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Marché et capitalisme dans la sociologie de Max Weber

Le rapport de la "Nouvelle sociologie économique" aux sociologues classiques n’est pas aussi simple qu’il pourrait sembler. Pour l’essentiel, il est vrai que les travaux récents n’hésitent pas à se présenter dans la continuité de M. Weber ou de E. Durkheim. Les « fondements non contractuels du contrat » décrits dans Durkheim (1978) sont à cet égard une référence commune dans le milieu des sociologues de l’économie. De même, M. Granovetter (1990) ou R. Swedberg (1994) décrivent la "Nouvelle sociologie économique" comme reprenant le programme de recherche initié par les classiques et interrompu pendant les cinquante ans de division parsonsienne du travail entre économistes et sociologues. Le livre de Milan Zafirovski (2001) qui adopte la méthodologie des travaux actuels se présente même comme une « contribution à une sociologie économique néo-weberienne » (Zafirovski 2001, p. xi). Pour autant, nous avons souligné dans le chapitre 3 que des auteurs importants de la "Nouvelle sociologie économique" font également part de leurs réserves face aux descriptions du capitalisme de K. Marx et de G. Simmel mais aussi face à certains aspects de la pensée de M. Weber (Powell et Di Maggio 1983, Zelizer 1994). Y aurait-il alors deux M. Weber, le "Weber analytique" qui démontre les fondements sociaux du capitalisme et le "Weber critique" qui en décrit les conséquences sur le social ? Non. Pas plus qu’il n’y a deux K. Polanyi. Notre sentiment est que la "Nouvelle sociologie économique" opère dans les travaux classiques une sélection des éléments qui sont conformes à sa méthodologie, mais qu’elle ferme volontairement les yeux sur ceux qui le sont moins.

Pour le montrer, nous allons exposer la façon dont M. Weber appréhende les phénomènes marchands dans l’économie capitaliste. En premier lieu, M. Weber propose une définition très précise de l’échange marchand moderne. C’est une sociation rationnelle formelle, une action couplant des caractéristiques de rationalité formelle et d’impersonnalité. M. Weber ne met donc pas l’accent sur la variété des marchés. Pour autant, sa méthodologie reste sur ce point proche de celle de la "Nouvelle sociologie économique". L’échange marchand, tel que M. Weber le décrit, est une activité sociale encastrée. C’est une activité interprétative et intentionnelle qui s’étaie sur des supports institutionnels formels et culturels (section 5.1.). Mais, M. Weber ne s’arrête pas là. Il montre également la façon dont le développement du

marché de sociation rationnelle formelle affecte, en retour, la nature des conditions d’encastrement. L’économie capitaliste non seulement présuppose, comme le montre la "Nouvelle sociologie économique", mais aussi induit certaines institutions. Le développement du marché de sociation rationnelle formelle se fait alors selon une dynamique interne qui rend difficile de construire des échanges marchands d’une nature différente. L’agent qui participe à l’économie capitaliste est contraint de prendre part au marché et de s’y comporter selon des règles bien précises (section 5.2.).

Section 5.1. La cohérence du marché de sociation rationnelle formelle.

M. Weber74 a abondamment décrit la diversité des marchés concrets et la richesse des règles et des institutions qui les soutiennent. Dans un de ses premiers essais75, publié en 1894, il détaille ainsi longuement le fonctionnement des marchés boursiers en signalant leurs différences dans le type de titres échangés (actions, obligations, lettres d’escompte), dans le degré d’ouverture (petits ou gros actionnaires, existence ou non d’actionnariat salarié), et dans la nature des organismes de régulations (publics ou professionnels). Dans Economie et

société, plusieurs sections envisagent également la variété de fonctionnement des marchés.

Une d’entre elles76 porte par exemple sur les contraintes affectant les libertés de mise en marché et de négociation. M. Weber distingue les contraintes issues des usages et de la tradition, celles qui répondent à une réglementation publique (prix administrés, barrières à l’entrée) et celles qui résultent d’accords entre les agents économiques ; une typologie que ne renierait sans doute pas N. Fligstein.

