia Marzagalli, Révolution, Consulat, Empire, in Joël Cornette

(dir.), Histoire de France, Paris, Belin, 2009, pp. 232-233

140

C

ONCLUSION

Au terme de cette étude, nous espérons avoir démontré la richesse que constituent les cahiers d’extraits de lectures de Charles d’Herculais. Nous les avons envisagés sous divers angles au cours de ce mémoire et premièrement comme témoins des pratiques d’un lecteur. La constitution même des Recueils

d’anecdotes et des Extraits de mes lectures, grâce à l’ars excerpendi, se rattache à la tradition des lieux communs et des adversaria. Cet exercice est révélateur de la persistance du modèle humaniste chez les lecteurs du XVIIIe siècle. Dans le cas de

notre protagoniste, nous avons vu que cette pratique s’allie à des stratégies de lectures qui visent à optimiser son activité, tant d’un point de vue qualitatif (lecture comparée, introduction à certains ouvrages) que quantitatif (usage du paratexte pour se diriger dans les volumes et cibler l’information recherchée). Cette passion, qui selon d’Herculais se doit d’être utile, est inextricablement liée à l’écriture et se manifeste par la spatialisation du lire dans un cadre privé.

Le deuxième enjeu a été de montrer que les recueils de lecture peuvent être convoqués pour reconstituer une collection. Ils permettent de contourner certaines lacunes des sources traditionnelles utilisées par les historiens, dans la mesure où le choix de la transcription indique une lecture effective. Même si nous ne pouvons affirmer que l’ouvrage ait été lu en entier, les périodiques et les ouvrages prohibés, généralement sous représentés, apparaissent plus fidèlement. Bien entendu, les nombreux extraits non identifiés constituent une limite non négligeable à prendre en compte. Grâce au testament de Charles d’Herculais, nous savons que ce dernier possédait ses propres livres. Il aurait été extrêmement intéressant de pouvoir reconstituer sa collection complète à partir d’autres sources et pouvoir les comparer avec les ouvrages cités dans ses recueils de lecture. En effet, indubitablement, un certain nombre de titres nous échappent. Comme nous l’avons évoqué, les recueils n’illustrent pas fidèlement la lecture romanesque, et

141 dans d’autres cas, Charles d’Herculais ne parvient pas à déterminer ce qui doit faire l’objet d’extrait et se contente de lire et relire sans cesse.

Il n’en reste pas moins que le choix demeure une question cruciale pour appréhender ce type de source. Le fait que Charles d’Herculais relève un passage plutôt qu’un autre exprime son intérêt et sa curiosité pour le sujet. Par conséquent, les recueils de lecture impliquent un changement d’échelle d’analyse et permettent de reconstituer le portrait du noble d’après ses lectures, en dépassant la méthode quantitative de répartitions des titres par grandes catégories. Au cours de l’introduction de ce mémoire, nous avions posé la question des marques individuelles dans la lecture. Nous avons pu constater qu’elles sont particulièrement délicates à déceler mais surtout qu’elles sont rares. Toutefois, la sensibilité militaire ou encore l’attention particulière portée à la médecine indique à notre sens l’empreinte personnelle du lecteur. Pourtant, la plupart des thèmes de prédilection de d’Herculais s’inscrivent dans les curiosités les plus en vogue au XVIIIe siècle. C’est un lecteur au fait des nouveautés et des changements qui

s’opèrent au cours de la période. Si le catalogue issu de la bibliothèque portative met en avant le caractère novateur de sa collection, certains extraits ont pu nuancer cette idée. La présence d’auteurs du Grand Siècle et de l’Antiquité suggère la culture classique de d’Herculais. Nous avons également insisté sur le lien entre la lecture et le divertissement, qui prend corps à travers les nombreuses maximes, portraits et plaisanteries disséminés tout au long des recueils. Ces éléments révèlent que la lecture pour soi dans un cadre privé s’articule et participe activement à la sphère publique au sein des salons.

Peut-on pour autant en conclure à un lecteur ordinaire ? Nous serions tenté de répondre positivement à cette interrogation si l’on s’intéresse seulement aux domaines d’intérêts de Charles d’Herculais et négativement si l’on prend seulement en compte la masse prodigieuse d’extraits de lecture laissée à la

142 postérité. Nous avons bien à faire à un lecteur original, qui, par sa pratique, tente de répondre à la profusion de l’imprimé au cours du siècle.

Le cas de Charles d’Herculais participe au débat historique qui alimente les liens entre lecture et Révolution. Grâce aux préfaces, au-delà de leur apport biographique, nous avons pu faire le lien entre les lectures et l’attitude de notre protagoniste au cours de la période révolutionnaire. L’intérêt porté aux philosophes des Lumières et les critiques de l’Ancien Régime, qui se dévoilent au cours des recueils, ne se sont pas accompagnés pour autant d’une adhésion aux principes de la Révolution. Par conséquent, la lecture n’est pas nécessairement le synonyme d’une soumission au discours professé par l’ouvrage. Chaque lecteur est producteur de sens.

À travers ces documents, nous avons également pu constater l’évolution de la pensée de Charles d’Herculais en matière de religion. La radicalisation de son opinion est nette. Elle se manifeste par le glissement d’une vision anticléricale à la revendication d’un athéisme, lui-même lié au matérialisme prêché par le baron d’Holbach. Véritable philosophie de vie qui offre des réponses aux inquiétudes de d’Herculais, la question de sa réelle signification reste pourtant ouverte. En effet, la majorité des préfaces exprime une analogie frappante avec les œuvres du « gros baron ». Même si le passage à l’écriture marque l’appropriation du lecteur, ces réflexions sont sans doute le moyen de rappeler son statut d’homme éclairé et cultivé, en se piquant d’une philosophie que le vulgaire ne peut comprendre. Toutefois, notre étude, en s’intéressant à un seul homme, ne pourrait prétendre à divulguer un modèle général. Elle cherche seulement à reconsidérer la source originale et centrale que peuvent représenter les recueils d’extraits dans le cadre des pratiques de lectures et des curiosités d’un homme du XVIIIe siècle.

Pour approfondir notre recherche, il faudrait mieux prendre en compte le contenu des Extraits de mes lectures. La seule utilisation des tables des matières n’est pas satisfaisante. Par ailleurs, la confrontation avec d’autres modèles serait

143 tout aussi palpitante. Par exemple, dans les Bibliothèques au XVIIIe siècle, Jean-Louis

Darcel évoque succinctement les notes de lecture prises par Joseph de Maistre dès l‘âge de quinze ans279. Sans aucun doute, ces documents permettraient de retracer

un portrait bien différent de notre protagoniste.

279 Jean Louis Darcel, « Les bibliothèques de Joseph de Maistre (1769-1821) », in Louis Trénard

(dir.), Les bibliothèques au XVIIIe siècle, Bordeaux, Société des bibliophiles de Guyenne, 1989, pp. 187-210,

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S

OURCES

S

OURCES MANUSCRITES

Archives départementales de l’Isère

− 2E 6, Contrat de mariage d’André François d’Allois d’Herculais et de Claire Charlotte Vaulserre des Adrets, 20 novembre 1736.

− 2E 6, Procédure de description de la maison acquise par Monsieur