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Le commerce équitable : des échanges marchands contre le marché

Lors d’une journée de formation organisée à Nantes en 2001, une question est posée à Simon Pare, un salarié de Max Havelaar France : « Est-ce que vous n’avez pas peur, en utilisant les outils du marketing, qui sont des outils très controversés, d’arriver à un paradoxe auprès du consommateur qui en arrive à croire que c’est finalement une arnaque ? » La réponse du salarié de Max Havelaar France et le débat qui s’en suit ont été enregistrés et nous les restituons tels quels :

Simon Pare : « C’est une bonne question. Il y a deux aspects, je pense. Il y a

l’aspect qu’on ne peut pas ne pas faire du marketing. C’est absolument essentiel. (...) L’autre chose est qu’il faut rester conscient que le marketing reste qu’un outil donc il faudrait veiller à ce que tout ce qu’on dit soit vrai, soit vérifiable et qu’on ne puisse pas être attaqué là dessus et que cela soit honnête, qu’on n’évoque pas des choses auprès du consommateur qui ne soient pas accomplies par le système. Et c’est difficile parce qu’il y a toujours une tension. En interne, à Max Havelaar, je l’ai tous les jours parce que moi je suis plutôt tourné vers les produits, les producteurs, et j’ai des collègues qui sont plus tournés vers la communication. Comment simplifier suffisamment bien le message du commerce équitable, qui est quand même assez complexe quand on rentre dans les détails, pour que cela soit à la fois compréhensible et vrai ? » (...) L’interlocuteur reprend la parole : « Si je comprends bien… ma question est complémentaire de la précédente à savoir en matière de marketing… Donc, Max Havelaar n’est pas opposé à des démarches publicitaires… » Simon Pare : « absolument pas. » L’interlocuteur : « …est prudent mais n’est pas opposé sur le principe, parce qu’on pourrait penser en étant très puriste que commerce équitable ça veut dire qu’on ne rentre pas trop dans les circuits disons… marketing classique. » Simon Pare : « Non, au contraire, on est pour le plus de marketing possible mais marketing honnête… » Brouhaha et débat

dans la salle… on entend parler de grandes surfaces… Une participante prend la parole : « Il y a quand même un paradoxe entre marketing honnête et grande

qu’une entreprise fasse du social. Déjà là il y a un paradoxe. Mondialisation citoyenne c’est paradoxal aussi, consommateur citoyen encore plus, quoi… »

Qu’est-ce qu’un « commerce équitable » ? Après tout, sommes-nous tentés de demander sur le ton du précédent débat, l’association de ces deux termes a-t-elle un sens ? Un commerce peut-il être équitable ? La recherche d’équité n’oblige-t-elle pas à sortir du commerce ? Ces questions traversent le projet du commerce équitable et la façon dont ses promoteurs l’appréhendent au quotidien. Dans ce long chapitre, nous allons écouter les agents pour voir ce qu’ils mettent derrière ce terme. Pour cela, nous nous appuierons sur la lecture de documents publics qui expliquent la nécessité du commerce équitable (tracts, sites internet, dossiers de presse), sur l’étude des critères formels qui encadrent les pratiques et sur l’observation de quelques outils utilisés pour le construire. Nous nous appuierons également sur la soixantaine d’entretiens semi-directifs pendant lesquels nous avons discuté de tous ces points. L’objectif de ce chapitre n’est ainsi pas d’établir une liste exhaustive des objectifs, principes ou outils du commerce équitable mais de comprendre comment ce projet est perçu par les agents qui le promeuvent.

Cette approche nous permettra de montrer combien la figure du marché est importante, autant pour souligner la nature commerciale des échanges réalisés (section 4.1.) que pour affirmer que le commerce équitable est un « commerce pas comme les autres » (section 4.2.). La figure du marché retenue dans le commerce équitable est alors relativement proche de celle observée plus largement dans le monde occidental. Le projet du commerce équitable est celui d’échanges marchands contre le marché, un projet hybride dont nous pourrons nous demander s’il est cohérent et donc s’il est tenable.

Section 4.1. L’affirmation de la nature marchande des échanges.

Il y a deux raisons pour lesquelles nous qualifions le commerce équitable d’échange marchand. La première est que nous adoptons une définition très ouverte du marché. Dans le commerce équitable, les termes des transactions sont connus et font l’objet d’un accord. Peu importe pour l’instant la nature des impératifs poursuivis dans ces échanges. Ce ne sont ni des relations de don (impliquant une incertitude sur le contre-don), ni des relations de redistribution (impliquant l’obligation hiérarchique et l’absence de connaissance des termes de l’échange). Selon notre terminologie (celle de la "Nouvelle sociologie économique"), le commerce équitable est donc fait d’échanges marchands.