M. Weber est donc parfaitement sensible aux nuances et aux variétés de structuration des marchés concrets. Pour autant, son œuvre vise en priorité à décrire la forme très particulière que prend le marché dans les économies capitalistes. Il nomme les échanges qui s’y déroulent sociation rationnelle formelle (5.1.1.), une forme typique d’activité sociale aux conditions institutionnelles d’existence très précises (5.1.2.).

5.1.1. L’échange marchand : une sociation rationnelle formelle.

Ainsi, dès l’essai sur la bourse, M. Weber (2000) souligne le caractère exceptionnel de la relation marchande qui s’y exerce. Le financement de grandes entreprises par des obligations et des actions n’est pas nouveau. En revanche, dans l’économie capitaliste, contrairement au

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Les écrits de M. Weber sont traduits en français de façon assez erratique et les références en allemand ou en anglais sont parfois différentes. Pour cet auteur, nous préciserons donc en note de bas de page le titre de la section ou du paragraphe auquel nous faisons référence. En outre, M. Weber a tellement repris et raffiné ses écrits que certaines idées sont développées de façon très proche dans différents ouvrages. La référence bibliographique que nous sélectionnerons sera alors celle dans laquelle l’exposé nous semble le plus clair ou le plus détaillé.

75 Weber 2000, traduction de Die Börse.

fonctionnement des économies traditionnelles, les entrepreneurs peuvent ne pas connaître personnellement auprès de qui ils se financent. L’impersonnalité du marché financier est signalée comme un phénomène exceptionnel propre au capitalisme. Plus généralement, Max Weber utilise les termes de sociation et de rationalité formelle pour décrire les échanges marchands du monde capitaliste. Ces deux termes renvoient à la poursuite de l’intérêt, à la mise entre parenthèses des considérations extra-économiques et impliquent des relations marchandes impersonnelles.

Le terme de sociation (vergesellschaftung) est opposé à celui de communalisation (vergemeinschaftung). M. Weber77 distingue les relations sociales fondées d’un coté sur un compromis d’intérêts ou une coordination d’intérêts et de l’autre sur un sentiment traditionnel ou affectif d’appartenir à une même communauté. L’échange marchand libre et rationnel est alors identifié comme un parfait exemple de sociation, quand les communautés familiales sont associées à la communalisation. Là encore, la pensée de M. Weber est nuancée et n’exclut pas que des sentiments affectifs naissent au sein d’un marché, entre un commerçant et sa clientèle par exemple. Mais, pour l’essentiel, l’économie de marché moderne est décrite comme « le type le plus important de l’influence réciproque dans l’activité par le pur jeu des intérêts » (Weber 1995, t.1, p. 82). Dans un autre paragraphe, M. Weber78 confirme : la poursuite de l’intérêt par les participants au marché est telle qu’elle permet de faire apparaître des régularités de comportement supérieures à celles que les coutumes ou les obligations légales parviennent à établir. C’est d’ailleurs, explique-t-il, le constat de cette régularité qui a permis la constitution de l’Economie politique.

Pour autant, l’existence de sociations de marché n’est en rien un phénomène spécifique au capitalisme. Que des commerçants, dans de nombreuses sociétés du passé ou du présent, agissent selon leur intérêt est une évidence. La recherche du profit et le désir du gain n’est en rien spécifique au capitalisme. L’important est que la poursuite de l’intérêt est menée selon une rationalité formelle79. Nous l’avons dit (cf. 4.2.1.), ce terme renvoie à la possibilité d’un calcul portant sur des fins comparables et comptabilisables de façon univoque, essentiellement sous une forme monétaire80. Contrairement à la rationalité matérielle, la

77

Weber 1995, tome 1, chapitre 1, Communalisation et sociation.

78 Weber 1995, tome 1, chapitre 1, Types de régularités dans l’activité sociale : l’usage, la coutume, l’intérêt

mutuel.

79 Weber 1996, Avant-propos.

80

décision ne tient pas compte de valeurs (exigences éthiques, familiales, religieuses ou politiques…) qui, en rendant les fins non commensurables, rendraient un tel calcul impossible. L’exercice d’une rationalité formelle intéressée sur le marché consiste à agir de façon à obtenir le plus de profit, le moins de coûts, le plus de revenu possible ou toute autre forme de résultat ainsi calculable. Mais clairement, elle conduit à ne pas tenir compte de tout ce qui ne peut pas entrer dans le cadre de ce calcul et implique d’évacuer tous les appels à la poursuite inconditionnelle de valeurs.

