» J'ai examiné au microscope un de ces
tractus
surdes
préparations qui avaient été faites par le Dr d'Espine, et
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voici ce que nous avons constaté. Le cône modulaire est constitué par deux sortes d'éléments : les fibres du tissu conjonctif et des cellules plates à un noyau ovalaire; le
centre du cône est formé presque exclusivement par des
fibres très épaisses, réfractant fortement la lumière, très serrées, et entre lesquelles on trouve de loin en loin des
cellules plates. Dans la partie profonde du tractus, l'élément
cellulaire augmente considérablement. Il se présente tantôt
sous forme d'agglomération des cellules, qui se touchent
toutes et qui sont disposées circulairement autour des
coupes des capillaires, tantôt sous forme de traînées qui pénètrent entre les faisceaux de fibres. Sur les côtés du
tractus on voyait les lobules graisseux voisins envahis par de- longues traînées de tissu modulaire fibroïde, de nouvelle formation, contenant peu de cellules et étouffant peu à peu les cellules adipeuses. En d'autres termes, le tissu modulaire développé primitivement dans le trajet de l'aiguille s'étend
et envahit les parties voisines; les tissus ainsi envahis sont
étouffés peu à peu et bientôt transformés en tissu fibreux
cicatriciel. )>
C'est ici le lieu de dire quelques mots des hémorragies
que peut occasionner l'application de l'ignipuncture. Elles
se produisent lorsque des vaisseaux, artères ou veines, sont
rencontrés parle thermo-cautère rougi à blanc, à une tempé¬
rature supérieure à celle où le calorique possède une action hémostatique. Elles se produisent pendant ou très peu de temps après l'opération; elles sont en général sans gravité
et s'arrêtent très facilement, soit spontanément, soit par
l'emploi des moyens les plus simples. Il n'en faut pas moins faire le possible pour les éviter, et prendre soin
de ne pas rencontrer, au cours de l'opération, des vaisseaux
ou nerfs de quelque importance, afin de n'avoir pas à compter
avec les complications possibles: phlébite, anévrysme, tétanos,
ou de n'avoir pas à débriderpour aller lier une artériole.
ONO 3
CHAPITRE V
Indications et contre-indications de
l'ignipuncture.
L'ignipuncture ne doit pas être appliquée indistinctement à
toutes les tumeurs blanches. Elle a desindications nettement tranchées et en dehors desquelles elle ne peut jouer qu'un
rôle accessoire.
Nous étudierons trois indications spéciales : 1° état des lésions; 2° âge du sujet; 3° genre d'articulation.
I. Indications de l'ignipuncture suivant l'état des lésions.
Nous avons dit plus haut que la tumeur blanche pouvait
débuter par la synoviale ou par le système osseux. Il serait important, dans chaque cas,de pouvoir connaîtrecette origine
afin d'appliquer un traitement approprié. Malheureusement,
cette détermination n'est pas toujours facile. C'est ce qui explique l'embarras dans lequel on peut parfois se trouver
touchant l'application du traitement par l'ignipuncture, dont
les indications sont précises. Et ce n'est souvent que dans
l'examen direct des pièces d'amputation qu'on trouve les
raisons de l'insuccès du traitement.
Lannelongue a démontré que, chez les jeunes sujets,
la
tumeurblanche est presque toujours d'origine osseuse.
Dans cèrtains cas, on voitse produire d'abord une périostite
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tuberculeuseépiphysaire qui s'ouvre à l'intérieuretquisuppure ;
puis, secondairement, l'articulation se prend. Il estévident que dans des cas de ce genre on ne saurait hésiter. Malheureuse¬
ment, il n'en est pastoujours ainsi. On n'a alors pour seguider
que la douleur persistante au niveau d'une épiphyse; presque
toujours, d'ailleurs, une pàlpation méthodiquement faite révé¬
lera un léger gonflement de l'extrémité osseuse. On peut par¬
fois aussi apprécier le désordre osseux en imprimant des
mouvementsartificiels à l'articulation:onentendraquelquefois
un frottement dur, une sorte de craquement, indiquant le
frottement de deux surfaces rugueusesl'une contre l'autre.
