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COMMISSION DE LA CULTURE, DE L’ÉDUCATION ET DE LA COMMUNICATION

forme pourrait prendre un tel enseignement ? De manière plus générale, le Conseil supérieur des programmes est-il associé aux réflexions en cours pour renforcer la formation initiale et continue des enseignants à la laïcité ?

Madame la présidente, vous avez la parole.

Mme Souâd Ayada, présidente du Conseil supérieur des programmes. – Je vous remercie de votre invitation et de me donner l’occasion de vous présenter les travaux du Conseil supérieur des programmes.

Je me consacrerai à la présentation du travail accompli ces trois dernières années.

Vous le rappeliez, monsieur le président, depuis sa création et son installation, en 2013, le Conseil supérieur des programmes a été soumis à un rythme de travail soutenu.

J’ai été nommée à la fin du mois de novembre 2017, et la tendance se confirme : rien ne dément la réalité de ce travail conséquent.

Les années 2018 et 2019 ont été particulièrement denses. L’élaboration des programmes de tous les enseignements dispensés au lycée général et technologique, que modifie la nouvelle conception du baccalauréat, a été au centre d’une intense activité. Plus de quarante groupes ont été constitués pour concevoir des contenus d’enseignement conformes aux principes généraux qui ont guidé la réforme du baccalauréat et la restructuration du lycée.

Il s’agit, je vous le rappelle, de rehausser nos exigences pour que l’obtention du baccalauréat atteste bien la maîtrise de savoir et de savoir-faire nécessaire à la poursuite et à la réussite d’études supérieures.

Si les nouveaux programmes du lycée général et technologique ont sollicité tous nos efforts, nous avons également mené d’autres travaux en clarifiant et en ajustant les programmes de l’enseignement moral et civique (EMC), du français et des mathématiques, de l’école élémentaire au collège. Ces programmes ont été publiés au bulletin officiel de juillet 2019.

Nous avons aussi élaboré les nouveaux programmes des enseignements généraux du lycée professionnel pour les classes préparatoires au CAP et les classes de seconde, première et terminale professionnelles.

Nous avons émis un avis sur le cadre de référence des compétences numériques.

Nous avons établi une note d’orientation et de propositions pour le renforcement des enseignements relatifs aux changements climatiques, à la biodiversité et au développement durable, de la maternelle à la classe de troisième. Cette note, que nous avons publiée en décembre 2019, introduisait les programmes qui ont tous été renforcés ici ou là, et qui sont parus au bulletin officiel du 30 juillet 2020.

Si elle a été un peu moins dense en apparence, l’année 2020 ne fut pas sans activité, tant s’en faut. Nous avons élaboré des propositions de programme tout d’abord pour le nouvel enseignement de spécialité du cycle terminal de la voie générale du lycée, intitulé

« Anglais monde contemporain », ainsi que pour les enseignements de mathématiques et de physique-chimie pour le brevet des métiers d’art de la voie professionnelle et, enfin, pour le nouvel enseignement de spécialité du cycle terminal de la voie générale du lycée « Éducation physique pratiques et culture sportives », qui va être proposé non à titre expérimental, comme

il est dit parfois, mais de manière limitée pour une première mise en œuvre à la rentrée de septembre 2021.

Nous avons formulé en juillet 2020 un avis sur l’articulation des contenus de la formation dispensée dans le cadre du service national universel avec les programmes de l’enseignement moral et civique.

Nous avons enfin, en décembre 2020, diffusé une ample note d’analyse et de propositions sur le programme d’enseignement de l’école maternelle. La saisine nous demandait de réfléchir sur la maternelle dès lors que la loi rendait l’instruction obligatoire à partir de trois ans.

L’année 2021 a commencé par une saisine du ministre afin d’élaborer le programme d’un nouvel enseignement facultatif de français et culture antique, qui sera dispensé en classe de sixième. Nous avons diffusé la proposition de programme le 10 mars.

Nous poursuivons nos travaux pour la voie professionnelle avec les programmes de mathématiques et de physique-chimie pour le brevet professionnel, et prévoyons de diffuser le projet de programme en mai.

Enfin, un travail d’ampleur, inscrit dans notre programme annuel de travail, est en cours. Nous conduisons en effet une réflexion sur l’articulation des programmes du collège avec les nouveaux programmes du lycée. Nous prévoyons de diffuser ce travail au mois de mai ou juin. Il s’agit en effet de réaliser une analyse enseignement par enseignement et de faire des propositions d’éventuels aménagements des programmes de collège afin de favoriser une meilleure progression des apprentissages.