Mais, indépendamment de ce premier point, nous sommes d’autant plus à l’aise avec cette qualification qu’elle est également retenue par les promoteurs du commerce équitable. Il n’y a pas, sur ce marché, de hiatus entre la définition du chercheur et celle adoptée par les agents. La "Nouvelle sociologie économique" a bien montré que les échanges que construisent les agents incluent des significations qui peuvent être différentes d’une transaction ou d’un marché à l’autre. En l’occurrence, le commerce équitable est clairement assumé par ses promoteurs comme un échange marchand. Contrairement, aux situations d’échange de « biens symboliques » (Bourdieu 1994, Trompette et Boissin 2000), les agents du commerce équitable ne nient pas qu’ils font du commerce. L’outil principal de Artisans du Monde est la boutique, un commerce pas comme les autres, mais un commerce quand même. Le rôle de Solidar'Monde est d’acheter des produits à des producteurs du Sud, dans une logique de partenariat certes, mais de partenariat commercial. Et si Max Havelaar labellise des produits équitables, c’est clairement pour qu’ils puissent être identifiés sur le marché. Tout cela est non seulement assumé mais affirmé. La nature commerciale de l’activité est vue comme un gage de respect et d’égalité envers les producteurs (4.1.1) et comme un facteur de leur développement économique (4.1.2.).

4.1.1. « De l’échange, pas de l’assistance »10.

Aujourd'hui, les agents du commerce équitable refusent fermement que leur commerce fonctionne ou soit perçu comme une relation de don charitable. A cet égard, l’histoire de la

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création du label Max Havelaar au milieu des années 1980 en Hollande, telle qu’elle est systématiquement racontée, nous semble agir pour l’ensemble du mouvement du commerce équitable comme le font les mythes des cultures d’entreprise. Histoire sélectionnée et romancée, elle traduit parfaitement l’identité propre du commerce équitable au sein des mouvements de solidarité internationale. L’appel des producteurs de l’UCIRI à ne plus recevoir d’aide financière mais un prix juste pour leur café semble être dans toutes les têtes. Nous voyons comment elle est retranscrite sur le site internet de Max Havelaar France.

« En 1986, une communauté dans le Chiapas au Mexique est aidée par une ONG hollandaise de développement Solidaridad. Sans remettre la cause le travail de cette ONG, les membres de cette communauté qui sont producteurs de café, interpellent les représentants de Solidaridad : "Evidemment, recevoir chaque année vos dons pour acheter un camion ou construire une petite école pour que la pauvreté soit plus supportable, c'est bien. Mais le véritable soutien serait de recevoir un prix plus juste pour notre café." Cet appel est alors relayé aux Pays-Bas. L'association Max Havelaar et le label du commerce équitable naissent en 1988. »11

La « carte d’identité du commerce équitable » est établie. « Il s’agit donc de penser le développement du Tiers Monde non plus seulement en terme de subventions mais en terme d’échanges et en réhabilitant l’acte de commerce »12.

Lors de leurs animations commerciales, les bénévoles de Max Havelaar 44 signalent systématiquement aux consommateurs que les produits labellisés répondent à un niveau de qualité élevé. C’est sans doute une façon de justifier les prix et de comparer les produits équitables aux plus chers des concurrents non équitables. Mais, pour les bénévoles, il s’agit surtout d’insister sur les efforts réciproques qu’implique le commerce équitable : d’un côté le paiement d’un prix juste, de l’autre la production d’un produit de haute qualité. Vendre des produits qui, selon les standards habituels du commerce, sont jugés de bonne qualité est présenté comme une façon de respecter le producteur et de valoriser son travail. Le contrat qui est signé entre les producteurs et les acheteurs est, selon les termes retenus dans un outil pédagogique de Max Havelaar 44, un « contrat gagnant-gagnant ». Le marché auquel les

11 Max Havelaar France, Site internet, février 2003.

agents du commerce équitable identifient leur action est alors un marché où acheteurs et vendeurs sont sur un pied d’égalité et duquel chacun tire un bénéfice.

« Moi je n’aime pas trop l’assistance. (...) Pour signer les engagements de Max Havelaar, ce n’est pas rien … toutes les règles du commerce équitable, l’environnement, le travail des enfants, la qualité… etc. Donc, ils s’engagent aussi de leur coté. (...) Ça te semble être important la qualité, tu le dis dans les

animations ? Oui, bien sûr. Pourquoi insistes-tu là dessus ? Parce que je pense

que c'est un petit peu aussi le respect des producteurs qui font de la qualité. (...) Ce

n’est pas pour justifier le prix ? Non, et puis, si le consommateur, on lui parle

qualité c’est un argument qui va l’intéresser parce que je pense que la qualité on en parle de plus en plus. Il y a une démarche qualité dans les entreprises. C’est quelque chose d’important et c’est à travers ça qu’on va considérer les acteurs, que ce soient des salariés d’entreprises, ou… c'est-à-dire que la considération qu’on va avoir pour la personne, c’est la qualité de sa production, de son travail. » (Max Havelaar 44 2)