Il est des cas où l'incertitude du chirurgien, touchant l'ori¬
gine cfsseuse de la tumeur blanche, se trouve justifiée par ce fait qu'à l'ouverture de l'articulation on ne constate aucune lésion osseuse évidente, et pourtant c'est un tubercule
intra-osseux (Ollier) de l'épiphyse, ou un tubercule sous-chondral, qui a été le point de départ d'une arthrite subaiguë de voisi¬
nage.
Nous allons examiner, au point de vue de l'application de l'ignipuncture : 1° le cas oùles lésions sont limitées à la syno¬
viale; 2° le cas où les lésions occupent simultanément la synoviale et les os.
A. Les lésions sont limitées a. la synoviale.
On admet aujourd'hui universellement que la synovite fongueuse pure, c'est-à-dire la tuberculisation primitive de la synoviale, est très rare chez les enfants, tandis qu'elle est, au
contraire, assez fréquente chez l'adulte.
Dans cette formeon a presque tout à attendre de l'ignipunc¬
ture, au point de vue de la guérison, en la joignant à la compression et à l'immobilisation. Nous avons vu, en
effet^
dans le chapitre précédent, qu'outre la disparition du microbe
le feu amène une transformation fibreuse d'une partie des fongosités ; celles-ci forment un lacis qui englobe les fongosités voisines et diminue leur vascularisation, les
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-mettant dans les conditions où elles se trouvent quand elles passent naturellement à l'état de tissu lamineux. Les tractus
cicatriciels qui résultent de cette transformation fibreuse se resserrent, s'appliquent surles surfaces articulaires et attirent
à eux les parties molles, qui semblent alors comme collées
aux os.
Dans cettepremière période des synovites fongueuses, l'igni-puncture, enpénétrant les fongosités, les drainera. Il s'ensuit
que si l'aiguille rencontre sur son passage un foyer purulent,
elle force l'expulsion du contenu. Quelquefois elle opère une
utile saignée locale, en sectionnant une artériole ou une veinule.
♦
B. Les lésions occupent simultanément la synoviale et les os.
Dans le Traité desaposthèmes des membres, Guy deChauliac parle ainsi de la carie des os : « Quand les os sont cariés et
corrompus, il faut les cautériser. » Actuellement, on voit dans
les lésions osseuses avancées une contre-indication à la cauté¬
risation. Les observations de Richet démontrent combien peu
on peut compter sur le fer rouge dans les cas de ce genre.
Ce n'est pasqu'onnetrouvedans la science quelques exemples
de succès par l'intervention ignée à cette période avancée.
Le plus étonnant est certainement l'observation de
Boucha-court consignée dans le Traité de la cautérisation de
Philip-peaux (p. 258). Il s'agit d'un jeune homme de vingt-cinq ans, d'une bonne constitution (?), qui présentait une carie des os du tarse tellement étendue que le puss'était fait jourau dehors
par 21 trajets fistuleux, dont l'un, situé à la partie supérieure
du pied, avait une ouverture d'environ 3 centimètres de
diamètre. Malgré l'extrême ramollissement des ligaments et la
fétidité du pus, M. Bouchacourt utilisa la cautérisation actuelle, et il obtint un succès complet. Malheureusement, de pareilles guérisonssontrares. Nous avons vu souventemployer l'ignipuncture dans des cas à lésions osseuses avancées, et
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nous avons dû constater qu'aucun résultat favorable n'était
obtenu : il se formait des fistules qui suppuraientindéfiniment
sans aucune tendance àla guérison.
Il est cependant une action qu'on ne peut
refuser à
l'igni-puncture employée
à
cettepériode avancée
:elle diminue
remarquablement la douleur, cette