Voici, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, un état des lieux des travaux du Conseil supérieur des programmes en cours ou accomplis.

M. Laurent Lafon, président. – Merci, madame la présidente.

La parole est à Jacques Grosperrin, ancien membre du conseil supérieur des programmes et rapporteur des crédits budgétaires « enseignement scolaire », puis aux sénateurs membres du Conseil supérieur des programmes.

M. Jacques Grosperrin. – Madame la présidente, j’ai fait partie du Conseil supérieur des programmes en son temps. J’en ai démissionné avec d’autres parlementaires, dont la députée Annie Genevard. Il me semblait que nous étions dans une procédure de déconstruction de l’histoire et d’abandon de la chronologie. Or la chronologie permet à chacun de pouvoir se situer et transmet le sentiment d’appartenance à la République et à la Nation, patrimoine commun auquel l’école peut contribuer.

Nous travaillions en effet sur le respect des valeurs de la République, et j’avais le sentiment que l’on changeait de voie. J’ai fait ma thèse de sciences de l’éducation à Lyon, dans une université où on trouve ce courant « pédagogiste », que j’avais fortement combattu.

J’ai le sentiment – et c’est d’actualité – qu’il existe une érosion du sentiment d’appartenance à la communauté nationale, et que la nationalité française et l’identité sont deux notions plus ou moins distinctes qui ne se superposent plus.

L’absence des termes de « Nation » et de « patrie » du programme de l’EMC, qui était à cet égard révélatrice en son temps, pose problème car la République a confié à l’école le soin de transmettre cet héritage à tous ses enfants.

L’enseignement de l’EMC me paraît très important. Il doit être transversal, et je m’interroge sur sa transcription dans les programmes. Je suis ravi d’entendre que vous avez reporté toute votre attention sur ce point à partir du moment où la scolarisation s’établit à partir de trois ans. Peut-être certaines choses se retrouveront-elles dans le vocabulaire : on se rend en effet compte actuellement – et la pandémie l’a démontré – que certains enfants n’ont pas accès, entre trois et cinq ans années fondamentales pour le développement du langage, à un certain nombre de mots du vocabulaire.

Je voudrais également vous interroger par rapport à l’approche épistémologique des connaissances. Si l’on enseigne la construction des connaissances et des savoirs aux enfants, le Conseil supérieur des programmes peut peut-être apporter sa pierre à l’édifice afin de permettre à chacun de comprendre que les connaissances permettent de lutter contre l’ignorance, mais aussi contre la théorie des complots. Existe-t-il des démarches particulières à ce sujet ?

Enfin, réfléchissez-vous aux modes de constitution de cette vérité scientifique qui permet de différencier les croyances des savoirs objectifs ?

M. Max Brisson. – Je voudrais tout d’abord me réjouir de l’audition de Souâd Ayada, que j’avais réclamée depuis longtemps. En effet, je crois important que le Parlement réfléchisse à la fabrique des programmes. Comment et dans quel cadre sont-ils élaborés ?

Je voudrais saluer Souâd Ayada pour son engagement, car il n’est pas facile d’être la présidente du Conseil supérieur des programmes. Dans notre pays, la fabrique des programmes est un sujet très politique, source de nombreux débats, surtout lorsqu’il s’agit des programmes de la voie générale et particulièrement – lorsqu’elle existait – des programmes de la voie S, où tout un chacun estime détenir l’expertise nécessaire. C’est beaucoup moins vrai lorsqu’il s’agit de programmes de mathématiques quantiques, mais beaucoup plus lorsqu’il s’agit des programmes d’histoire-géographie ou des programmes de philosophie.

Il faut de la sérénité, de l’engagement, des convictions, et je témoigne que Souâd Ayada, avec son caractère, a tout pour tenir une certaine ligne de crête. Il faut en effet prendre en compte, quand on fabrique les programmes, de l’âge des élèves – chose que les éditeurs de la Montagne-Sainte-Geneviève oublient assez facilement –, ou de ce qui a été acquis dans le cycle précédent et ce qui devra être acquis dans les cycles suivants. Tout ne s’apprend en effet pas au même moment.

Il faut aussi conserver une certaine ligne par rapport aux nombreuses querelles académiques ou universitaires qui traversent la fabrique des programmes. C’est une des questions que je poserai tout à l’heure, car je me demande s’il n’est pas nécessaire de prendre de la distance par rapport à ceci.