M. Weber insiste alors sur le caractère impersonnel du marché. Cela apparaît particulièrement bien dans le chapitre inachevé consacré à La communauté de marché81. Avant de le montrer, l’association des termes communauté et marché mérite d’être expliquée, d’autant plus qu’à un moment, M. Weber parle même de la « communalisation du marché » (Weber 1995, t.2, p. 411). Parler de communauté de marché ne vise certainement pas à définir les interactions marchandes comme des relations fondées sur la tradition ou l’affection. « La sociation par l’échange sur le marché, en tant qu’archétype de toute activité sociale rationnelle, s’oppose maintenant à toutes les formes de communauté dont nous avons parlé jusqu’à présent » (Weber 1995, t.2, p. 410). Les participants au marché ne forment une communauté que parce qu’ils agissent les uns en fonction des autres et qu’ils utilisent un outil commun, la monnaie (ils partagent aussi des règles, pouvons nous rajouter). Mais au-delà de cette participation à un espace commun, les échanges sont particulièrement impersonnels. Ils ignorent les statuts des personnes, sont tournés essentiellement vers les marchandises et s’éteignent lorsque l’échange est accompli. Cette impersonnalité est intimement liée à l’exercice de la rationalité formelle. C’est l’abstraction des personnes qui rend pleinement possible la poursuite rationnelle de l’intérêt, indépendamment d’exigences éthiques, religieuses, familiales ou politiques.

« Sur le plan sociologique, le marché représente une simultanéité et une succession de sociations rationnelles dont chacune est à ce point spécifiquement éphémère qu’elle s’éteint avec l’échange de biens qui en font l’objet (...). » (Weber 1995, t.2, p. 410)

« La communauté de marché, en tant que telle, est le plus impersonnel des rapports de la vie pratique dans lesquels les hommes peuvent se trouver. Non point parce que le marché implique une lutte entre les intéressés. (…) Mais au contraire parce qu’il est, de manière spécifique, orienté subjectivement sur

l’intérêt des biens échangés, et seulement sur ceux-ci. Lorsque le marché est laissé à sa propre légalité, il n’a de considération que pour les choses, aucune pour les personnes, ni pour les devoirs de fraternité ou de piété, aucune non plus pour les rapports humains originels, propres aux communautés personnelles. » (Weber 1995, t.2, p. 411)

« Le marché "libre", c'est-à-dire le marché qui n’est pas lié par des normes éthiques, avec sa mise à profit des constellations d’intérêts et de la situation de monopole, avec aussi son marchandage, est considéré par toute éthique comme indigne entre frères. Le marché est en opposition complète avec toutes les autres communalisations, qui présupposent toujours une fraternité personnelle et, la plupart du temps, les liens du sang ; il est radicalement étranger à toute fraternisation. » (Weber 1995, t.2, p. 412)

Comme il transparaît dans ces extraits qui résument bien sa définition du marché, M. Weber a une perception conflictuelle du rapport entre la rationalité formelle et la rationalité matérielle. Ce sont deux conceptions de l’ordre social qui, historiquement, s’opposent. Comme illustration et preuve de ce conflit, M. Weber82 fait référence à l’incompatibilité entre les communautés domestiques et le développement d’une économie rationnelle formelle. Dans la famille et le voisinage, il n’est généralement pas question de discuter des prix, de marchander ou de comptabiliser les apports des uns et des autres. L’entraide et la réciprocité sont préférées aux relations marchandes. Chacun agit selon son statut, ses possibilités et reçoit, tant que cela est possible, selon ses besoins. A l’inverse, dans le capitalisme (en particulier dans les villes où celui-ci est le plus manifeste), l’individu « désire de plus en plus faire sa vie individuellement et jouir à son gré des profits que lui permettent ses capacités propres » (Weber 1995, t.2, p. 109). Il procède pour cela à un calcul objectif de ses contributions et de ses rétributions, calcul d’autant plus aisé que l’usage de la monnaie et les relations marchandes se sont développés. De même, à partir du moment où l’église catholique a étendu à l’ensemble des croyants les devoirs d’amour du prochain et d’assistance mutuelle, elle ne peut que regarder avec suspicion le développement des échanges marchands capitalistes83.