Dans le champ des associations de solidarité, le projet d’un commerce équitable est alors assez proche de celui que défendent les chiffonniers d’Emmaüs. La proximité dépasse d’ailleurs la ressemblance. Dans de nombreux pays, des boutiques vendent, à coté des produits issus du commerce équitable, des produits de seconde main. C’est le cas par exemple dans les boutiques anglaises de Oxfam (Horne et Maddrell 2002). Plus directement, la genèse de Artisans du Monde remonte à l’« appel aux communes de France » que l’Abbé Pierre a lancé en novembre 1971. Suite à cet appel, des dizaines de villes s’étaient jumelées avec une commune du Bangladesh, pays nouvellement indépendant et dévasté par de graves inondations et des mois de guerre civile. Un an plus tard, l’Union des Comités de Jumelages Coopération était créé dans le but de coordonner et de fédérer ces initiatives. Quelques boutiques étaient alors ouvertes dans le double objectif d’écouler une production artisanale, créatrice d’emploi au Bangladesh, et de financer UCOJUCO. Les premières boutiques Artisans du Monde étaient donc à l’origine des boutiques issues d’un projet porté par l’Abbé Pierre. Mais rapidement, en 1975, les boutiques Artisans du Monde ont obtenu leur indépendance et aujourd'hui, le rapport à l’Abbé Pierre ou au mouvement Emmaüs s’est distendu. Contrairement à l’appel d’UCIRI pour Max Havelaar, ce moment de l’histoire d’Artisans du Monde n’est d’ailleurs pas systématiquement raconté. Il n’empêche que la proximité de projet demeure. Hélène Le Gardeur (1988) souligne que UCOJUCO avait pour

objectif « de rompre avec l’idée d’assistance en créant des liens de communautés à communautés, des liens d’amitié et de solidarité » et note « l’analogie qui existe entre le mouvement Emmaüs, dont le principe est que les gens vivent de leur travail (chiffonniers), et celui d’Artisans du Monde, dont le but est d’arriver à cette situation dans le tiers-monde » (Le Gardeur 1988, p. 44). Cette militante de Artisans du Monde qui a pris part aux activités de Emmaüs, établit également le lien :

« Non, parce que je pense que ce n’est pas uniquement la solution d’envoyer uniquement de l’argent. Je pense qu’il vaut mieux que les gens travaillent. Bon, j’ai le même principe pour ici, je pense qu’on donne trop sans faire travailler les gens, ne serait-ce que symboliquement. On ne peut pas demander n’importe quoi à n’importe qui. Mais les gens en retirent une valeur personnelle qui est importante de dire "bah, c’est mon travail" plutôt qu’uniquement donner, donner, donner. Ça ça me paraît essentiel. C’est pour ça que vendre un produit qui a été fait, c’est mieux que de donner de l’argent. Et ça tu le pensais à l’époque ou… Ah oui, je le pensais à l’époque. Ce n’est pas le fait d’être venue à Artisans du

Monde… Non, non, parce que déjà à la prison c’était la même chose. J’allais pour

aider les gens qui étaient là. J’allais à la prison des femmes (...) là, elles n’ont rien à faire, depuis le matin jusqu’au soir elles n’ont pas de travail. Elles n’avaient aucune possibilité. Alors, on a été un groupe de femmes [d’Emmaüs] qui s’est dit, si on peut les occuper ça serait bien. Donc moi, j’y allais pour faire de la couture parce que j’étais prof de couture. Alors, avec elles, j’essayais de leur faire des vêtements, pour elles, pour leurs enfants, les occuper… Moi je pense que c’est important de faire des choses par soi-même plutôt que d’attendre parce qu’on aurait pu aussi leur donner n’importe quoi, leur apporter des choses, mais non, on allait les faire travailler. Ici, c’est dans le même style, tu vois. Plutôt aider les gens à valoriser leur travail. » (Artisans du Monde Nantes 5)

Les standards qui encadrent les pratiques du commerce équitable et les outils qui les relaient mettent alors l’accent sur la qualité des produits. En introduction au questionnaire adressé par Solidar'Monde, l’importateur du réseau Artisans du Monde, aux producteurs qui lui proposent une collaboration, nous pouvons lire quatre critères qui les concernent :

« EFTA veut travailler avec des organisations du Sud (...) qui (...) cherchent : (1) A soutenir le processus de développement durable (...). (2) A produire des produits commercialisables : dans des quantités nécessaires pour accomplir les commandes,

de qualité d’exportation et répondant aux normes du marché européen, à un prix qui fournisse un juste retour aux producteurs par rapport aux standards de leur région et à un prix acceptable pour l’organisation de commercialisation (...). (3) A avoir la capacité d’exporter et à remplir les conditions de la livraison. (4) Qui s’engagent à la transparence (...). »13