Je rappelle à mes collègues que c’est le ministre qui arrête les programmes, et non le Conseil supérieur des programmes. J’aurai d’ailleurs l’occasion de proposer la semaine prochaine un amendement qui corrige une compétence que nos collègues de l’Assemblée nationale attribuent au Conseil supérieur des programmes, dont il ne bénéficie pas à ma connaissance.

Le Conseil supérieur des programmes mobilise de nombreuses ressources. Ses programmes sont fabriqués par des professeurs, des inspecteurs, des groupes ressources, mais c’est le ministre qui arrête les programmes et décide en dernier recours.

Je remarque enfin que tous les présidents du Conseil supérieur des programmes ont essuyé des polémiques lorsque les programmes sont sortis. Ce n’est finalement pas, chère Souâd, sous ta présidence que les polémiques ont été les plus fortes ! En tous les cas, il faut les relativiser si on les inscrit dans le temps long.

Mes questions sont au nombre de quatre.

Tout d’abord, les programmes, depuis quelques années, ne sont-ils pas hors de portée, au moment où les classements internationaux disent des choses inquiétantes sur le niveau des élèves français ? N’y a-t-il pas trop de prétention dans la fabrique des programmes - ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas être exigeant pour les élèves ? Je parle ici des objectifs et non de la mise en œuvre au lycée, car plus ils sont prétentieux et plus le décalage avec la réalité est important. Bref, ne gagnerait-on pas à revenir à des choses plus simples et moins décalées ?

Deuxièmement, certaines disciplines ne nécessitent-elles pas une réflexion sur leur objet dans l’enseignement secondaire ? Qu’est-ce, par exemple, que l’histoire enseignée, pour parler d’un sujet que je connais un peu ? Comment la discipline est-elle conçue pour l’enseignement secondaire ? Ceci permettrait, me semble-t-il, d’éviter des querelles et des débats universitaires édulcorés et non stabilisés, dont les programmes du secondaire ne doivent pas être le lieu. Je pense qu’ils ont besoin de transmettre des savoirs stabilisés, fussent-ils en décalage avec les dernières recherches.

Troisièmement, ne serait-il pas utile de laisser vivre plus longtemps les programmes - ce qui éviterait la surcharge de travail du Conseil supérieur des programmes ? L’accélération des changements de programme n’est-elle pas pour beaucoup calquée sur l’accélération de la vie politique et, en particulier, l’instauration du quinquennat ? Est-il nécessaire que chaque ministre ait besoin de laisser son nom à une réforme des programmes qui ne passera pas le quinquennat ?

Mes deux dernières questions seront provocatrices…

Ne serait-il pas nécessaire d’indiquer à l’ensemble de la communauté éducative que les professeurs sont chargés de mettre en œuvre ce qui figure dans les programmes et non dans les manuels scolaires, qui ne constituent qu’un outil ? Il faut en effet rappeler haut et fort que le manuel, contrairement à ce que pensent beaucoup, n’est pas le programme.

Enfin, les programmes n’ont-ils pas vocation – et cela a été dit par la présidente, en introduction – à traiter de ce qu’attend le pays ? On n’est pas obligé de multiplier les journées d’éducation pour ceci ou cela ! Leur croissance est proportionnelle aux attentes et aux angoisses de la société, et porte souvent sur des sujets qui sont parfaitement écrits dans les programmes. À force de multiplier ces journées, on peut d’ailleurs se demander s’il reste encore du temps pour mettre les programmes en œuvre !

Mme Annick Billon. – Merci, madame la présidente, pour vos propos liminaires.

Je suis membre du Conseil supérieur des programmes depuis peu. Je n’ai pas encore eu l’occasion de siéger, et je ferai donc preuve de beaucoup d’humilité dans mon intervention, ne

connaissant pas le Conseil supérieur des programmes aussi bien que mes deux précédents collègues.

Vous avez, à plusieurs reprises, parlé de votre charge de travail. Ma première question sera simple : avez-vous les moyens de mettre en œuvre les demandes qui vous sont adressées ?

Ma deuxième question m’est inspirée par les travaux de la délégation aux droits des femmes, que je préside : aujourd’hui, la loi comporte une obligation d’assurer des cours d’éducation sexuelle. Avez-vous travaillé sur ces sujets ? Comment sont-ils appliqués ? On sait qu’ils sont à géométrie extrêmement variable. Or le quinquennat d’Emmanuel Macron a été placé sous l’égalité entre les hommes et les femmes : qu’en est-il ?