Homo mercator vix aut numquam potest deo placere, le commerçant ne peut plaire à dieu que

difficilement ou jamais, aime à citer M. Weber, reprenant une formule canonique. La critique

82 Weber 1995, tome 2, chapitre 3, La dissolution de la communauté domestique : changements dans son rôle

fonctionnel et accroissement de la "calculabilité", apparition des sociétés de commerce moderne.

83

porte en premier lieu sur la rationalité formelle des commerçants. Mais, plus fondamentalement, le problème est que les échanges marchands capitalistes apparaissent, en raison de leur impersonnalité, comme inaccessibles à la réglementation éthique.

« Mais avant tout c’est le caractère des rapports purement commerciaux (caractère impersonnel, rationnel du point de vue économique mais, par ce fait même, irrationnel du point de vue éthique) qui, dans les religions éthiques, se heurte à une méfiance d’autant plus sûrement ressentie qu’elle n’est jamais tout à fait exprimée. Tout rapport purement personnel, d’homme à homme, quel qu’il soit, y compris la réduction à l’esclavage, peut être éthiquement réglementé, des postulats éthiques peuvent être posés, car la structure de ce rapport dépend de la volonté personnelle des participants et laisse donc le champ libre au développement de la vertu de charité. Mais tel n’est pas le cas des rapports commerciaux, et ce d’autant moins qu’ils sont plus rationnellement différenciés. Les rapports (...) entre l’actionnaire et l’ouvrier d’usine, entre l’importateur de tabac et le travailleur étranger de la plantation, entre l’industriel utilisateur de matières premières et le mineur, ne peuvent se réglementer selon la charité, ni en fait ni en principe. L’objectivation de l’économie sur la base de la sociation du marché suit absolument sa propre légalité objective qui, si elle n’est pas observée, entraîne l’échec économique et, à la longue, la décadence économique. » (Weber 1995, t. 2, p. 355-356)

Nous aurons l’occasion de revenir sur le contenu de cette dernière phrase qui, pour l’instant, nous permet d’affirmer l’absolue impossibilité de moralisation des échanges marchands capitalistes. L’opposition entre la rationalité formelle propre au marché et la rationalité matérielle portée par l’église catholique est frontale et il ne faut pas nous attendre à une issue en forme de synthèse.

5.1.2. Conditions et cohérence institutionnelles du marché de sociation rationnelle formelle.

Il se dégage une figure typique du marché alliant poursuite de l’intérêt, rationalité formelle et impersonnalité. L’homo-oeconomicus forgé à la même époque ne doit donc pas être considéré comme une aberration isolée. Il était dans l’air du temps de décrire ainsi l’échange marchand. Pour autant, la ressemblance entre les deux cousins, le capitaliste de M. Weber et

l’homo-oeconomicus des économistes, s’arrête là. L’idéal-type de la sociation rationnelle formelle ne conduit ni à la constitution d’une discipline autonome, arguant qu’elle traite de phénomènes indépendants des considérations sociales, ni à l’élaboration d’un idiot rationnel suivant automatiquement les principes d’action de ses créateurs. L’échange marchand est une activité sociale qui s’appuie sur des institutions formelles et culturelles qui font système.

a. Une activité sociale.

En premier lieu, vu l’importance de ce point (cf. chapitre 2), il nous faut affirmer que les sociations rationnelles formelles sont des activités sociales. Ainsi, pour M. Weber84, l’action rationnelle en finalité sur le marché ne se réduit pas à un calcul automatique. Ce n’est pas une réponse à des prix stimuli.