Même si ce n’est pas le seul critère affirmé, les organisations du commerce équitable n’ont pas peur, ni honte, d’affirmer que les produits qu’elles importent doivent être « commercialisables ». Cela signifie d’abord que les biens importés correspondent aux normes techniques et aux goûts des consommateurs et ensuite que les producteurs ont les capacités de production et d’exportation pour satisfaire leurs commandes. Ainsi, dans le contenu du questionnaire EFTA, outre la description des conditions de travail et des projets sociaux de l’organisation, Solidar'Monde demande au producteur d’évaluer ses capacités de production, d’innovation et de design. D’autres questions portent sur le développement d’une démarche qualité, d’autres sur ses connaissances des pratiques de l’exportation, etc.. De même, les critères de Max Havelaar incluent la capacité d’exportation des organisations et la qualité des produits : « les producteurs doivent avoir accès à des moyens logistiques, administratifs et techniques afin d'apporter un produit de qualité sur le marché »14. Ainsi, pour poser sa candidature au registre du café, un producteur doit en premier lieu renvoyer un questionnaire précisant les moyens de communication et de transport dont il dispose et un échantillon (500 grammes) du café qu’il compte exporter. Contrairement au don unilatéral, le commerce équitable permet d’établir une relation digne et égalitaire entre le consommateur et le producteur. Dans cet extrait, ce salarié du torréfacteur Lobodis exprime très bien cette différence entre le monde de la charité, associé à la « quête du dimanche » et le monde du gagnant-gagnant propre à la présence « sur le marché ».

« Non, il faut que les produits soient bons. Moi je refuse que ce soit un produit charitable. Si c’est le petit producteur, le pauvre petit producteur, il n’y a plus qu’à mettre une anse et une fente au milieu et aller faire la quête le dimanche. Le but est de montrer que les producteurs, regroupés, arrivent à l’excellence en terme de

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EFTA, Les principes du commerce équitable d’EFTA, préambule au Questionnaire aux partenaires

commerciaux, utilisé entre 1996 et 2002.

14 FLO, Standards génériques du commerce équitable pour les organisations de petits producteurs, 2003. FLO, Standards génériques du commerce équitable pour les organisations dépendant d’une main d’œuvre

travail. Moi j’ai des exemples précis pour lesquels je sais parfaitement qu’en payant mieux, j’ai ce qui se fait de mieux dans leur production. Aussi je leur demande : si vous voulez vous mettre sur le marché, que je vous fasse une place de choix, et que les gens aient envie de vous acheter, il faut que ça soit bon. C’est quand même une des règles fondamentales. Après, le prix juste ça va de soi. Mais si c’est un prix juste pour un mauvais produit, ça ne va pas être un prix juste, ça va être un prix injuste. Ça va être une prime à la pauvreté, ça va être caritatif, ça va être une subvention, c'est-à-dire que finalement vous êtes toujours dépendants de moi, je serai toujours en train de donner et vous serez toujours en train de tendre la main. On veut sortir de ça. » (Salarié Lobodis 2)

Par suite, les prix de vente des produits équitables doivent être comparables aux prix habituellement proposés aux consommateurs. Vendre à un prix conforme aux standards du marché est compris selon un sens distinct (et complémentaire) des impératifs concurrentiels. C’est montrer que le commerce équitable est réellement un commerce et n’est pas une relation d’assistanat.

« Bien sûr il faut être en adéquation avec le marché. Parce que justement il faut sortir du cercle de militants. Il faut sortir de… il y a 10 ans, ça ne faisait rien que les boutiques tournent avec un fond d’habitués qui achètent dans un geste de solidarité. Si on veut se développer, il faut que n’importe qui puisse entrer dans la boutique. Mais même au delà de ça, c’est aussi une question de logique. (...) si l’idée de Artisans du Monde c’est de proposer une alternative au commerce, si on propose une alternative qui coûte 4 fois plus cher aux gens, je pense que ce n’est plus une alternative, c’est une connerie ! (...) Quand on paie un produit 4 fois son prix, ça reste de l’assistanat. Ce n’est pas le prix du marché. On est dans un monde où c’est le marché qui fixe sa loi, et on s’inscrit à l’intérieur de ça, on ne s’inscrit pas en dehors de ça. Donc, on doit faire avec. » (Salarié Solidar'Monde 5)

Il est également important que le consommateur comprenne que son achat n’est pas un achat de charité. La différence entre le don charitable et l’échange équitable tient alors aux termes de l’échange mais aussi à la façon dont est présenté le bien, au sens qui lui est attaché lors de la vente. Le consommateur doit comprendre que le montant de son achat n’est pas « reversé » au producteur, selon les termes habituels des associations de solidarité, mais qu’en achetant

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