Autre question : vous avez parlé d’une expérimentation limitée. Pouvez-vous nous en dire plus sur certains programmes ?

Vous avez d’autre part, à propos de la réforme du baccalauréat, évoqué la modification des programmes inspirés par la réforme, et vous nous avez dit que vous vous attachiez désormais à la refonte des programmes du collège…

Mme Souâd Ayada. – Nous ne sommes absolument pas saisis de la fabrication des nouveaux programmes du collège. Nous remettrons un avis sur cette articulation. Il reviendra au ministre de décider s’il souhaite ou non engager une refonte des programmes.

Mme Annick Billon. – Peut-être aurait-il été préférable de revoir la totalité des questions avant de considérer les choses par section…

Ma dernière question fera écho à celle de Max Brisson, qui a évoqué les programmes et les manuels. Face à la refonte assez rapide des programmes, à laquelle vous travaillez d’arrache-pied pour suivre la réforme du baccalauréat, les manuels réussissent-ils à suivre l’évolution des programmes ?

M. Laurent Lafon, président. – Madame la présidente, vous avez la parole.

Mme Souâd Ayada. – Vous avez, monsieur le rapporteur, commencé votre propos non par une question, mais par le rappel de votre expérience de membre du Conseil supérieur des programmes, notamment au sujet de l’enseignement de l’histoire au collège.

L’enseignement de l’histoire, on s’en souvient tous, avait suscité, du point de vue de ce programme, énormément de questions. Nous avons, dans le travail que nous avons mené sur les programmes du lycée général, du lycée technologique et du lycée professionnel, fait pour le mieux – je crois que Max peut le confirmer –, fidèles à ce qui fait le cœur de la discipline, en veillant à ce qu’il existe une certaine chronologie et une certaine vision d’un cours continu, afin que l’histoire soit cette discipline qui a affaire au temps et au passé. J’ai été très frappée par certaines définitions même de la discipline, qui gomment ses repères.

Nous avons fait pour le mieux également afin de rétablir la part de récits du professeur et celle qui doit être dévolue aux acteurs qui font l’histoire. On n’a plus le droit de parler de « personnages » : j’ai ainsi découvert qu’il existait des termes tabous dans certains milieux de l’éducation.

Vos questions portent sur quatre points et, en premier lieu, sur l’évolution de l’EMC. Il faut rappeler que c’est une constante continue de notre école depuis deux siècles de veiller à une éducation et à une instruction civiques. Si, durant quelque temps, cet enseignement a disparu, il est revenu de différentes façons, qui ont pris la forme d’une instruction, d’une éducation et, depuis 2015, d’un enseignement. Il est important que ce soit devenu un enseignement : cela signifie qu’il est inscrit dans l’emploi du temps des élèves et que le programme est clairement formulé.

Ce programme, aussi bien dans sa version de 2015 que dans ce que nous avons réalisé à partir de 2018, soulève des difficultés parce qu’il poursuit de multiples objectifs. Je m’explique : ce n’est pas un enseignement exclusivement centré sur la dimension civique, qui est absolument nécessaire. Il se préoccupe de promouvoir ceci ou cela, de lutter contre ceci et cela, si bien que ces éléments structurants que sont la République et ce qu’on appelle – de manière peut-être un peu incantatoire – ses valeurs, ou le principe de laïcité, sont un peu noyés dans d’autres préoccupations.

Prenons la façon d’aborder la laïcité. La laïcité n’est jamais traitée dans son ancrage historique, dans son lien concret avec l’histoire de notre pays, dans sa dimension de combat, de tensions et de luttes. Les choses sont présentées de manière très irénique, très abstraite, très dogmatique. Le mot est exclusivement associé à la liberté de conscience, qui est bien évidemment très importante, mais qui n’épuise peut-être pas tout de la dimension juridique et politique de la laïcité, qui est quand même notre façon, au sein de la République, de créer du commun.

La laïcité est toujours associée à la lutte contre les discriminations. Il y a peut-être là un manque de distinction et de rigueur conceptuelle. On parle de sentiment d’appartenance, notamment dans les programmes de 2015.