« Les personnes intéressées au marché orientent justement leur comportement, considéré comme "moyen", d’après leurs propres intérêts économiques subjectifs et typiques, considérés comme "fin", et d’après les expectations également typiques, considérées comme "conditions", qu’ils nourrissent d’après le comportement prévisible des autres, pour finalement atteindre leur but. » (Weber 1995, t.1, p. 63)

De même, dans un passage sur les relations entre le droit et l’économie, M. Weber85 élabore un raisonnement qui montre bien comment chaque participant à un échange marchand agit en fonction de l’anticipation du comportement d’autrui. Les échanges marchands impliquent un travail d’interprétation de la situation et la production d’attentes quant aux intentions du partenaire ; ce sont des activités sociales. L’enjeu est alors d’estimer si la personne avec qui nous échangeons ou envers qui nous allons contracter une créance agira conformément à nos propres intentions. M. Weber ne prononce pas le terme de confiance, mais c’est bien de cela dont il s’agit (cf. 2.2).

Pour avoir et faire confiance, explique M. Weber, les partenaires peuvent d’abord compter sur la poursuite raisonnée de l’intérêt. Il peut être intéressant de tenir sa parole afin de pouvoir continuer dans l’avenir à tirer bénéfice de l’échange. De façon tout à fait conforme aux orientations théoriques actuelles, M. Weber décrit un mécanisme d’incitation par la réputation. Honesty is the best policy est la maxime qu’il cite systématiquement à cette

84 Weber 1995, tome 1, chapitre 1, Types de régularités dans l’activité sociale : l’usage, la coutume, l’intérêt

mutuel.

85

occasion. Dans différents textes il précise d’ailleurs les conditions de réalisation d’une telle formule. Sa validité « sera le plus élevée, naturellement, pour les entreprises rationnelles ayant une clientèle permanente donnée » (Weber 1995, t.2, p. 413). La récurrence des échanges augmente l’incitation à respecter sa promesse. En outre, l’engagement d’honnêteté sera d’autant plus crédible qu’il provient d’un membre d’une secte religieuse, ou de tout groupe dont sont exclus ceux qui ne se comportent pas conformément aux principes éthiques prescrits. L’appartenance à un tel réseau est un signal positif et en être exclu ruine immédiatement la réputation et rend impossible de continuer à faire des affaires (Weber 2003,

Les sectes protestantes et l’esprit du capitalisme). Mais pour s’engager en confiance dans

l’échange marchand, l’individu peut également compter sur l’existence de règles tacites et surtout de règles de droit sanctionnées par la force publique. De telles règles sont une source d’« accroissement de l’assurance avec laquelle on peut compter que se produira un événement économique important » (Weber 1995, t.2, p. 38). Nous le voyons dans cette formulation, le processus décrit par M. Weber n’est en rien sur-socialisé. L’incitation par la réputation comme les règles de droit n’impliquent pas un comportement prédéterminé (pour les règles de droit, cela irait d’ailleurs complètement à l’encontre du projet webérien de sociologie du comportement juridique86). Cependant, le constat de leur existence offre un surcroît de repères permettant de prendre une décision et de s’engager en confiance dans l’action marchande.

b. Conditions institutionnelles.

Ce raisonnement montre également que l’exercice d’une sociation rationnelle formelle n’est possible que dans des conditions sociales bien définies. Sur ce point, la première section du chapitre de Weber (1991) consacré à La naissance du capitalisme moderne est d’une clarté et d’une exhaustivité exceptionnelle. Elle commence par donner une définition du capitalisme87. Est capitaliste, un système économique où la couverture des besoins humains est prioritairement assurée par des entreprises agissant selon une rationalité formelle. Le capitalisme moderne ou le capitalisme rationnel88 est un système économique pour lequel s’est généralisé l’usage de la rationalité formelle. L’exposé des présupposés institutionnels du capitalisme, qui immédiatement suit cette définition, est alors celui des conditions d’exercice de la rationalité formelle. A la manière de M. Weber lui-même, nous pouvons établir une liste

86 Weber 1995, tome 2, chapitre 1, Ordre juridique et ordre économique.

87 Weber 1991,chapitre 4, Concept et présupposés du capitalisme.

de cinq conditions d’encastrement-étayage de la rationalité formelle. Notons que nous ne sommes alors certainement pas aussi exhaustifs que M. Weber dont la volonté de ne jamais surdéterminer les causalités l’a conduit à décrire de façon toujours plus détaillée les

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