S’agissant de la République, il me semble qu’il y a là aussi un manque d’ancrage juridique, politique et historique de la notion. Elle est tout simplement et très souvent confondue avec la démocratie. Or je crois qu’il existe un certain mérite, aussi bien dans l’analyse que dans l’action politique, à tenir compte de la tension vivante qu’il y a entre la démocratie et la République, parce qu’un certain déchaînement des revendications démocratiques vient bousculer l’idéal républicain de cohésion, d’unité et d’intérêt commun.

La logique de la démocratie, pour le dire rapidement, c’est le règne de l’intérêt particulier. Celui de la République, c’est l’intérêt commun. Il y a donc là, me semble-t-il, un peu de flou conceptuel dans ces programmes.

Là aussi, nous faisons pour le mieux. N’oubliez pas que la fabrique des programmes vise à parvenir à la proposition la plus consensuelle possible. Nous n’imposons pas nos vues.

Vous avez évoqué, monsieur le sénateur, le travail que nous avons mené sur la maternelle. Il ne vous a pas échappé que la diffusion de ce travail n’est pas un nouveau programme, mais une analyse de celui-ci et des pistes d’aménagements qu’il revient au ministre d’arbitrer.

Cette réflexion insiste sur le devoir de la Nation, par l’instruction obligatoire dès l’âge de trois ans, de compenser les manques à l’école, notamment en matière de vocabulaire et,

par là même, de maniement de la langue française pour les enfants des familles les plus démunies.

C’est une mesure de justice sociale. Je crois que nous essayons d’aller dans le bon sens.

Vous évoquez l’éventualité que le Conseil supérieur des programmes puisse avoir une approche épistémologique des connaissances. Ce que je peux vous dire, c’est que le Conseil supérieur des programmes tient à la notion de connaissance et à la notion de savoir, qu’il met toujours en avant, et pas seulement à la notion de compétences, qui est aujourd’hui devenue centrale dans le discours pédagogique. Nous tenons aux connaissances, à leur transmission rigoureuse. Nous ne pensons pas que l’élève les construise par lui-même. À la notion de construction, aujourd’hui très prégnante dans le vocabulaire pédagogique, nous préférons celle de transmission.

Nous sommes attachés à cette rigueur des savoirs et des connaissances qui nous semble être le plus sûr moyen de veiller à ce que l’enseignement porte sur des vérités qui, quel que soit leur registre, sont argumentées, justifiées. C’est pour nous le plus sûr moyen, par un enseignement rigoureux, de prémunir les élèves contre toutes les tentatives relativistes, complotistes et autres.

Cher Max, les questions que tu poses sont bien évidemment au cœur de ce qui nous a préoccupés et des difficultés que nous avons rencontrées depuis fin 2017, début 2018.

Nous sommes en effet sur une ligne de crête permanente. La fabrique des programmes, telle que l’a voulue le législateur en France, sollicite différents interlocuteurs afin de parvenir à recueillir un certain consensus.

Qui dit consensus dit aussi accommodements. Il ne s’agit pas de céder, mais d’entendre différentes revendications qui sont celles de la vie démocratique.

Tu soulignais le fait que les programmes sont le reflet des querelles universitaires.

Nous avons essayé de veiller à ce que ça soit le moins possible le cas. Nous ne pouvons pas non plus – nous avons fait l’expérience – faire fi de l’évolution qu’ont connue certaines disciplines. Je pense par exemple à la géographie, que tu connais bien mieux que moi.

Depuis les années 1960-1970, les contours de cette discipline sont plutôt ceux d’une science sociale, où les questions économiques et les questions du présent des sociétés sont au cœur de l’enseignement. Pour ma part, je défendrai l’idée de discipline scolaire. Les disciplines scolaires n’ont pas à être le reflet des évolutions que l’enseignement supérieur connaît aujourd’hui, mais il est très difficile de s’y tenir.

Tu soulignes que nous fabriquons des programmes hors de portée des élèves, souvent un peu prétentieux. Ce sont précisément ces pressions multiples qui font que nous ne cessons de gonfler les contenus des programmes, en perdant souvent de vue, je le reconnais, le besoin de formation des élèves.

Il faut peut-être aussi mettre cela en perspective avec les politiques éducatives. La politique éducative qui a justifié la réforme du baccalauréat, la restructuration du lycée et la fin des séries pour la voie générale avait pour ambition de rehausser les niveaux, de construire des programmes plus ambitieux. Nous nous sommes conformés à cette demande. Ambitieux, peut-être le sont-ils un peu trop. Il est vrai que des programmes hors de portée des élèves sont des programmes qui ne s’appliquent pas.